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20/01/2009
Mauritanie (1)
Messaoud ould Boulkheir : Rien narrivait dtourner le gnral de son objectif, qui tait trs clair : il voulait se substituer au prsident


(MFI) Le prsident de lAssemble nationale et leader des haratines mauritaniens revient sur le putsch qui a secou son pays. Le 6 aot 2008, le prsident Sidi ould Cheikh Abdallahi, qui avait t lu en mars 2007 lors dun scrutin libre, a t dpos par les militaires. Mdiateur au plus fort de la crise daot 2008 entre le gnral Abdul Aziz et le prsident Abdallahi, Messaoud ould Boulkheir dcrypte, dans une interview accorde MFI, les vraies raisons de la suspension du processus dmocratique par les militaires.

MFI : Comment sest noue la crise parlementaire qui a conduit la situation actuelle ?

Messaoud ould Boulkheir : Ce nest pas au niveau du Parlement que sest noue la situation. Certains parlementaires, de connivence avec le gnral Abdul Aziz, ont accept de servir de faire-valoir un coup dEtat militaire, mais la situation qui prvalait juste avant ntait pas conflictuelle au point daboutir ncessairement au dpart du Prsident. Il na jamais t question, mme au plus fort de la crise autour de la motion de censure, de remettre en cause lautorit du prsident Sidi ould Cheikh Abdallahi. Tout au plus ces parlementaires mettaient-ils en avant quil avait fait appel des ministres de lancien rgime quils considraient souills par les pratiques anciennes et quils contestaient. Mais ils nont jamais contest la lgitimit du prsident.

MFI : De quoi sagissait-il alors ?

M. o. B. : La vrit, cest que le gnral a des ambitions. Il avait dj des ambitions au moment du coup dEtat du 3 aot 2005. Il nest pas all il a hsit ou il na pas pu aller jusquau bout de sa logique. A lpoque, il avait fait appel un officier plus grad que lui, et plus au fait des affaires de lEtat vu le temps pass aux cts du prsident dchu Maaouiya ould SidAhmed Taya. Depuis lors, son ambition na cess de grandir, et il a d forcer le prsident de la junte, Ely ould Mohamed Vall, appliquer ce sur quoi ils staient entendus, savoir partir au bout des dix-huit mois.

MFI : Ctait tout son honneur

M. o. B. : Il la fait simplement parce quil ne voulait pas de concurrent. Et surtout, parce quil ne voulait pas avoir renverser un militaire quil avait lui-mme plac l ! Ds linstant o le prsident civil a t lu, il na eu de cesse de le dstabiliser. Par le biais, pensait-il, des parlementaires. Mais puisquil nexistait aucune disposition constitutionnelle ou lgale permettant au Parlement nous sommes sous rgime prsidentiel daboutir au dpart dun prsident lu au suffrage universel pour cinq ans, ce quil voulait organiser en dfinitive, et cela de laveu mme de certains putschistes ou de parlementaires, ctait une meute. Une soi-disant prise de force du Palais prsidentiel au cours de laquelle la Garde prsidentielle, compose dlments que commande le gnral, allait lui donner loccasion dintervenir pour dire : La situation devient intenable, le prsident nest plus ceci ou cela... Cest ce quil prparait. Et quand le prsident en a eu la certitude, il la limog ainsi que ses compagnons.

MFI : Ntait-ce pas une erreur ?

M. o. B. : Non, cest ce qui la sauv. De toute faon, on prparait un autre scnario o on allait dire que la vie du prsident tait en danger ou que la population le rejetait, donnant ainsi un fond de lgitimit populaire son dpart. Quand le prsident a senti cela, il a procd au limogeage. Et puisque le gnral voulait le pouvoir tout prix, lui et ses amis lont renvers.

MFI : La crise ne sest donc pas joue sur un dbat ou un autre au sein de lAssemble ?

M. o. B. : Pas du tout. Le conflit, je vous lai dit, rsidait dans le fait quon voulait faire signer une motion de censure pour rcuser un gouvernement nouvellement dsign, au prtexte que certains de ses membres avaient servi avec ould Taya. Personnellement, jai fait le facilitateur entre le gnral et le prsident parce quil ntait un secret pour personne que certains dputs taient manipuls par le gnral. Cest lui qui les poussait dposer la motion de censure. Lors de nos discussions pendant le conflit, il a mis en avant ces quelques membres du gouvernement quil ne voulait pas accepter ; et galement les rapports conflictuels peut-tre de cohabitation quil entretenait avec le prsident ou la famille du prsident. Mais il nest pas le fils de la maison ! Jessayais de lui expliquer que son ingrence dans la vie politique, constitutionnelle, ntait pas fonde. Quil navait aucun droit de le faire. Que le fait de pousser les dputs dposer une motion de censure quivalait pratiquement une rbellion, une incitation la rvolte, quil devait y renoncer. Quant ses rapports conflictuels avec la famille, je mapprtais en parler au prsident, sa famille Mais rien narrivait le dtourner de son objectif, qui tait trs clair : il voulait se substituer au prsident.

MFI : Donc, il ny avait rien dautre que quelquun qui tirait les manettes en sous-main dans le but de se substituer au prsident.

M. o. B. : Cest tout. Jai oubli un dtail important. Le gnral me disait quil ne voulait mme pas que la motion soit vote alors quil incitait les autres la dposer ! , quil prfrait que le prsident se ddise directement. Jai conseill au prsident de ne pas le faire Mais la pression du gnral a t plus forte : la motion na jamais t dpose et le prsident est finalement revenu sur ses nominations. Il a limog son dernier gouvernement qui navait dailleurs pas eu le temps de faire quoi que ce soit, puisque ds linstant o il avait t nomm, les problmes avaient commenc. Donc, aucun moment la lgitimit du prsident na t mise en doute ni par les dputs ni par le gnral ce quil laissait entendre en me disant : Nous ne ferons pas de coup dEtat et nous ne laisserons personne faire de coup dEtat. Il nen est pas question. Mais ces membres-l, on nen veut pas Les constructions qui sont venues par la suite, quant au blocage des institutions, ce nest pas vrai. Ce nest pas cela le fond du problme.

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Propos recueillis en novembre 2008 par Antoinette Delafin

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