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03/02/2009
Questions internationales (2)
Jean-Yves Camus : La victoire lectorale ne devrait pas chapper au Likoud


(MFI) Jean-Yves Camus est chercheur auprs de lInstitut de relations internationales et stratgiques (Iris) et auteur, avec Annie-Paule Derczansky, de Le monde juif (Ed Milan). Selon lui, le rcent conflit entre larme isralienne et le Hamas, Gaza, devrait favoriser la victoire du Likoud, le parti de la droite conservatrice, aux lections lgislatives du 10 fvrier. Ce qui nempchera pas la poursuite de bonnes relations entre les Etats-Unis et Isral.

MFI : Quelle devrait tre linfluence du rcent conflit contre le Hamas sur les lections lgislatives ?

Jean-Yves Camus : Ce conflit fait que la scurit dIsral et les relations avec les Palestiniens sont devenues les deux principaux thmes de la campagne lectorale. Sans surprise, cela profite au Likoud, mais aussi aux partis situs sa droite. Cest particulirement le cas dIsral Beitenou, crdit de 16 siges par les sondages, soit autant que le Parti travailliste. Globalement, les formations de droite obtiendraient 65 siges (la majorit la Knesset est 61 siges NDLR) et celles de gauche 55. On voit mal comment cette tendance pourrait sinverser dici le 10 fvrier.
Cependant, 22 % des lecteurs sont encore indcis. En Isral, les indcis votent gnralement pour lune des trois grandes formations : le Likoud, Kadima ou le Parti travailliste. Il faut noter que le ministre de la Dfense, Ehoud Barak, sort personnellement renforc de ce conflit. Mais cest le militaire qui gagne en prestige, pas le Parti travailliste quil dirige. Les personnes interroges disent vouloir quEhoud Barak conserve son poste de ministre de la Dfense. On pourrait donc sorienter vers une alliance entre Benjamin Netanyahou, le prsident du Likoud, et Ehoud Barak, au dtriment de Tzipi Livni, la leader du parti centriste Kadima. Le futur gouvernement serait alors le fruit dune coalition trs htrogne. Mais cest la situation Tel Aviv depuis des annes.
Que la scurit dIsral et la question palestinienne soient au centre des dbats a fait passer au second plan des sujets pourtant essentiels, notamment la situation conomique et sociale du pays. Or, le chmage augmente, la pauvret saccroit, des secteurs entiers vont licencier. LEtat hbreu nest pas pargn par la crise conomique et financire. Les questions de socit ne sont pas non plus abordes, comme lenvironnement, la place de la religion, les espoirs de la jeunesse Un point est rvlateur. En septembre dernier, le parti cologiste tait crdit par les sondages de 8 siges. Depuis loffensive contre Gaza, il a disparu des intentions de vote.

MFI : Comment Benjamin Netanyahou pourrait-il sallier avec le travailliste Ehoud Barak alors que les formations de la droite extrme ont le vent en poupe et que le Likoud lui-mme se radicalise ?

J.Y.C. : Benjamin Netanyahou a dj t Premier ministre ; cest un pragmatique. Il sait quun gouvernement constitu du Likoud et de partis ultrareligieux ou dextrme-droite serait rapidement dans une position intenable, en Isral mais aussi et surtout vis--vis de la communaut internationale et des Etats-Unis en particulier.
Il a tout fait pour marginaliser laile la plus radicale du Likoud. Il sait quune lection se gagne au centre et que cest le meilleur moyen de dtourner les lecteurs du Parti travailliste et de Kadima. Certes, suite aux primaires organises au sein du parti, la majorit des candidats du Likoud sont des tenants de la droite pure et dure, et non des modrs. Ainsi, la majorit dentre eux tait oppose au retrait de larme isralienne de Gaza, dcid par Ariel Sharon en 2005. Benjamin Netanyahou est conscient de cette situation qui le fragilise, mais nen fait pas pour autant lotage des fractions les plus dures de la droite isralienne.

MFI : Lorsque Benjamin Netanyahou tait Premier ministre, ses relations avec Washington taient difficiles. Comment cela va-t-il se passer avec la nouvelle administration dmocrate ?

J.Y.C. : Mme aprs llection de Barack Obama la Maison-Blanche, Benjamin Netanyahou conserve de puissants relais au sein de ladministration amricaine. Il ne faut pas voir en lui une espce de chien fou qui nen fait qu sa tte. Cest lintrt de ses adversaires de dire que si le prsident du Likoud devient Premier ministre, Isral se retrouvera isol sur la scne internationale. Mais ce nest pas vrai ; Benjamin Netanyahou saura travailler avec la nouvelle administration dmocrate. George Mitchell, lmissaire amricain pour le Proche-Orient, tait rcemment Tel Aviv, et aucun clash ne sest produit durant sa rencontre avec Netanyahou. Ce dernier sest engag interdire toute nouvelle construction de colonies juives en Cisjordanie. Certes, tous les Premiers ministres israliens lont dit et aucun na respect cet engagement.
Il ne faut pas oublier quIsral est un Etat souverain. Sa politique ne dpend pas entirement de se relations avec les Etats-Unis.

MFI : Au-del du rcent conflit contre le Hamas, Tzipi Livni ne porte-elle pas la responsabilit des mdiocres intentions de vote pour Kadima ?

J.Y.C. : Comme tout parti centriste, Kadima a des difficults de positionnement. Il emprunte des thmes au Likoud, dautres aux Travaillistes. La rumeur Tel Aviv veut que Benjamin Netanyahou et Ehoud Barak aient conclu une alliance pour liminer Kadima de la scne politique et que ses militants rejoignent soit le Likoud soit le Parti travailliste. Lexistence de Kadima aura alors t phmre puisque le parti a t cr en novembre 2005 par Ariel Sharon.
Tzipi Livni cherche se construire une image de femme forte, intgre, laquelle un conflit aujourdhui contre le Hamas, demain contre lIran ne fait pas peur. Elle espre capitaliser sur le succs, aux yeux des Israliens, de lopration militaire contre le Hamas. Mais elle a contre elle le fait dtre une femme ; certains estiment galement quelle na ni lexprience ni lautorit pour devenir Premier ministre. Par contre, on ne peut pas lui reprocher son incapacit former un gouvernement aprs la dmission dEhoud Olmert, lautomne dernier. La faute en incombe aux drives du systme politique isralien.

MFI : Prcisment. Nest-il pas urgent de rformer un systme facteur dinstabilit politique ?

J.Y.C. : Certainement. On compte une quarantaine de partis politiques en Isral, une quinzaine la Knesset. Certains ne reprsentent que des intrts corporatistes et changent dalliance au gr de leurs intrts immdiats. La classe politique est obsolte aussi. Elle est rgulirement secoue par des scandales financiers, des affaires de corruption. Il y rgne un climat dltre, et les Israliens nont plus confiance en leurs lus. Au demeurant, le taux de participation aux lections ne cesse de baisser, scrutin aprs scrutin.
Le problme vient du fait que les lections lgislatives se tiennent la proportionnelle intgrale, partir de listes tablies par les seuls partis politiques. Isral ne forme quune seule et grande circonscription. On vote donc pour un parti avant de voter pour un candidat. Il faudrait mieux crer des circonscriptions dont les dputs, lus au scrutin majoritaire, seraient les reprsentants. Cela viterait cette toute puissance des partis et le clientlisme que favorise le scrutin de liste.
Nanmoins, le charisme est aussi un lment important de lhistoire politique isralienne rcente. Or les leaders les plus charismatiques viennent gnralement de la droite. Ce fut le cas avec Menahem Begin et Ariel Sharon hier, avec Benjamin Netanyahou aujourdhui. Si lon songe aux accords de Camp David conclu entre Menahem Begin et Anouar el-Sadate ou au retrait de la bande de Gaza dcid unilatralement par Ariel Sharon, lide prvaut en Isral que la droite ce quon appelle le camp national , plus que la gauche, a le courage de prendre des dcisions difficiles sans jamais rien cder sur la scurit de lEtat hbreu.

Propos recueillis par Jean Piel

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