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03/02/2009
Questions internationales (1)
Isral : des lections lgislatives sur fond de guerre


(MFI) Les lections lgislatives auront lieu le 10 fvrier 2009 en Isral. Objectif : lire les cent-vingt membres de la Knesset et dsigner un nouveau Premier ministre. Les affrontements contre le Hamas Gaza influencent la campagne lectorale et le Likoud, le parti de la droite conservatrice, en tire profit. Quatrime scrutin en huit ans, ces lections lgislatives anticipes illustrent linstabilit politique chronique dans lEtat hbreu. Une instabilit politique qui nuit aux ngociations de paix avec les Palestiniens.

Pourquoi des lections anticipes ont-elles lieu ?

Une nouvelle fois, les Israliens retournent aux urnes. Depuis 1992, aucun gouvernement nest rest en place tout au long des quatre ans de lgislature, et ces lections gnrales du 10 fvrier seront les quatrimes en huit ans seulement. La preuve de linstabilit politique chronique que connat lEtat hbreu depuis les annes 90.
Cette fois-ci, la crise provient de la dmission du Premier ministre Ehoud Olmert, le 21 septembre dernier. Dj fragilis par lchec de la guerre contre le Hezbollah libanais lt 2006, celui-ci est aujourdhui accus de corruption dans six affaires qui lient immobilier, fraude fiscale, trafic dinfluence et politique. Avec une cte de popularit infrieure 8 %, sa position devenait intenable, mme sil na t formellement inculp dans aucun dossier jusqu prsent. Fin septembre 2008, il a donc cd sa place Tzipi Livni, la ministre des Affaires trangres.
Mais cette dernire, rpute intgre et svre, na pas russi constituer un gouvernement. Kadima, la formation centriste quelle dirige, ne dtient que 29 siges (sur 120) la Knesset, le Parlement isralien. Il lui fallait donc conclure des alliances. Un accord a t facilement trouv avec le Parti travailliste, mais les ngociations avec le Shass ont chou. Ce mouvement sfarade ultra-religieux, pass matre dans lart du marchandage politique, exigeait contre son ralliement que Jrusalem reste la capitale indivisible dIsral et que son statut ne soit pas discut avec lAutorit palestinienne. Il rclamait, en outre, 260 millions de dollars pour la cration de nouvelles coles talmudiques alors quil avait dj reu 100 millions cette fin en 2007. Lintransigeance du Shass tait dautant plus forte que son prsident, Eli Yisha, ngociait paralllement en coulisse avec le Likoud, le parti de la droite conservatrice, principal adversaire de Kadima. Le 27 octobre dernier, Tzipi Livni a prfr jeter lponge. Celle qui se prsente comme une femme de principes, allergique aux combines et prtend faire de la politique diffremment dclarait alors au quotidien Maariv : Les conditions poses par le Shass sont exorbitantes. Je ne me laisserai pas extorquer. Nous irons aux urnes. Je ne suis pas ici pour survivre, mais pour diriger. En attendant, Ehoud Olmert gre les affaires courantes.

Quels sont les principaux partis en prsence ?

La Knesset tire son nom et le nombre de ses lus de la Knesset Haguedolah (la Grande Assemble), le conseil reprsentatif runi Jrusalem au Ve sicle avant Jsus-Christ par Ezra et Nhmie, les deux prtres qui restaurrent la religion juive aprs lexil de Babylone.
Aujourdhui, la Knesset est un Parlement divis. Les trois principaux partis le Likoud, Kadima et les Travaillistes dtiennent peine la moiti des siges, alors que jusquau dbut des annes 90, le systme tait largement bipartisan, le Likoud et les Travaillistes se partageant les deux-tiers des siges. Dsormais, douze formations comptent des lus la Knesset. Certaines ne dfendent que des intrts catgoriels, comme Gil, un parti de retraits qui prne le droit aux assurances sociales pour les personnes ges, ou Isral Beitenou (Isral notre maison), formation populiste qui se veut la plateforme politique des nouveaux immigrs. Certains partis sont trs marqus droite, comme Yahadut HaTorah Hameukhedet (Pour le judasme unifi de la Torah) ou lUnion nationale, des formations ultra-orthodoxes opposes lexistence dun Etat palestinien. De lautre ct de lchiquier, Balad ou Rahal Tahal reprsentent les arabes israliens (soit 20 % des sept millions dIsraliens). Ils soutiennent la sparation de la religion et de lEtat, le dmantlement des colonies dans les territoires occups et la cration de deux Etats isralien et palestinien dans les frontires davant 1967.
Rsultat du systme lectoral la proportionnelle, du scrutin de liste et du fait que tout Isral ne constitue quune seule circonscription, cet extrme miettement de la scne politique isralienne favorise les marchandages politiciens, les coalitions boiteuses et handicape la prise de dcisions. Comme le souligne dans Le Monde Claude Klein, ancien doyen de la facult de droit de Jrusalem : Ce mal ne touche pas un pays simplement confront des problmes de financement des retraites, mais une nation somme de trouver le chemin de la paix, ce qui exige des compromis, du courage, la stabilit, une lgitimit politique. Autant dlments qui, aujourdhui, font cruellement dfaut. Labsence de progrs dans les ngociations de paix avec les Palestiniens est lun des produits drivs de cette paralysie institutionnelle. Un avis partag par Dan Ben David, professeur dconomie luniversit de Tel Aviv : Isral est confront la menace iranienne et la crise financire. Les ngociations de paix avec les Palestiniens doivent absolument progresser. Et quoi assiste-t-on ? Des lus qui sarrangent avec la loi et la morale, des tractations entre appareils de partis politiques autour de la dfense dintrts sectoriels. Comment stonner ensuite que les Israliens, les jeunes en particulier, se dtournent de la chose publique.

Le conflit contre le Hamas aura-t-il une influence sur le scrutin ?

La crise politique et financire qui touche Isral comme le reste de la plante avait redonn espoir la gauche isralienne, en perte de vitesse depuis plusieurs mois. Le Parti travailliste, mais aussi Meretz, une petite formation plus radicale, espraient engranger les dividendes de la monte du chmage et des inquitudes sociales des lecteurs.
Mais les 22 jours de guerre contre le Hamas dans la bande de Gaza et les heurts qui se poursuivent aujourdhui ont chang la donne. Comme lexplique dans la revue Alternatives Economiques Alain Dieckhoff, directeur de recherche au CNRS : Ces lections se droulent sur fond de guerre. Plus les affrontements se prolongent, plus le Likoud, mais aussi les formations trs droite, ont des chances demporter la mise, les lecteurs voyant dans ladoption de positions intransigeantes la meilleure garantie pour la scurit dIsral dans un environnement hostile.
En effet, tous les sondages prdisent la victoire du Likoud, le crditant de 30 siges contre 12 actuellement. Le prsident du parti conservateur, lancien Premier ministre Benjamin Netanyahou, joue la surenchre, accusant le gouvernement de stre arrt mi-chemin et davoir frustr larme de sa victoire en stoppant lopration Plomb durci avant davoir totalement dtruit le pouvoir du Hamas . Le Likoud nest pas le seul bnficier du conflit. Le parti populiste ancr droite, Isral Beitenou, passerait de 11 16 lus. Les autres formations nationalistes ou ultra-orthodoxes sont aussi crdites de larges intentions de vote. Historiquement, la guerre na jamais profit la gauche isralienne. Les lecteurs ne veulent plus entendre de discours sociaux et citoyens ; les racines du conflit ne les intressent plus. Ils nacceptent quun discours scuritaire , dplore Ham Oron, le prsident de Meretz, dans le quotidien Yediot Aharonot.
Paradoxalement, la droite conservatrice ne porte aucune responsabilit dans la conduite de lopration Plomb durci contre Gaza. Le gouvernement, dirig par le parti centriste Kadima, peut difficilement tre accus de laxisme dans loffensive contre le Hamas. Celle-ci a fait plus de 1 300 morts et 5 000 blesss en 22 jours, dont de nombreux civils, et provoqu lmoi de la communaut internationale, du fait de la disproportion des moyens entre les belligrants. Mais le parti de Tzipi Livni nen engrange pas de bnfices lectoraux ; il perdrait mme cinq siges, passant de 29 24 dputs. Tzipi Livni fait les frais du flou qui entoure le programme de Kadima ; un parti centriste proche du Likoud sur certains sujets, proche des Travaillistes sur dautres, dont on ne sait pas quelle politique il mnera. En outre, Tzipi Livni dit vouloir faire de la politique autrement. Or, lorsquelle a cherch constituer un gouvernement, elle na pas su se hisser au-dessus des partis, mais au contraire sest englue dans la toile daraigne des mdiocres marchandages politiciens qui dsesprent les Israliens , crit Ari Shavit dans le quotidien Haaretz.
Le ministre de la Dfense, Ehoud Barak, militaire le plus dcor dIsral, mais aussi leader du Parti travailliste, tire profit de sa fermet lors du conflit contre le Hamas ; un conflit vu comme une revanche aprs lhumiliation subie par larme isralienne lors de la guerre contre le Hezbollah libanais en juillet 2006. Le Parti travailliste passerait de 19 16 lus. Certes, cest moins que dans la prcdente lgislature. Mais en octobre dernier, les sondages le crditaient de 11 siges. Le Parti travailliste limite donc la casse , sans retrouver nanmoins son lustre dantan.

A quelle politique peut-on sattendre aprs ces lections lgislatives, notamment sur le dossier palestinien ?

Si le Likoud est en tte des intentions de vote, il reste loin de la majorit absolue la Knesset. Il devra donc constituer une coalition. Benjamin Netanyahou dit vouloir former un gouvernement dunion nationale, un moyen de rassurer llectorat modr. Mais il est peu probable quil y parvienne : non seulement parce que les sondages indiquent une perce des formations de la droite nationaliste, mais aussi parce quau sein du Likoud les lments les plus radicaux ont le vent en poupe face aux modrs. Lors des primaires organises par le parti en dcembre dernier, les faucons se sont imposs face laile centriste, linstar de Benny Begin, oppos la cration dun Etat palestinien car il ny a pas de partenaire de paix du ct arabe , ou de Mosh Feiglin qui veut interdire aux Arabes israliens de siger la Knesset et suggre de couper leau et llectricit aux Palestiniens. Si la victoire du Likoud se confirme le 10 fvrier, Benjamin Netanyahou sera probablement amen constituer un gouvernement avec les reprsentants de la droite extrme.
Mais ni Kadima ni le Parti travailliste nont dit leur dernier mot. Dabord parce que les sondages nont pas valeur de vrit absolue, et parce queux aussi esprent, en trouvant des accords avec des formations de gauche ou de dfense dintrts particuliers, arriver au chiffre magique de 61 dputs qui leur assurerait la majorit au Parlement. Tzipi Livni et Ehoud Barak jouent la carte de leaders fermes et responsables qui ont lanc lassaut contre le Hamas pour mettre fin aux attaques du mouvement islamiste contre lEtat hbreu, qui seront trs vigilants contre lIran, mais aussi de leaders favorables la cration dun Etat palestinien et des ngociations de paix mme sur les sujets les plus sensibles, comme le statut de Jrusalem, le sort des colonies dans les territoires occups, le retrait du Golan ou le retour des rfugis palestiniens.
Tzipi Livni dnonce la droitisation du Likoud qui, selon elle va acculer Isral lisolement en labandonnant un parti extrmiste, au moment o la nouvelle administration amricaine affiche sa volont de relancer le dialogue isralo-palestinien. Benjamin Netanyahou a dj t Premier ministre, et ce fut un chec . De son ct, Ehoud Barak affirme, dans une interview au Yediot Aharonot que Benjamin Netanyahou ne pourra jamais ancrer le gouvernement au centre comme il laffirme. Il sera lotage des lments les plus radicaux de son parti ; sa marge de manuvre sera limite . Cela dit, en Isral, les marchandages politiques peuvent dboucher sur des coalitions gouvernementales bien surprenantes.
Face ces accusations, Bibi ainsi quon surnomme Netanyahou rplique quil accordera la priorit lconomie palestinienne et non aux questions politiques car la paix conomique renforcera la paix politique . Recevant lancien Premier ministre britannique Tony Blair, dsormais missaire du quartet de mdiateurs (Etats-Unis, Union europenne, Russie, Onu), le leader du Likoud a promis que son gouvernement ne construirait pas de nouvelles colonies juives en Cisjordanie, mais que comme tous les gouvernements prcdents, je devrais tenir compte de la croissance naturelle de la population et des besoins qui en dcoulent . Des propos pour le moins ambigus. Il sest galement dit persuad de pouvoir tablir des relations cordiales avec Barack Obama. Cest ce que pense aussi Jean-Yves Camus, chercheur lInstitut de relations internationales et stratgiques (Iris) : Mme aprs llection de Barack Obama la Maison-Blanche, Benjamin Netanyahou conserve de puissants relais au sein de ladministration amricaine. Il ne faut pas voir en lui une espce de chien fou qui nen fait qu sa tte () Cest un pragmatique. Il saura travailler avec la nouvelle administration dmocrate (voir interview ci-aprs).
Dans le mme temps, un habitant de Ramallah confiait au quotidien Libration : Les Palestiniens font les frais de linstabilit politique et des jeux politiciens en Isral qui bloquent toutes les ngociations de paix. Si tant est que Tel Aviv souhaite vraiment la paix. Les Amricains ont dsormais un prsident. Les Israliens auront bientt un Premier ministre. Mais qui se soucie vraiment des Palestiniens ?

Jean Piel

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