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16/03/2009
Le droit de travailler dans sa propre langue dans son pays

(MFI) La diversit linguistique se dfend aussi dans les entreprises. Si au Qubec, la Charte de la langue franaise institue ds 1977 le droit fondamental de tout Qubcois travailler en franais, en France ce nest quen 1994 quest introduite lobligation demploi du franais au travail, laquelle la jurisprudence ne donne corps que depuis 2006. Pourtant, la situation en Europe est critique. Au point qumerge aujourdhui un front syndical europen en faveur du droit de travailler dans sa langue nationale dans son pays. LOIF, pour sa part, soutient lassociation APFA qui sapprte dlivrer les premires Validations des acquis francophones initiaux en entreprise (VAFIE).

La situation ne fait quempirer, sindigne Albert Salon. Malgr les procs gagns et les ractions qui ne cessent de samplifier, les mauvaises pratiques dans les entreprises actives en France continuent : on impose aux salaris de travailler dans une langue qui nest pas la leur le plus souvent en anglais. Cette pratique, qui concernait surtout les cadres, stend dsormais de plus en plus aux relations internes et aux techniciens, parfois par logiciel interpos. On prtend que langlais serait la langue du commerce extrieur. Mais la langue du commerce extrieur, nest-ce pas la langue du client ? , sinterroge lancien ambassadeur, qui prside la fois la section franaise du Forum francophone international (FFI) et lassociation Avenir de la Langue franaise (ALF).

LEurope en pleine reconversion linguistique ?

Nous assistons leffacement du franais en France , o des travailleurs sont parfois confronts des instructions en anglais quils ne matrisent pas, ce qui entrane souffrance, acculturation et problmes de scurit , confirme Jean-Loup Cuisiniez, syndicaliste de la CFTC qui entame sa dixime anne de vigilance et daction sur la question linguistique . Cest presque naturellement quil tait devenu le porte-parole du collectif intersyndical pour le droit de travailler en franais en France, collectif n en 2006 la suite de laffaire de sur-irradiation lhpital dEpinal, dans lEst de la France. Si ce collectif intersyndical, dont la finalit tait de sensibiliser les grandes confdrations sur limportance de la question de la langue au travail, a vcu, son action se poursuit sous lgide des organisations syndicales elles-mmes et des associations partenaires qui restent mobilises.
Cest ainsi qu la suite dune premire manifestation russie le 8 fvrier 2007 Paris sur le droit de travailler en franais en France, a t organise, le 9 mars 2009 Paris toujours, une confrence de sensibilisation pour le droit de travailler dans sa langue nationale dans son pays. Le concept, en effet
conformment lide francophone de diversit culturelle, pourrait-on dire ! , a t tendu. Etaient ainsi invits, outre les syndicats, associations et parlementaires franais, des syndicalistes et associations de pays europens voisins ainsi que du Qubec. Car si la question est dune vidente actualit en France, cest toute lEurope, alerte Jean-Loup Cuisiniez, qui fait face bien aprs la reconversion industrielle une reconversion linguistique. Langlais se substitue aux langues nationales avec le consentement inconscient des citoyens. Et pendant que les anglophones amliorent leurs comptences techniques, les francophones sont contraints damliorer leurs comptences en anglais


Des utilisateurs qui se dclarent gns de devoir lire des documents dans une autre langue

Il est certain quen France, les dispositions lgales garantissant lusage du franais dans le monde du travail sont insuffisamment connues, comme lont montr diffrentes tudes lances par la Dlgation gnrale la langue franaise et aux langues de France (DGLFLF). Cest la loi du 4 aot 1994, dite loi Toubon, qui a introduit dans le droit du travail lobligation demploi du franais pour certaines informations dlivres au salari par lemployeur, notamment celles contenues dans le contrat de travail, le rglement intrieur et tout document ncessaire au salari.
Le dernier Rapport au Parlement sur lemploi de la langue franaise de la DGLFLF prcise la ralit des pratiques linguistiques dans le monde du travail. On y apprend que 26 % des salaris des entreprises de 20 salaris et plus sont amens parler ou crire une langue trangre dans le cadre de leur activit professionnelle, soit environ 1,8 million de personnes. La langue trangre quils utilisent principalement est langlais dans 89 % des cas, une autre langue trangre rpandue dans 8 % des cas (allemand 5 %, espagnol 2 % et italien 1 %), une autre langue dans 3 % des cas. Par ailleurs, 32 % des salaris sont amens lire des documents rdigs dans une langue trangre, soit environ 2,27 millions dindividus, parmi lesquels 22 % en ressentent une gne, soit 7 % du total ou environ 500 000 salaris des entreprises de 20 salaris ou plus considrs comme des utilisateurs gns.

Larrt GEMS confirm par les jurisprudences ultrieures

Pendant longtemps, les dispositions de la loi de 1994 nont pas eu de relle porte. Jusquen 2006 prcisment. Le 2 mars, la Cour dappel de Versailles sest prononce pour la premire fois sur leur application, dans un arrt (1) rendu contre General Electric Medical Systems (GEMS). Selon la cour, si le code du travail ninterdit pas lusage simultan de la langue anglaise ou de toute autre langue trangre, lexigence de lusage ou de la traduction en langue franaise est clairement affirme ds lors quun salari franais titulaire dun contrat de travail en France se trouve concern par lutilisation du document. Cet arrt a eu un grand retentissement. Dautant que les dcisions suivantes vont dans le mme sens. Un jugement du Tribunal de grande instance de Nanterre du 27 avril 2007 condamne ainsi, sous astreinte de 5 000 euros par document et par jour de retard, Europ Assistance traduire deux logiciels labors en anglais. Un an plus tard, le 6 mai 2008, le TGI de Paris condamne galement Nextiraone (ex-Alcatel) traduire en franais un logiciel de gestion interne disponible seulement en anglais.
Dans les entreprises, les ractions se multiplient effectivement. Ainsi, les dlgus CFDT de Rhodia Oprations Belle Etoile ont, le 18 novembre 2008, rappel la direction son obligation fournir pour nimporte quels documents ou logiciels de travail une version franaise, et non pas "franglaise" voire anglaise, ncessaire aux salaris pour lexcution de leurs taches quotidiennes (2). Un mois plus tard, chez Tecnip, ce sont les dlgus du personnel UGICT CGT qui demandent une nouvelle fois la direction de faire respecter les dispositions lgales qui prvoient la diffusion des documents et notes au minimum en franais (3).
Les scientifiques ne sont pas en reste. Le 27 mai 2008, le directeur de lAgence dvaluation de la recherche et de lenseignement suprieur sest vu remettre les neuf mille signatures de la ptition Les Scientifiques doivent-ils continuer crire en franais ? . Les signataires rclament la prise en compte, pour lvaluation dun scientifique, des travaux quil a publis en franais, et pas seulement de ceux publis en anglais, comme le pli en a t pris. Les signatures viennent de tous les coins du monde : France, Belgique, Maghreb mais aussi Italie, Espagne et Canada

Au Qubec, un certificat de francisation dlivr aux socits o le franais est gnralis

Au Qubec, la Charte de la langue franaise, adopte en 1977, vise faire du franais la langue dusage normale et habituelle du travail, du commerce et des affaires. Son article 4 institue le droit fondamental de tout Qubcois travailler en franais. Pour les entreprises qui emploient 50 personnes ou plus au Qubec, elle propose (art.135 154) une dmarche et des dlais pour que limplantation du franais soit au cur des activits qubcoises de ces entreprises. Deux sociologues qubcois, Pierre Bouchard et Claire Chnard, ont prsent, lors du colloque Le franais, une langue pour lentreprise (4), le processus permettant dobtenir le certificat de francisation. La socit doit sinscrire auprs de lOffice qubcois de la langue franaise, qui analyse sa situation linguistique. Si elle ne satisfait pas aux lments de la Charte, elle doit laborer puis appliquer un programme de francisation. Une fois le certificat de francisation dlivr, avec ou sans programme, lentreprise a lobligation de continuer suivre la situation pour valuer le maintien du franais gnralis. Le taux de certification des entreprises qubcoises, de 71,4 % fin mars 2002, est pass 80,7 % fin mars 2007.

Les travailleurs qubcois moins gns que les salaris franais

Selon les dernires enqutes de terrain effectues au Qubec, 62 % des salaris dclarent que leur travail implique de parler ou crire une autre langue que le franais 27 % frquemment et 35 % occasionnellement . La langue utilise le plus souvent au travail est dabord le franais (75 %), suivi par langlais (10 %), les deux langues tant employes ensemble dans 15 % des cas. Les travailleurs qubcois utilisant langlais le font dans les relations avec le suprieur immdiat dans 27,5 % des cas (16 % pour les Franais), et avec leurs collgues dans 49 % des cas (21 % pour les Franais). Enfin, 20 % des travailleurs sont frquemment confronts des notices et modes demploi non rdigs en franais et 27 % occasionnellement, soit 47 % au total, contre 32 % en France. Cela gne 12 % des travailleurs au Qubec et 22 % des travailleurs en France.

(1) Consultable sur www.cgt-gems.fr
(2) http://cfdt-belle-etoile.fr/Faire-respecter-ses-droits-sur-la.html
(3) http://www.cgttp.eu.org/spip.php?article426
(4) Paris, dcembre 2007. Actes sur : http://www.dglf.culture.gouv.fr/publications/Le_francais_langue_entreprise.pdf


Bientt les premires Validations des acquis francophones initiaux en entreprise (VAFIE)

(MFI) Ca y est, cest parti. Lassociation Actions pour promouvoir les franais des affaires (APFA) met en uvre, avec lappui de lOIF, lide de distinguer les personnels ayant acquis, grce leur pratique quotidienne, une connaissance de la vie de lentreprise exprime en franais des affaires et dans leur langue maternelle. Jean Marcel Lauginie, le prsident de lAPFA, a effectu une tude prliminaire au projet en dcembre 2006 au Vietnam, qui a rvl un grand enthousiasme . Son rapport de mission a permis de dcider de la mise en uvre du projet. Lappui de lOIF cette certification initie et ralise par lAPFA traduit la volont de mettre en lumire les acquis initiaux des artisans, employs et techniciens qui font leffort de sintresser la Francophonie dans les entreprises francophones et dans les entreprises de statut local.

Ariane Poissonnier & Lisa Sgovia

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