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16/03/2009
La Francophonie combien de divisions ?

(MFI) A quoi sert de dnombrer les francophones du monde, et comment le faire de la faon la plus exacte ? Telles sont les questions auxquelles doit rpondre lObservatoire de la langue franaise de lOIF, charg de dresser le tableau de la situation relle des locuteurs du franais. Une tche qui devrait aujourdhui mettre contribution tous les acteurs francophones de lobservation, structures officielles, universits et mdias.

Le dnombrement des francophones dans le monde rpond-il une obsession franaise ? Emports par le fantasme de la supriorit de la langue franaise, certains ont autrefois clbr les 500 millions de francophones , tandis que dautres, inspirs par langoisse du dclin, se dsolent encore souvent de la petite centaine de millions de locuteurs promise lextinction Plus srieusement, lObservatoire de la langue franaise de lOIF value 200 millions les personnes capables de sexprimer en franais, dont 75 millions de faon ponctuelle et alatoire. Mais quel est lintrt de cette information ?
Dans le vaste mouvement dintensification de la circulation des produits, des images, des sons et des ides, la tendance la simplification, voire lunification des objets changs a fait natre une rsistance au risque duniformisation. Dans ce contexte, plusieurs forces convergentes ont trouv naturellement sexprimer et spauler au sein de lOIF, le seul espace avec le Commonwealth la fois constitu sur une base golinguistique et prsent sur les cinq continents.
Les crateurs et les artistes ont les premiers peru le risque dtouffement des diversits culturelles que faisait courir le dferlement dimages et de sons en provenance dune source unique, anglo-saxonne. Chercheurs, universitaires et enseignants subissent eux aussi depuis longtemps le rtrcissement de leurs possibilits dexprimer leur pense dans la langue de leur choix. Les gens daffaires, les inventeurs et les industriels ont fini par mesurer galement les avantages induits, pour les anglophones, de la domination exclusive dun anglais international (1). De mme, les reprsentants lus, les fonctionnaires ou les diplomates appels dfendre les intrts des citoyens dans les fora internationaux se sont inquits des dsquilibres dmocratiques provoqus par la domination dune seule langue (2).

Les crateurs ont sonn lalarme, toutes les composantes de la socit ont suivi

En fait, ce sont tous les acteurs de nos socits qui ont confirm lalarme, sonne dabord par les crateurs, du risque dappauvrissement de la diversit culturelle et linguistique que nous fait courir lapparente progression de la communication sur la plante. Ceux qui sont porteurs de plusieurs origines culturelles, ceux qui sont capables de comprendre et de parler plusieurs langues savent les conditions ncessaires lindispensable dialogue des cultures et qui voient lillusion de la langue universelle .
La Francophonie, ne sous le sceau de la coexistence des langues et des cultures, sest trouve en situation dexprimer de faon crdible et collective sa volont de prserver la diversit du monde. Grce cette langue commune que se sont choisie librement les 53 tats-membres, les 3 pays associs et les 14 observateurs de lOIF, elle a t lavant-garde du combat qui a permis ladoption, par lUnesco, de la Convention sur la protection et la promotion de la diversit des expressions culturelles, entre en vigueur en mars 2007. Et cest lappui de sa dmonstration en faveur de la diversit linguistique, notamment, que la Francophonie a besoin de connatre la situation relle de la langue franaise dans le monde.
Non seulement pour mieux identifier les besoins des socits qui la composent, et donc mieux adapter ses priorits dintervention, mais aussi pour tre le porte-parole de la diversit linguistique mondiale en assurant une place la langue franaise l ou le monolinguisme menace : dans les organisations internationales et rgionales, dans la production de crations culturelles, dans la recherche scientifique, dans la circulation de linformation et des donnes sur les ondes et les rseaux numriques, sur les lieux de travail des salaris Elle le fait dailleurs avec dautres : hispanophones, arabophones, lusophones Cette importance stratgique que revt lobservation de la langue franaise dans le monde a t affirme avec force dans lune des rsolutions adopte lors du dernier Sommet de la Francophonie, en octobre 2008 Qubec (Canada), qui encourage la Francophonie poursuivre et perfectionner lobservation de lusage de la langue franaise . Car de la qualit de lobservation dpend son intrt.

Comment observer ?

Les premires tentatives destimation du nombre de locuteurs de franais dans le monde ont vu le jour dans les annes 1980, grce aux efforts du tout nouveau Haut-Conseil de la Francophonie cr en France par Franois Mitterrand. Approximatives au dbut, les estimations samliorent progressivement. Dans les annes 1990, elles continuent de reposer essentiellement sur un recoupement de donnes officielles (effectifs scolariss, inscription dans les centres culturels et les Alliances franaises, statut du franais dans les pays tudis), dont une majorit provient du rseau diplomatique franais. Au dbut des annes 2000, outre limplication plus troites des autorits nationales des pays membres de lOIF, la contribution de chercheurs en linguistique et sociolinguistique permettent aux estimations de gagner en rigueur, mais ne les affranchissent pas suffisamment des contraintes administratives et diplomatiques et, surtout, ngligent dassocier toutes les disciplines scientifiques susceptibles de renforcer leur fiabilit, comme la statistique, la dmographie, voire la gographie, la psychologie, la sociologie
Charg de refonder cette pratique, lObservatoire de la langue franaise a organis en juin 2008, conjointement avec lAgence universitaire de la Francophonie et son rseau Dynamique des langues en Francophonie , un sminaire international de rflexion sur la mthodologie dobservation du franais (3). Runissant lensemble des disciplines concernes, ce sminaire est arriv des conclusions qui seront mises en uvre pour la prparation du prochain rapport sur la langue franaise dans le monde.

Dfinir un Seuil minimum de comptence (Smic) francophone

Lune des principales conclusions de la rencontre souligne lextrme difficult unifier la dfinition mme de francophone , qui varie non seulement selon les communauts humaines observes, mais, bien souvent, se subdivise encore en plusieurs niches linguistiques qui dpendent de lenvironnement culturel, socio-historique, ethno-psychologique, etc., des locuteurs. Ainsi, sil est souhaitable de se donner les moyens de dfinir un Smic, un Seuil minimum de comptence francophone (une expression invente par le professeur Robert Chaudenson, de lUniversit de Provence) capable de mesurer une performance relle, il faut aussi intgrer des notions comme lhybridation qui rsultent du frottement des langues. De mme, il faut considrer la question des reprsentations de la langue (sociales, symboliques, intimes), trs diffrentes selon les espaces de lunivers francophone.
Par ailleurs, lexploitation des donnes dmo-linguistiques existantes et lintgration systmatique, comme le font dj les appareils statistiques qubcois ou franais, de questions portant sur les langues dans les enqutes lies aux recensements permettraient sans doute de dgager des tendances. Enfin, les participants ont soulign la ncessit de partenariats entre tous les acteurs de lobservation afin de croiser les sources et les donnes : lObservatoire de la langue franaise de lOIF, lAUF et ses rseaux, TV5, RFI, lObservatoire dmographique et statistique de lespace francophone de lUniversit Laval, etc.
Fort de ce viatique, lObservatoire de la langue franaise proposera, dans un premier temps, les donnes disponibles en ligne sur le future site portail de lOIF et publiera, dans un second temps, son rapport La langue franaise dans le monde 2008-2010 loccasion du prochain Sommet de la Francophonie dAntananarivo (Madagascar), lautomne 2010, en esprant que ce travail rpondra aux exigences dune observation mise au service du projet universel que porte la Francophonie.


(1) Les langues font nos affaires, recommandations du Forum des entreprises sur le multilinguisme tabli par la Commission europenne, juillet 2008. Consultable sur : http://ec.europa.eu/education/languages/pdf/davignon_fr.pdf
(2) Document de suivi du Vade-mecum (http://www.francophonie.org/doc/dernieres/Suivi-Vademecum_2008.pdf) et Rapport au Parlement sur lemploi de la langue franaise http://www.dglflf.culture.gouv.fr/rapport/2008/Rapport_Parlement08.pdf
(3) Les actes sont disponibles sur le site de lObservatoire de la langue franaise : http://www.francophonie.org/actions/ /ini-observat.cfm


Alexandre Wolff
responsable de lObservatoire de la langue franaise de lOIF


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