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02/06/2009 | |||
Faut-il rnover la dmocratie ? (4) La dmocratie peut-elle sexporter ? | |||
(MFI) La guerre en Irak la montr : on nexporte pas la dmocratie de force. Est-ce que cela condamne pour autant la promotion du systme dmocratique et sa diffusion sur tous les continents ? Rpondre la question, cest aussi sinterroger sur les proprits de la dmocratie (*). | |||
Lhistoire rcente tend associer la promotion de la dmocratie aux incertitudes voire aux checs de la politique amricaine en Irak et en Afghanistan , souligne Florent Gunard, secrtaire gnral du club de rflexion La Rpublique des ides. Or, poursuit-il, si on veut rflchir lexpansion de la dmocratie, son exportation, il faut [...] sefforcer de la dtacher de ce qui peut nous apparatre comme une politique de la puissance. Cest aussi le point de vue de Pierre Hassner, qui prfre parler du soutien qui peut tre apport la diffusion de la dmocratie, plutt que de sa promotion ou son exportation : tout un langage qui tient au commerce et dvalorise la notion de la dmocratie. Or, celle-ci, indique ce chercheur, directeur de recherche au Centre dtudes et de recherches internationales (Ceri), doit tre vue avant tout comme un processus . Ce sont les peuples seulement qui peuvent construire la dmocratie. Pas de conditions pralables, mais des conditions favorables Processus ncessairement interne, qui pouse lhistoire dun pays, la dmocratisation demande-t-elle des conditions pralables ? On peut citer les propos du sociologue Ralf Dahrendorf : Pour avoir une dmocratie il faut trois choses. Une constitution, un march et une socit civile. Une constitution vous pouvez lavoir en six mois, un march vous pouvez linstaller en six ans, mais une socit civile, il faut bien deux gnrations. . Voil qui laisserait peu despoir mais Pierre Hassner ne croit pas quil y ait de dterminismes ; il y a des conditions plus favorables ou plus dfavorables, et en particulier la question culturelle, religieuse, qui apparat des plus difficiles . La question est complexe, confirme Bassma Kodmani, chercheur au CNRS. Nous navons pas beaucoup dtats ethniquement et culturellement homognes, en particulier dans le monde arabe. Nous avons des socits trs composites et diversifies. En ralit le grand dfi et le grand danger sont plutt dans le risque de dislocation, de dsintgration, de fragmentation, de tensions ethniques, religieuses et culturelles. [...] Il faut retourner la situation et dire quels sont les principes dmocratiques qui doivent tre appliqus en premier lieu dans des socits de ce type. On trouve aujourdhui dans ces socits une grande inquitude quant aux risques dune ouverture politique totale, la fois des dirigeants mais aussi de la socit. Les gens seraient la fois attirs par louverture, mais effrays par la perspective dun Etat autrefois fort en dliquescence, lirakienne, ou lalgrienne. De sorte que la justice sociale apparat comme un pr-requis la dmocratie. Si la justice sociale est passe au troisime rang aprs les liberts civiles, aprs les droits de lhomme, l on est devant un vrai problme. [...] Dans un premier temps on a besoin dun tat dveloppementaliste, un tat qui se soucie du progrs de la condition des populations. Cest la premire aspiration. Justice sociale, plutt que respect des cultures ? Si luniversalisme conqurant de lOccident nest plus de saison, et si lon se veut plus respectueux des ralits culturelles particulires, des problmes restent toutefois poss, selon Pierre Hassner : Une question est brlante : la situation des femmes. Est-ce de la politique, de la morale, est-ce de la culture ? Privilgier le dveloppement, ou la transparence ? Lexigence de dveloppement nest pas elle-mme un critre trs satisfaisant. Pour Bassma Kodmani, la question nest pas une question de dveloppement conomique, elle est plutt dans les pratiques qui sinstaurent dans ce processus de transformations conomiques vers des conomies de marchs, des conomies librales. La corruption, quen fait-on ? [...] On a une corrlation vidente entre niveau de corruption et monte des mouvements intgristes islamistes qui dnoncent la corruption. Voil un lien stratgique. Donc, le dveloppement conomique nest pas une condition premire. Il semblerait au contraire quil faille instaurer des pratiques politiques de transparence et de responsabilit avant de pouvoir avoir un dveloppement conomique . Autre proccupation : dans des situations souvent conflictuelles, ou potentiellement conflictuelles, doit-on donner la priorit la rsolution des conflits ? Bassma Kodmani prend lexemple du conflit isralo-arabe o la question se pose : doit-on rsoudre dabord le conflit ou faut-il en premier lieu dmocratiser les socits arabes ? Les intellectuels sont en dsaccord sur la question : les nationalistes donnent la priorit la scurit nationale, les droits des individus passant au second plan, tandis que les libraux privilgient un programme de rformes internes. Le dveloppement suit la dmocratisation et pas linverse. Il faut aussi vouloir la dmocratie pour linstaurer. Quen est-il de ce dsir de dmocratie au moment o, selon Pierre Hassner, la dmocratie est victorieuse mais est en crise ? Le chercheur observe que la dmocratie est bonne contre ses adversaires, mais produit une insatisfaction gnrale, parce quelle ne rpond pas aux besoins didentit et parce quelle narrive pas matriser des phnomnes de corruption et dingalits plutt croissants . Elle est un processus interne, certes, mais la dmocratie peut tre rendue dapplication difficile, en raison de la globalisation : Tout cet argent transnational, toute cette corruption sil y a un phnomne universel, cest bien celui l. Tout un ensemble de contraintes qui rendent extrmement difficile la dmocratie relle de sinstaller , alors que partout demeure une grande aspiration la dmocratie. (*) Cet article est une synthse du dbat organis, le 8 mai 2009, Grenoble par la Rpublique des ides : http://www.repid.com A voir galement sur le sujet : un entretien vido avec lhistorien Mamadou Diouf sur Les expriences dmocratiques en Afrique (http://www.laviedesidees.fr/Les-experiences-democratiques-en.html) | |||
Alexandra Brunois, Thierry Perret | |||
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