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16/06/2009
Questions internationales (2)
Ce que les musulmans amricains attendent dObama


(MFI) Par son style nouveau, sa volont de rsoudre le conflit irakien, sa main tendue aux pays arabes, Barack Obama suscite un espoir certain chez les musulmans amricains. Mais ces derniers entendent juger sur pice. Ils se rappellent que, pendant sa campagne lectorale, le candidat dmocrate tait rest prudent vis--vis de lIslam. Ils se demandent aussi si le nouveau locataire de la Maison-Blanche aura les moyens et la volont de rviser la politique amricaine au Proche-Orient.

Un prsident dont le second prnom est Hussein. Un prsident qui a pass une partie de son enfance dans le plus grand pays musulman de la plante - lIndonsie. Un prsident qui, le 4 juin dernier au Caire, commence son discours de rconciliation avec le monde arabo-musulman par salam aleikoum . Tous ces lments ont de quoi mettre du baume au cur des musulmans amricains. Aprs huit annes de prsidence de George Bush marques notamment par le Patriot Act, la Guerre en Irak et Guantanamo, le style et les objectifs de Barack Obama changent radicalement.

Lislam, une religion amricaine

Le discours du Caire a fait de lIslam une religion amricaine. Barack Obama, fils dimmigr kenyan dorigine musulmane, a insist pour inscrire lIslam dans le melting-pot religieux amricain. Aux Etats-Unis, o les rfrences bibliques et vangliques, juives et chrtiennes, sont trs frquentes dans le discours politique, Obama a dsormais adjoint, sur un pied dgalit, lIslam, dont il a soulign le message de paix. Cest un facteur important , souligne dans Le Monde Gilles Kepel, politologue et spcialiste de lIslam.
On a tout crit sur la jeunesse de Barack Obama, son esprit douverture, sa volont de rconcilier les Etats-Unis avec le reste du monde. Les musulmans amricains sy sont reconnus puisque, selon le PIPA, un centre dtudes de lopinion rattach luniversit du Maryland, 81 % dentre eux ont vot pour le candidat dmocrate alors quils taient 73 % stre prononcs pour George Bush lors de sa premire lection en 2000. Depuis, les attentats du 11-Septembre et la Guerre en Irak sont passs par l, qui ont cr une profonde mfiance lencontre de lIslam aux Etats-Unis et vice-versa. Selon le Pew Research Center, un centre danalyse politique bas Washington, si la communaut musulmane est bien intgre socialement et conomiquement, elle dsapprouve 70 % la politique trangre amricaine, et 61 % de ses membres estiment que les Etats-Unis auraient les moyens de garantir paralllement lexistence dIsral et les droits des Palestiniens.


Obama et lIslam : des relations parfois ambigus

Cest l un des dfis auxquels sera confront Barack Obama vis--vis de la communaut musulmane amricaine. Une chose est de prononcer un discours vantant les mrites de lIslam et le respect accorder cette religion. Une autre est dinflchir la diplomatie des Etats-Unis au Proche-Orient, mais aussi en Afghanistan o le prsident amricain sest engag porter le fer contre les talibans. Comme le reconnat Gilles Kepel : Cest la quadrature du cercle pour tout prsident amricain au Moyen-Orient : conqurir la socit civile tout en mnageant les dirigeants des Etats et les intrts amricains. Une chose est la communication, une autre sera la capacit de Barack Obama rsoudre les crises au Liban, en Isral, dans le Golfe et dans la zone Pakistan-Afghanistan.
Cette quadrature du cercle stait dj exprime lors de la campagne lectorale. Barack Obama avait jou la carte de louverture, de la tolrance, du respect des minorits, mais il avait aussi cherch minimiser ses liens personnels avec lIslam, rappelant quil avait rapidement quitt lcole coranique o il tait lve, Djakarta, car il ne sy adaptait pas. Et lorsque ses adversaires avaient fait courir la rumeur quil tait musulman (comme si ctait un crime !), il stait ostensiblement affich dans un temple protestant, soulignant quil tait un Born again, une personne ayant eu la rvlation de la foi chrtienne lge adulte et sy engageant dautant plus fort. Dans le mme registre, son quipe de campagne avait dclin les offres de service de Keith Ellison, le seul lu musulman la Chambre des Reprsentants.
A lpoque, Keith Ellison avait dclar : La campagne de Barack Obama est place sous le signe de lespoir, du changement. Les musulmans amricains sont frustrs de ne pas tre inclus dans ce processus. Obama a visit des glises, des synagogues, mais aucune mosque. Nous attendons quil dise quil ny a rien de mal tre musulman. Depuis, cest chose faite. L o le candidat dmocrate devait tre prudent, le prsident lu sera peut-tre plus audacieux , espre, dans lhebdomadaire Newsweek, Amaney Jamal, professeur de sciences politiques luniversit de Princeton.


La cl se trouve aussi au Proche-Orient

Au plan diplomatique, le locataire de la Maison-Blanche sest montr plus ferme que son prdcesseur avec le Premier ministre isralien, Benyamin Netanyahou. Lors de leur rencontre le 19 mai dernier, la tension tait perceptible. Jamais un prsident amricain ntait all aussi loin dans la pression sur Isral, notamment en ce qui concerne le gel de la colonisation et la ncessit de reconnatre la souverainet dun Etat palestinien , souligne Gilles Kepel.
Rponse dubitative de Corey Saylor, lun des dirigeants du Council on American-Islamic Relations (CAIR), lune des principales associations amricaines de dfenses des musulmans : Isral va faire le dos rond pendant quelques mois. Et si lIran repousse les offres douverture de Washington, lEtat hbreu simposera nouveau comme le meilleur alli des Etats-Unis dans la rgion. Lorganisation en groupes de pression et le poids lectoral des musulmans amricains sont encore insuffisants pour avoir une influence sur la diplomatie de ce pays. Mais ce nest peut-tre quune question dannes.
Pour sa part, Ayman Abdelrahman, un mdecin dorigine gyptienne install Washington, dclarait dans Le Monde : Je me sens profondment amricain, mais il ne suffit pas quun prsident ait Hussein comme second prnom pour que je saute de joie. Jattends du concret. Or, en dcembre 2008, lors de lopration Plomb durci, les Israliens ont tu impunment Gaza la moiti du nombre des victimes du 11-Septembre. Des coles, des hpitaux ont t bombards. Mais aux Etats-Unis, le mantra est quIsral est toujours la victime. Pendant cette offensive isralienne, Obama qui certes ntait pas encore entr en fonction, mais avait t lu na rien dit. Cela ma terriblement du.
De son ct, Alaa Khidare, un entrepreneur dorigine irakienne install aux Etats-Unis depuis 1965, rappelle que George Bush pre tait peut-tre proche dIsral, mais cest lui qui, en 1991, a impos la confrence de Madrid o lOLP a pour la premire t reprsente. Aujourdhui, Barack Obama devrait avoir le courage de dire aux Israliens : Evacuez les territoires palestiniens immdiatement . Le fera-t-il ? A cette question, Alaa Khidare clate de rire : Il est trop tard pour que les Etats-Unis changent radicalement de politique au Proche-Orient malgr les moyens de pression dont ils disposent contre Isral. Avec les annes, il sest cr l-bas une situation qui sera difficilement modifiable. Cela ne nous empchera pas, nous musulmans amricains, de poursuivre notre intgration ici. Mais avec une pointe damertume.


Jean Piel

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