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21/07/2009 | |||
Questions internationales (2) Mditerrane : la mer de tous les dangers | |||
(MFI) La dpollution de Mare Nostrum est certainement le dossier le plus consensuel au plan politique que doit grer lUnion pour la Mditerrane. Cest aussi un terrible dfi tant cette mer semi-ferme est menace, entre surpche, urbanisation et trafic maritime. Les projets ne manquent pas, mais les budgets ne sont pas la hauteur des besoins. | |||
Pollution, urbanisation, pression touristique, surpche, rchauffement climatique, trafic maritime La Mditerrane est particulirement menace par les atteintes lenvironnement. Comme lexplique Christian Buchet, directeur du Centre dtudes sur la mer lInstitut catholique de Paris : La Mditerrane est dautant plus fragile que cest une mer semi-ferme. La pollution y a un effet dcupl sur la faune et la flore. Cest aussi un endroit trs peupl puisque 150 millions de personnes vivent sur ses ctes et 400 millions dans les 22 pays riverains. Le tiers du trafic maritime mondial Environ 220 000 bateaux de plus de 100 tonnes naviguent en Mditerrane chaque anne, soit le tiers du trafic maritime mondial. Les ptroliers sont particulirement nombreux. Si la pratique du dgazage est plus svrement punie, on a nanmoins compt prs de 200 cas en 2008 dans la seule partie europenne de Mare Nostrum. Rien quen naviguant, les porte-containers et autres paquebots de croisire rejettent 100 000 tonnes de fioul chaque anne, en labsence de toute mare noire. La Mditerrane reoit 17 % des hydrocarbures dverss dans les ocans alors quelle ne reprsente que 0,7 % de la surface des mers. Do une menace sur les cosystmes. Dj fragilises par la pollution, la faune et la flore font face larrive despces invasives dopes par le rchauffement. On compterait 56 espces nouvelles de poissons qui, du fait du changement climatique, remontent le canal de Suez pour sinstaller en Mditerrane. Au large de la Corse, les plongeurs admirent rgulirement des girelles bicolores ou des balistes quon ne croisait, il y a seulement cinq ans, quen Mer rouge. Les requins par contre sont en voie de disparition. Leur nombre a diminu de 97 % en cinquante ans. Urbanisation mal contrle et tourisme de masse Trafic maritime et rchauffement climatique ne sont pourtant quune petite partie du problme : 80 % de la pollution de la Mditerrane vient de terre. Comment sen tonner ? Plus de 150 millions dhabitants vivent sur son littoral, auxquels sajoutent 240 millions de touristes par an ; un chiffre qui devrait passer 300 millions avant 2030. Certes, cest une source de revenus non ngligeables pour les pays riverains. Mais cest aussi une grave menace pour lenvironnement. Un touriste consomme en moyenne 300 litres deau par jour, soit le double des autochtones. La demande en eau pas toujours satisfaite dans certains pays devrait doubler dici vingt ans en Turquie, en Syrie, en Libye, au Maroc et en Algrie. La concurrence avec lagriculture pose dj un problme. LEspagne, la Tunisie ou lEgypte doivent arbitrer entre les diffrents usages et cela sera de plus en plus frquent. Les gains lis au tourisme sont vidents, mais on ne calcule pas assez ce quon perd en scurit alimentaire , sinquite Pierre Icard, du Programme des Nations unies pour lenvironnement. En outre, entre htels, commerces et rsidences secondaires, 42 % du littoral est btonn. Les encombrements favorisent la pollution atmosphrique et les dchets nombreux finissent souvent en mer ; 60 % des villes ctires de plus de 100 000 habitants ne disposent pas de stations dpuration et rejettent directement leurs eaux uses en mer. De mme, 80 % des dcharges des pays des rives mridionale et orientale chappent tout contrle. Entre une urbanisation mal contrle, un tourisme non-durable, des industries polluantes et un fort trafic maritime, les cosystmes de la Mditerrane se dgradent dangereusement. Il est encore temps dagir, mais le point de non-retour est parfois atteint , regrette Pierre Icard. Intervenants nombreux et budgets limits Evidemment, ce panorama pessimiste ne doit pas faire oublier la beaut des calanques de Marseille, la magie des les grecques, le retour des mrous, la richesse des fonds sous-marins au large de la Turquie, le charme dAlexandrie, lhritage de la civilisation Carthage. Mais ce panorama prouve aussi quel point la dpollution de Mare Nostrum constitue un projet lgitime et un redoutable dfi pour lUnion pour la Mditerrane. Le 25 juin, la premire runion ministrielle de lUPM, aprs six mois de blocage dus loffensive isralienne contre Gaza, a t consacre la protection de lenvironnement et au dveloppement durable. Les diplomates se disent persuads que ce sont ces dossiers qui permettront une UPM politiquement fragile de progresser. Au cours de cette runion ministrielle, 200 projets ont t lists et valus 200 milliards deuros par la Banque europenne dinvestissement (BEI). Pour linstant, seuls cinq projets sont mis en uvre, parmi lesquels lextension dune station dpuration au Caire (deux millions de personnes concernes), la construction dune centrale photovoltaque au Maroc et un ouvrage dadduction deau Gaza. Cinq projets sur 200 : le rsultat est maigre, mais cest une premire tape. Dautant que lUPM nest pas seule agir. La Commission europenne et la BEI ont lanc, en avril 2008, linitiative Horizon 2020 qui vise dpolluer plusieurs zones sensibles en Mditerrane orientale et mridionale et aider financirement des pays de la rgion rduire leurs rejets polluants en mer. De son ct, le Programme des Nations unies pour lenvironnement, via son Plan daction pour la Mditerrane, est galement prsent, plus particulirement en faveur de la biodiversit des zones ctires. Une multiplicit dintervenants qui laissent les ONG dubitatives. Ce mille-feuille institutionnel nest pas synonyme defficacit. Les problmes politiques freinent souvent les ralisations dans le bassin mditerranen. Surtout, il manque le nerf de la guerre : des budgets la hauteur des besoins , entend-on ainsi au Fonds mondial pour la nature (WWF). LUnion pour la Mditerrane a dbloqu 23 milliards deuros pour diffrents projets lis lenvironnement. Pas uniquement pour dpolluer Mare Nostrum, mais aussi pour un projet de centrale solaire dans le Sahara, linstallation de pompes dirrigation (fonctionnant aussi lnergie solaire) en Tunisie ou limplantation doliennes Chypre. Si elle peut sembler importante, cette somme de 23 milliards deuros est nanmoins en-de des besoins. Les questions budgtaires seront, avec les tensions politiques, la principale difficult laquelle lUnion pour la Mditerrane sera confronte. Dans le domaine de lenvironnement comme dans les autres. Jean Piel | |||
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