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21/07/2009 | |||
Questions internationales (1) Union pour la Mditerrane : un premier anniversaire en demi-teinte | |||
(MFI) Cre en juillet 2008 linitiative de la France, lUnion pour la Mditerrane entend faire du bassin mditerranen une zone de paix et de prosprit grce la ralisation de projets concrets, notamment dans les transports et lenvironnement. Mais il lui est difficile docculter les problmes politiques. Loffensive isralienne contre Gaza, lance le 27 dcembre 2008, a failli avoir raison de lorganisation. Celle-ci redmarre ces dernires semaines, mais elle reste fragile. Les optimistes soulignent quaucun des 44 Etats membres na quitt lUPM ; les autres estiment que sans solution politique aux conflits du Proche-Orient, toute construction rgionale est illusoire. | |||
Dans quel contexte est ne lUnion pour la Mditerrane ? La politique divise, lconomie rapproche : cest lide qui sous-tend la cration de lUnion pour la Mditerrane (UPM). Prsent par Nicolas Sarkozy comme lun des axes de sa politique trangre, le projet vise faire de lespace mditerranen une rgion de paix et de prosprit grce des ralisations concrtes, dans le domaine de lenvironnement et des transports notamment. Lobjectif est aussi de relancer le dialogue entre les deux rives de Mare Nostrum, institu par le processus de Barcelone en 1995 sous le nom dEuromed, mais au point mort du fait des nombreuses crises politiques dans la rgion, en particulier la division de Chypre, linstabilit du Liban et le conflit isralo-palestinien. A peine lu prsident de la Rpublique, Nicolas Sarkozy multiplie les voyages en Afrique et au Maghreb. Cest de Tanger que, le 23 octobre 2007, il expose son projet dune Union mditerranenne, lien entre lEurope, lAfrique et le Moyen-Orient , alors limit aux seuls pays riverains. Lide : plutt que dattendre une paix illusoire pour mener des projets en commun, menons des projets concrets qui favoriseront le dialogue et terme la paix. Au mme titre que lUnion europenne a t prcde de la Communaut du charbon et de lacier, tout rapprochement politique et institutionnel dans le bassin mditerranen suppose dabord la ralisation de partenariats conomiques et culturels. LEspagne et lItalie se dclarent immdiatement convaincues que la Mditerrane, creuset de civilisation, doit reprendre son rle de zone de paix, de prosprit et de tolrance . Mais les leves de bouclier sont tout aussi rapides. Au Nord, cest lAllemagne qui mne la fronde. Angela Merkel napprcie pas le manque de concertation de Nicolas Sarkozy et souligne que si les Etats riverains de la Mditerrane constituaient une deuxime union totalement diffrente, cela risquerait de constituer une preuve difficile pour lEurope . Message bien reu Paris : lUnion pour la Mditerrane remplace lUnion mditerranenne (la smantique a son importance), les 27 Etats membres de lUE en seront membres (pas les seuls pays riverains) et la Commission de Bruxelles gardera la haute main sur le dossier. On a tout cd , regrettent les diplomates franais spcialistes du monde arabe. La contestation est forte au Sud galement. LAlgrie affiche son scepticisme quant aux objectifs de lUPM. Des pays arabes redoutent que le projet ne cache une normalisation rampante avec Isral. Quant au colonel Khadafi, il dnonce une humiliation : nous ne sommes ni des affams ni des chiens pour que lon nous jette ainsi un os . Mais Nicolas Sarkozy saccroche au projet, mettant de ct les sujets qui fchent comme les droits de lhomme, le conflit du Sahara occidental ou lorganigramme de lorganisation. A loccasion de la prsidence franaise de lUE, il inaugure de manire fastueuse, le 13 juillet 2008, cette Union pour la Mditerrane, organisation internationale vocation rgionale, qui compte 43 membres : les 27 Etats de lUE et les 16 autres pays riverains (dont Isral et lAutorit palestinienne). Un exploit diplomatique puisque, ce jour-l, se retrouvent autour dune mme table le Premier ministre isralien et le prsident syrien. Seul Mouammar Kadhafi a dclin linvitation. Lorganisation est co-prside par la France et lEgypte. LUPM rpond-elle de vritables besoins ? La spcificit de lUnion pour la Mditerrane est dtre btie autour de six projets : la dpollution de Mare Nostrum, la cration dautoroutes terrestres et maritimes, la protection civile (par la prvention des catastrophes naturelles), le dveloppement des nergies renouvelables, lducation (avec une universit euro-mditerranenne installe en Slovnie) et la coopration conomique. A priori, uniquement des projets mme de sduire tous les pays membres. Plusieurs Etats de la rive sud affichent nanmoins leur scepticisme. Les jeunes Marocains, Algriens ou Tunisiens ont davantage besoin dun emploi ou dun visa que de voir la Mditerrane dpollue ou une universit inaugure en Slovnie , crit le quotidien algrien El Watan. A Damas ou Amman, on se demande si les entreprises vont vraiment gagner des dbouchs plus facilement vers lEurope. La Turquie, pour sa part, voit dans lUPM un moyen de lui fermer encore plus hermtiquement la porte de lUnion europenne. Les pays du Sud se demandent si le but premier de lEurope nest pas dobtenir des dbouchs commerciaux et de mieux contrler limmigration, tout en se parant dides vertueuses. Comme lcrit Rachid Khechana, le rdacteur en chef de lhebdomadaire tunisien Al Maoukif : LUPM sduit les milieux daffaires et les lites du Maghreb. Mais les dirigeants politiques et lhomme de la rue ont un sentiment dingalit face une Union europenne riche et structure. Rponse de Didier Billion, directeur adjoint de lInstitut de relations internationales et stratgiques (IRIS) : Les dirigeants arabes ne peuvent reprocher dhypothtiques tentations hgmoniques lUE si eux-mmes ne sont pas capables de raliser leur union. Quils mnent des projets en commun, quils russissent leur intgration. Le problme est que tous aspirent au leadership rgional au dtriment de projets communs. Il existe des craintes lgitimes. Mais aucun pays du Sud, lexception de la Libye, na refus de rejoindre lUPM. Le projet sduit donc , veut croire Jean-Louis Guigou, le secrtaire gnral de lInstitut de prospective conomique du monde mditerranen. Et du ct des pays du Nord ? Le rapprochement des deux rives de la Mditerrane est naturel ; cest un projet gagnant-gagnant. La rive sud peut apporter de la main duvre, des marchs, de lnergie ; la rive nord des financements, des technologies, la dmocratie. Ne pas faire lUPM, cest condamner lEurope devenir une grande et vieille Suisse tandis que les pays arabes seraient balays par la mondialisation , estime Jean-Louis Guigou. Les avocats du projet voquent une opportunit historique . Le bassin mditerranen est vu comme une source de croissance durable, un nouveau modle de dveloppement et de relations internationales, un carrefour stratgique des changes mondiaux. Cest ce qucrivent, dans une tribune publie par Le Monde, plusieurs responsables politiques parmi lesquels le Franais Hubert Vdrine, lancien ministre libanais des Finances Georges Corm ou lItalien Romano Prodi, lex-prsident de la Commission europenne : LEurope et les pays du Sud et de lEst de la Mditerrane doivent jouer au maximum des trois composantes des nouvelles relations internationales : la proximit gographique, la complmentarit et les solidarits de fait, notamment environnementales. Cela dpasse la distinction obsolte entre le Nord et le Sud. Tout ce qui manque la rive nord, le dynamisme dmographique, les marchs, lnergie, on le trouve quelques centaines de kilomtres au Sud ; rciproquement tout ce qui manque au Sud, notamment la technologie, lorganisation et le cadre favorable linvestissement et la productivit, on les trouve sur la rive nord. Des ides a priori sduisantes, mais sur lesquelles il faut encore mettre du concret. Didier Billion le rappelle : La Mditerrane reste la frontire la plus ingalitaire du monde entre les pays qui en partagent le pourtour. Si les partenaires de lUPM ne sont pas capables de relever ce dfi, dautres pays le feront leur place. Les Etats-Unis par exemple accroissent depuis plusieurs annes leur prsence conomique et militaire dans cette rgion sensible pour lquilibre du monde. A quels blocages se heurte lUPM ? Ds la premire runion des ministres des Affaires trangres de lorganisation, le 4 novembre 2008 Marseille, les questions politiques soigneusement cartes quatre mois avant pour ne pas empcher la cration de lUPM simposent avec force. Ce quon avait cart par la porte en juillet revient par la fentre en novembre , ironise le chef de la diplomatie algrienne. Premier souci : o sigera lUPM ? Tunis est candidat avec le soutien de Paris, mais la Syrie et le Liban sy opposent car cela serait indirectement accepter une normalisation des relations avec Isral sans contrepartie de la part de lEtat hbreu. Finalement, Barcelone est retenu. La Tunisie refuse du coup le poste de secrtaire gnral. Autre sujet de friction : la Ligue arabe en tant que telle entend rejoindre lUPM. Tel Aviv refuse. A linitiative de la France qui joue les pompiers sur tous les sujets, un accord est trouv : la Ligue arabe obtient un statut dobservateur, devenant ainsi le 44 membre de lorganisation. En change, cinq postes de secrtaire gnral adjoint sont crs, qui reviennent la Grce, lItalie, Malte, Isral et lAutorit palestinienne. Mais a grince aussi du ct des pays du Nord. La France souhaite conserver la prsidence de lUPM pendant deux ans. Mais la Rpublique tchque et la Sude qui dirigent tour tour lUE en 2009 ne lentendent pas de cette oreille. On dcide finalement quil y aura deux co-prsidents ct europen. Tout est lobjet de ngociations, de compromis. Ce nest plus une organisation internationale, mais un bricolage permanent , raille-t-on Alger. Reste que ce sont prcisment ces compromis qui sauvent la runion de Marseille dont on pensait quelle naboutirait pas. Mais la premire vraie crise pour lUPM clate le 27 dcembre 2008, lorsque les forces israliennes lancent une offensive contre la bande de Gaza qui fera 1300 morts en quinze jours. Les pays arabes refusent alors de sasseoir la mme table quIsral. Toutes les runions techniques sur les projets de lUPM sont annules. LUnion pour la Mditerrane est congele , constate un diplomate marocain dans Le Monde. LUPM a-t-elle encore une raison dtre? , sinterroge un de ses collgues jordaniens. Ct europen, on veut minimiser la crise. Cest une pause, mais lUPM est un projet long terme qui ne va pas succomber quelques mois de suspension , espre un haut-fonctionnaire Bruxelles. Laffaire illustre cependant quel point il est difficile lensemble mditerranen de saffranchir des contingences lies au dossier isralo-palestinien. Comme lexplique Didier Billion : Nicolas Sarkozy esprait que ce dossier pourrait tre dpass par la multiplication des cooprations conomiques. Il nen est rien. Tant que ce conflit ne sera pas politiquement rgl par la conclusion dun processus de paix digne de ce nom entre Palestiniens et Israliens, le projet euro-mditerranen aura les pires difficults tre pratiquement mis en uvre. Un an aprs sa cration, quelles sont les perspectives pour lUPM ? Beaucoup pensait que loffensive isralienne contre Gaza avait sign larrt de mort de lUPM. Mais ces dernires semaines, lorganisation rgionale semble sortir de sa lthargie. Le 25 juin sest tenue Paris une runion consacre au dveloppement durable. Objectif : coordonner les politiques nationales des 44 membres en la matire, avec quatre enjeux majeurs : la gestion de leau, les transports, lnergie et le dveloppement urbain (voir article ci-aprs). Prs de 200 projets ont t lists, et cinq dentre eux effectivement mis sur les rails. Cest le cas notamment de lextension dune station dpuration au Caire, de la construction dune centrale photovoltaque au Maroc et dun ouvrage dadduction deau Gaza. Cinq projets sur 200, cela peut paratre maigre, mais limportant est que le processus avance , a dclar Jean-Louis Borloo, le ministre franais de lEcologie. Le 7 juillet, lUPM a tenu une seconde runion, cette fois-ci des ministres des Finances Bruxelles. Nous avons nouveau constat que nous sommes troitement lis, que le dveloppement des uns ne peut se faire sans le dveloppement des autres , a soulign, sans sengager plus avant, la ministre franaise de lEconomie Christine Lagarde. Le processus de paix marque le pas au Proche-Orient. Mais Barack Obama devrait faire bouger les lignes de fracture. Cela va permettre la reprise du processus politique lUPM , espre Dominique Baudis, le prsident de lInstitut du monde arabe. Le premier anniversaire de lUnion pour la Mditerrane concide donc avec un certain regain doptimisme. Runir autour dune mme table des ministres israliens, palestiniens, syriens aurait t difficilement imaginable il y a seulement trois mois. Henri Guaino, le conseiller spcial de lElyse, sen flicite dans Le Nouvel Observateur : Ces runions offrent un cinglant dmenti ceux qui veulent toujours que tout choue. Btir une coopration rgionale sur des projets concrets, cest loriginalit de lUPM et a marche. On na pas fait lEurope en un jour, ce sera pareil pour lUPM. La rgion est sensible, nous le savions ds le dpart, et la construction de lUPM sera un combat permanent. La certitude est que, malgr la crise de Gaza, aucun Etat membre na quitt lorganisation. LUnion pour la Mditerrane ne va pas rsoudre miraculeusement la tragdie du Moyen-Orient, mais elle va y contribuer. Un an aprs sa cration, le plus beau bilan de lUPM est dtre encore vivante et que beaucoup de gens continuent y croire. Didier Billion, le directeur adjoint de lIRIS, modre cet optimisme : Deux runions ministrielles ne suffisent pas parler de relance. Le bilan de lUPM nest pas entirement sombre, mais on demeure loin de pouvoir afficher un satisfecit plein et entier devant ses volutions. Plusieurs questions importantes restent en effet en suspens. Le budget de lUPM nest toujours pas dfini, et entre ce quexigent les projets de coopration et les sommes obtenues, la diffrence est souvent abyssale. Enfin, un an aprs son inauguration, lUPM na toujours pas de patron : aucun pays na accept le poste de secrtaire gnral. Certains diront que ce nest que de la plomberie compar au grand projet que doit tre lUnion pour la Mditerrane ; dautres rappelleront que, lorsque la plomberie est mal conue, la maison prend leau de partout. Jean Piel | |||
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