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MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

22/09/2009
Q.I. (1) Elections sans passion en Allemagne

(MFI) Les lections lgislatives auront lieu le 27 septembre 2009 en Allemagne. Le parti de la chancelire Angela Merkel, la CDU, est donn favori par les sondages. Mais il est peu probable qu'il remporte la majorit absolue au Parlement. L'Allemagne devrait donc encore tre dirige par une coalition. Dans une campagne plutt terne, domine par les questions conomiques et sociales, la seule surprise vient du succs croissant de Die Linke, le parti de la gauche radicale. La prsence de troupes allemandes en Afghanistan suscite galement le dbat.

Dans quel contexte se droulent ces lections lgislatives en Allemagne ?

L'an 2009 aura exig des Allemands un sens certain du civisme. Seize lections ont en effet t organises outre-Rhin : municipales, rgionales dans plusieurs Lnder, prsidentielle, europennes et, ce 27 septembre, lgislatives. A l'instar de ses voisins europens, l'Allemagne est confronte une grave crise conomique et sociale : le PIB a chut de 7,1 % en un an, le chmage a progress de 9 %, l'investissement a recul de prs de 20 %. Un coup dur pour la premire puissance industrielle europenne, qui n'avait pas connu une telle rcession depuis la Seconde guerre mondiale. Ce sombre tableau n'empche pas la CDU, le parti dmocrate-chrtien de la chancelire Angela Merkel, de faire la course en tte dans les sondages. Elle est crdite de 35 % des intentions de vote, contre 23 % son principal adversaire, le parti social-dmocrate (SPD) emmen par le ministre des Affaires trangres Frank-Walter Steinmeier, 17 % pour les libraux du FDP et 14 % pour la formation de gauche radicale, Die Linke. Cette bonne tenue de la CDU est un succs personnel pour Angela Merkel - qualifie par le magazine Time de femme la plus puissante du monde - qui 62 % des Allemands accordent leur confiance. Elle s'explique aussi par le plan de relance rapidement adopt par Berlin : 480 milliards d'euros en faveur des banques, 115 milliards en faveur de l'industrie (l'automobile et la sidrurgie en particulier) ; un plan qui a permis de limiter les effets de la crise, et qui constitue une rupture avec la philosophie librale de la CDU. Enfin, comme l'explique l'conomiste Elisabeth Humbert-Dorfmller, elle tient au fait que le SPD a du mal se positionner entre un discours centriste et un discours plus offensif gauche (voir interview ci-aprs). Nanmoins, les jeux ne sont pas faits. La CDU a connu un srieux revers, le 30 aot dernier, aux lections rgionales en Sarre, en Thuringe et en Saxe. Un revers qui n'a pas profit au SPD, mais Die Linke et au FDP. Comme le souligne, dans Le Monde, le politologue Jrgen Falter : Les dmocrates-chrtiens restent les favoris des sondages, mais tout au long de 2009 ils ont perdu des voix au fil des scrutins. Le rsultat sera serr le 27 septembre, un tiers des lecteurs sont indcis. On ne peut pas exclure un scnario identique celui des lections lgislatives de 2005 lorsque les sondages prdisaient une confortable avance la CDU qui, finalement, n'avait pas obtenu la majorit absolue, d'o son obligation de partager le pouvoir avec les sociaux-dmocrates.

Quelles sont les grandes lignes de fracture entre la CDU et le SPD ?

Conservateurs contre progressistes ? Les choses ne sont pas si simples, et la proximit des programmes troublent parfois les lecteurs. Elle oblige aussi le SPD des grands carts qui pourraient lui aliner des voix. Depuis novembre 2005, la CDU et le SPD partagent le pouvoir au sein d'une coalition gouvernementale ; le mariage de la carpe et du lapin qui ne satisfait aucun des deux protagonistes, mais impos par un gal partage des siges au Bundestag, le parlement allemand. Aprs des difficults au dmarrage, cette coalition fonctionne plutt bien. Difficile donc pour Angela Merkel et Frank-Walter Steinmeier de trop se critiquer, moins de renier le travail accompli ces quatre dernires annes. Tout au plus l'un accuse-t-il l'autre d'avoir ralenti ses projets. Nous avons accompli beaucoup de choses ensemble , a reconnu le chef de file du SPD lors d'un dbat tlvis le 13 septembre, tandis que la chancelire lui rpondait : Cette grande coalition a bien travaill . On aurait dit un vieux couple harmonieux. Cela sonnait plus comme un duo que comme un duel , a ironis le journaliste qui animait le dbat. En outre, crise conomique oblige, il est impossible de donner l'impression aux lecteurs que la lutte entre partis politiques prime sur le travail gouvernemental, d'o une campagne lectorale assez morne. Sans compter le fait que ni Angela Merkel ni Frank-Walter Steinmeier ne sont des orateurs dous d'un charisme exceptionnel. Nanmoins, ces dernires semaines, les sociaux-dmocrates ont renforc leurs attaques contre la CDU et orient davantage leur programme gauche pour marquer leur diffrence d'avec les dmocrates-chrtiens. Ainsi, le SPD rclame-t-il la cration d'un salaire minimum (auquel Angela Merkel est farouchement oppose) et une augmentation des impts sur les hauts revenus ; il affiche son opposition la privatisation des chemins de fer et exige le respect de l'accord de sortie du nuclaire qui prvoit la fermeture de toutes les centrales d'ici 2021. Un accord sur lequel veut revenir la chancelire au nom de la lutte contre le rchauffement climatique et d'une moindre dpendance l'gard du march fluctuant des hydrocarbures. Comme l'explique Jrgen Falter : Ce programme gauche du SPD peine convaincre les lecteurs puisque le parti social-dmocrate travaille avec la CDU depuis quatre ans. Les lecteurs conservateurs n'ont gure de raisons de ne pas voter pour la CDU, alors que les soutiens traditionnels du SPD sont dsorients et pourraient se dtourner de lui le 27 septembre au profit des Verts ou de Die Linke. De son ct, Angela Merkel aimerait construire une coalition plus cohrente, avec les libraux du FDP. Nous pouvons poursuivre la mme politique, mais avec un nouveau gouvernement , a-t-elle dclar. Rien ne dit cependant qu'une telle coalition sera possible l'issue du scrutin. Certains prdisent un Bundestag ingouvernable, o les petits partis (les Verts, le FDP, Die Linke) joueront les arbitres.

Le succs croissant de Die Linke dans les sondages pourrait-il annoncer une surprise ?

Les diables rouges semblent devenus frquentables aux yeux des lecteurs, mme ceux installs dans ce qui constituait avant l'Allemagne de l'Ouest. N il y a trois ans de la fusion entre les anciens communistes de l'ex-RDA et les dus du SPD, Die Linke se prsente comme le parti de la gauche radicale. Il se dclare favorable une prsence croissante de l'Etat dans l'conomie, la cration d'un salaire minimum, de meilleurs services publics, la sortie de Berlin de l'Otan. Angela Merkel - qui a grandi en Allemagne de l'Est - voit dans ce parti un retour au pril communiste . De son ct, le SPD exclut tout accord national avec lui, mais accepte des alliances rgionales. Les Allemands semblent moins frileux face une formation dcide jouer les trouble-ftes dans le systme tabli. Aux lections rgionales du 30 aot, Die Linke a amlior son score de 19 points en Saxe, se plaant pour la premire fois en position de participer au gouvernement d'un Land de l'Ouest. Il s'est aussi impos comme la deuxime force politique en Thuringe. Le gouvernement accorde des milliards d'aide aux banquiers qui sont responsables de la crise financire. Mais les gens ordinaires ont de plus en plus de mal trouver du travail, se loger, entretenir leur famille, vivre dcemment. Les injustices sont flagrantes. Dans cette crise, ce sont encore les plus riches qui gagnent sur le dos des plus pauvres. C'est pourquoi je voterai Die Linke , s'insurge Andreas Bttger, un infirmier de 34 ans, interview par Le Monde. A force de gouverner avec la CDU, les sociaux-dmocrates ont perdu leur identit. Ils ont trahi les ouvriers en faisant le choix du libralisme. Quitte voter gauche, je prfre une vraie gauche avec Die Linke. Ce n'est pas un parti extrmiste, leur discours est crdible , ajoute Gabriele Sedatis, une syndicaliste de Berlin. En se prsentant comme un parti centriste, le SPD a ouvert un espace politique sur sa gauche Die Linke. Un espace qui sduit en temps de crise conomique. Si elle ne fait plus figure d'pouvantail, la nouvelle formation doit cependant rsoudre de nombreuses contradictions. Ainsi les dsaccords restent profonds sur certains sujets entre les dirigeants issus du SPD et ceux venus de l'ancien parti communiste est-allemand. Des militants craignent aussi qu' trop participer des gouvernements de Lnder, le parti perde son me contestatrice pour devenir un parti gestionnaire. Si Die Linke fait figure d'aiguillon de la vie politique, personne outre-Rhin ne l'imagine rejoindre un gouvernement fdral. Mais son prsident, Oskar Lafontaine (ancien leader du SPD), se veut optimiste. Nos revendications sont souvent reprises par d'autres partis politiques, le SPD en particulier. Certes sous une forme attnue, mais cela constitue dj une victoire. Au mme titre que les Verts ont cologis la vie politique allemande, Die Linke l'a resocialise, repoussant le balancier vers la gauche , dclarait-il rcemment au Monde diplomatique. Aujourd'hui, les sondages crditent le parti de la gauche radicale de 14 % des intentions de vote, ce qui pourrait le placer en position de faiseur de roi .

La politique trangre constitue-t-elle un enjeu dans cette campagne lectorale ?

La prsence de 4 500 soldats allemands en Afghanistan, dans le cadre de la force internationale de scurit sous commandement de l'Otan, est le seul sujet de politique trangre faire polmique. La CDU et le FDP sont favorables cette prsence de la Bundeswher en Afghanistan ; Die Linke et les Verts y sont opposs. Le SPD propose un retrait des troupes allemandes par tape d'ici janvier 2011. Essentiellement dploys dans le nord du pays, les militaires quitteraient la rgion fur et mesure qu'ils sont remplacs par des soldats afghans. A cette fin, le SPD propose d'augmenter le nombre d'instructeurs allemands auprs de l'arme afghane. Il n'est pas question pour nous de partir du jour au lendemain. Nous ne le ferons que lorsque la scurit des districts o nos troupes sont prsentes sera assure. Nous assumerons jusqu'au bout nos responsabilits , crit un document interne du SPD, rvl par l'hebdomadaire Der Spiegel. La majorit des Allemands sont favorables ce retrait d'Afghanistan ; 35 soldats de la Bundeswher ont trouv la mort dans un conflit que les Allemands estiment ne pas tre le leur. La bavure qu'aurait rcemment commise l'arme allemande dans la rgion de Kunduz, et qui aurait fait plus de 70 victimes civiles, ajoute encore au malaise. Le plan du SPD a une cohrence : retrait par tape, remplacement des soldats allemands par des troupes afghanes, consultation de l'Otan avant toute initiative. Le problme est que Frank-Walter Steinmeier, le leader du SPD, est aussi le ministre des Affaires trangres. Si ce dploiement en Afghanistan le gne tant, il aurait dj d dmissionner. Pourquoi voquer ce sujet maintenant ? Cela parat lectoraliste et interroge sur la crdibilit de Frank-Walter Steinmeier , crit, dans le magazine Time, le spcialiste de politique trangre Henryk Broder. Angela Merkel, pour sa part, reste favorable la prsence de troupes allemandes Kaboul, mme si elle a conscience de l'impopularit de cette politique. Elle s'est dclare profondment irrite que le parti de son ministre des Affaires trangres conoive un plan de retrait d'Afghanistan. Selon elle, le dpart des forces allemandes n'est envisageable que dans le cadre d'un accord international plus large. Une polmique qui survient au moment o les Etats-Unis souhaitent que leurs allis europens s'engagent davantage en Afghanistan. Reste que, le 27 septembre, le vote des lecteurs allemands sera guid davantage par des considrations conomiques et sociales que par la politique trangre mene par Berlin.

Jean Piel

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