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13/10/2009
Crise guinenne (1) Les derniers jours du Dadis show ?

(MFI) Qui a donn l'ordre de tirer sur la foule le 28 septembre ? La question occupe plus que jamais les esprits, de Conakry New York, Paris ou Abuja, o le sort de la Guine vient d'tre examin par la Cdao et le Groupe de contact international. Soumise une pression de plus en plus forte de la communaut internationale, la junte commence se diviser tandis que la socit civile, qui a appel deux journes ville morte en mmoire de ses martyrs, prie pour qu'un miracle ait enfin lieu.

Le capitaine Moussa Dadis Camara, chef du Conseil national pour la dmocratie et le dveloppement (CNDD) - au pouvoir depuis le 23 dcembre 2008, aprs le dcs du gnral-prsident Lansana Cont -, focalise aujourd'hui tout autant la colre des Guinens que celle de la communaut internationale. Alors que tous les regards sont tourns vers Abuja (voir papier suivant), l'histoire s'emballe Conakry o un membre du gouvernement, en l'occurrence le ministre de l'Agriculture, vient d'annoncer sa dmission alors mme que la junte se dchire, craignant sans doute la mise en place d'une enqute internationale et indpendante sur les vnements tragiques du 28 septembre. Officiellement, 56 civils ont t tus, tandis que l'Onu parle de plus de 150 morts et l'Organisation guinenne de dfense des droits de l'homme de 157 personnes dcdes, et de 1200 autres blesses, aprs que l'arme a ouvert le feu sur une foule d'environ 50 000 personnes - prises au pige l'intrieur du grand stade de Conakry au moment o elles manifestaient contre l'ventuelle candidature du chef de la junte la prsidentielle du 31 janvier 2010. Des vnements d'une violence sans prcdent : des dizaines de femmes ont t violes. Le soir mme des vnements, Dadis se dclarait trs dsol sur les ondes de RFI, affirmant qu'il ne matrisait pas son arme et niant toute responsabilit dans le carnage. Puis, le 2 octobre, lors d'une brve crmonie marquant le 51e anniversaire de l'Indpendance de l'ex-colonie franaise, le capitaine a encore fustig les leaders de l'opposition sur qui il a rejet la responsabilit des tueries. Mais alors que neuf mois plus tt, sur la mme place des Martyrs, il s'tait fait acclamer comme un librateur par une foule immense, cette fois, rares taient les civils prsents ses cts.

Les dissensions clatent au sein de la junte

Au plan diplomatique, la visite expresse Conakry le 5 octobre, huit jours seulement aprs le drame, du mdiateur de la Communaut conomique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cdao) - qui a t nomm par son prsident en exercice, le chef de l'Etat nigrian Umaru Yar'Adua -, a contribu sans doute calmer le jeu. Mme si l'offre du prsident burkinab, Blaise Compaor, n'a pas encore port ses fruits. Il proposait la junte et l'opposition de se rencontrer prochainement Ouagadougou sans fixer de date prcise. Sans surprise, les forces vives ont exig plutt le dpart de l'quipe au pouvoir et la cration d'une enqute internationale sous l'gide de l'Onu pour faire toute la lumire sur les exactions. Press de toutes parts, Dadis a donc fini par annoncer le 8 octobre la Radio-tlvision guinenne (RTG) la cration d'une commission nationale d'enqute, affirmant ainsi rpondre aux demandes conjugues de la communaut internationale et des partis politiques. L'opposition a indiqu qu'elle n'y sigerait pas. La veille, 7 octobre, alors que la France, parlant d'une mme voix forte avec les Etats-Unis, mettait ouvertement en cause la version des faits de Dadis Camara, les dissensions avaient clat au grand jour. Ses proches, sans attendre ni les rsultats des commissions d'enqute - nationale ou internationale - ni les effets des mdiations en cours, ont commenc faire le mnage, dsignant un coupable dans leurs propres rangs. Des changes de tirs auraient t entendus au sein du camp Alpha Yaya Diallo, sige du pouvoir Conakry, alors que le ministre de la Scurit prsidentielle, le capitaine Jean-Claude Pivi, alias Coplan , aurait tent d'arrter l'aide de camp de Dadis Camara, le lieutenant Aboubacar Toumba Diakit, qui aurait orchestr les massacres. Pour certains, Coplan aurait agi sur ordre de l'actuel n2 du CNDD, ministre de la Dfense, le gnral Skouba Konat, alias El Tigre, absent de la capitale guinenne au moment des faits. Une bagarre aurait clat et les hommes de Coplan ont d renoncer leur mission. Le capitaine Camara s'est-il lui-mme interpos ?..

Des rcits contradictoires

Quoi qu'il en soit, les tmoignages des leaders politiques victimes de la rpression - Franois Fall, du Fudec, Jean-Marie Dor de l'UPG, Cellou Dalein Diallo de l'UFDG - dsignaient Toumba comme un des donneurs d'ordres. Mais Toumba, qu'on disait en fuite, a rapparu le lendemain... dans une interview donne au site Internet GuineeNews, o il explique qu'il aurait sauv la vie des leaders en les faisant vacuer au nom du prsident de la Rpublique . Il n'a jamais ordonn d'ouvrir le feu sur des manifestants civils , se dfend-il, et affirme qu'il s'est rendu sur place 11 heures avec l'autorisation du chef de l'Etat dans le but de faire replier les militaires dans les casernes . Quels militaires ? Commandant de la Garde prsidentielle, mdecin-chef issu de la IVe Rgion militaire (Nzrkor) et trs proche de Dadis, Toumba entretient le flou sur ce point, se contentant de parler des forces de l'ordre . Il affirme que personne n'a vu nulle part la photo d'un bret rouge en train de commettre une exaction et qu'aucun mercenaire tranger n'tait sur place - une thse avance pour expliquer la barbarie des actes commis. Son rcit est cependant en totale contradiction avec celui de Jeune Afrique (12 oct.) qui, dans son Film du carnage de Conakry, affirme que ds 10h20, un autre militaire, Moussa Tiegboro Camara, ministre la prsidence charg de la Lutte antidrogue et du Grand banditisme, arrive sur les lieux . A 11h30 : Au moins 300 hommes, parmi lesquels des brets rouges et des hommes encagouls parlant un mlange d'anglais et de crole (plus tard identifis comme tant d'ex-rebelles libriens et sierra-lonais), se dirigent vers le stade sous la conduite de Moussa Tiegboro Camara, d'Aboubacar Diakit et de Siba Thodore Kourouma, attach de cabinet et neveu du chef de la junte.

La Guine, un narco-Etat qui menace la stabilit rgionale

Moussa Tiegboro Camara, qui dirige un bataillon de 600 gendarmes et commandos, passe pour tre le tombeur d'Ousmane Cont, le fils du prsident dfunt, arrt en fvrier 2009 et qui a avou tre un baron du trafic de drogue en Guine dans le Dadis Show. Diffus tous les soirs en direct 20h30 sur la RTG, ce show est incontournable sur le net : on y voit le chef de la junte en personne condamner ou encenser ceux qu'il a convis, des ambassadeurs en poste Conakry aux hommes d'affaires ou aux politiciens qu'il se plat humilier en public, alors qu'en arrire-plan, des gardes portent haut leur Kalashnikov. Ousmane Cont a disparu en prison peu de temps aprs ses aveux publics... Rien n'tonne plus en Guine, que la communaut internationale voit dsormais comme un narco-Etat qui menace la stabilit rgionale. Nous ne sommes pas des hommes assoiffs de pouvoir. Laissez-nous nettoyer la maison. Ce n'est pas un coup d'Etat mais un coup de paix , avait promis Dadis son arrive. Aujourd'hui, ses jours la tte du bateau ivre sont peut-tre compts.

Antoinette Delafin

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