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10/11/2009
Questions internationales (2) Vendre ou donner des terres en location: oui, mais pas n'importe comment

(MFI) C'est l'ONG internationale Grain qui a lanc l'alerte sur les contrats de vente ou de location de terres, dans un rapport intitul Main basse sur les terres agricoles en pleine crise alimentaire et financire*. Ce phnomne a mu, choqu et rvolt les opinions publiques. Qu'en est-il ?

Achetez de la terre, on n'en fabrique plus , lanait Mark Twain. L'appropriation de la terre reste un enjeu de pouvoir et de domination. Sa marchandisation s'acclre. Depuis 2006, selon l'International Food Policy Research Institute (IFPRI), entre 15 et 20 millions d'hectares ont t achets ou sont en passe de l'tre dans des pays pauvres (quivalent des deux tiers du domaine agricole franais). Recherche de l'autosuffisance, moyen de lutter contre les fluctuations des marchs internationaux, motifs purement spculatifs poussent les Etats et les investisseurs privs louer ou acqurir des terres grande chelle. Les contrats de location ou d'acquisition se dveloppent aussi du fait de la rue vers la production d'agro carburants, encourage par des mesures fiscales dans les pays dvelopps; de la croissance dmographique et de l'urbanisation, conjugues l'puisement des ressources naturelles dans certains pays ; d'une demande accrue de certains produits bruts en provenance de pays tropicaux, en particulier des fibres et autres produits du bois ; des subventions prvues pour le stockage du carbone par la plantation et pour viter la dforestation , explique Olivier de Schutter, le Rapporteur spcial des Nations unies pour le droit l'alimentation.

Bien rdiger les contrats : onze principes respecter



Cependant, location ou vente de terres arables ne sont pas irrmdiablement synonymes de pillage ou d'accaparement. Bien stipuls, bien respects, de tels contrats pourraient contribuer la scurit alimentaire. En juin 2009, M. de Schutter a ainsi publi un appel l'observance de onze principes axs sur les droits de l'homme afin que les investissements dans les terres agricoles deviennent des opportunits de dveloppement pour les populations des pays htes. Ils dfendent le droit la nourriture, les droits des travailleurs agricoles, la protection des utilisateurs contre les expulsions arbitraires et plaident en faveur du droit l'auto-dtermination et au dveloppement. Le respect de ces principes offrirait, en outre, une meilleure scurit juridique aux investisseurs tout en les prservant d'une perte de rputation.

Dans ces contrats, il peut par exemple tre garanti qu'une partie de la production alimente le march local ; que des investissements d'infrastructures et des transferts de technologie accompagnent la location de terres ; que soit employe et forme une main d'ouvre locale ; que les pratiques agricoles soit respectueuses de l'environnement. De plus, ce type de contrat pourrait augmenter le revenu public, par la fiscalit et les droits l'exportation. Ces accords peuvent affranchir les populations locales dpendantes des marchs internationaux pour acqurir les aliments qui leur font dfaut - mme si les risques de baisse de la productivit en l'agriculture dans les rgions subtropicales du fait de changements climatiques et, l'avenir, la hausse des cots de fret, pourrait compenser en partie cet avantage, tempre M. de Schutter. Il plaide pour une approche multilatrale permettant d'viter la mise en comptition des pays plutt qu'une action unilatrale des tats rduisant les obligations des investisseurs trangers.

La ncessit de ngociations transparentes et dmocratiques

Il reste que les Etats les plus dmunis ne disposent pas de ressources humaines et financires suffisantes pour mener des tudes d'impact et ngocier au mieux de leurs intrts face des multinationales soutenues par des pays riches. De mme, la conclusion de tels contrats ncessite la mise en place de processus de concertation et de consultation des populations locales et une relle prise en compte de leurs intrts et volont. Dans ce domaine, mme dans le cas o une mesure pourrait tre conomiquement favorable, lorsque la voix des populations n'est pas pris en compte, cela suscite tort ou raison doutes et hostilit a averti le Professeur R. Ratiaray de l'Universit d'Antananarivo, lors du colloque sur l'accs la terre et ses usages Nantes en juin 2009. L'affaire Daewoo Madagascar en est une bonne illustration, ayant contribu prcipiter le dpart du pouvoir du prsident Ravalomanana et engendrant une crise de la dmocratie qui paralyse l'indispensable rforme foncire. La conclusion de tels accords ncessite une approche dmocratique et surtout transparente, exercice auquel les excutifs concerns sont peu enclins se plier.

* Main basse sur les terres agricoles en pleine crise alimentaire et financire, octobre 2008, www.grain.org/briefings/?id=213

Olivier Rabaey

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