Rechercher

/ languages

Choisir langue
 
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

12/01/2010
France-Rwanda Des relations diplomatiques oui, l'harmonie. pas encore

(MFI) Alors que la France a annonc la mise en place d'un ple spcialis sur les gnocides au tribunal de grande instance de Paris, des juges franaises regrettent la faiblesse des moyens allous pour mener bien leur travail sur le Rwanda. A Kigali, le comit d'enqute rwandais vient de rendre public son rapport qui conclut l'implication d'extrmistes hutus dans l'attentat contre l'avion du prsident Habyarimana, en contradiction avec les conclusions du juge franais Bruguire qui mettait en cause le FPR.

Le rapport d'enqute rwandais sur l'attentat contre l'avion du prsident Habyarimana, le 6 avril 1994, considr comme le dclencheur du gnocide, a t rendu public le 11 janvier 2010. Aprs presque deux ans de travail et l'audition de 557 tmoins, les 7 enquteurs rwandais ont conclu l'implication d'extrmistes hutus et ddouanent le Front patriotique rwandais (FPR). Une conclusion en totale contradiction avec les conclusions de l'enqute franaise du juge Bruguire qui avait, lui, mis en cause la rbellion du FPR de Paul Kagam, aujourd'hui chef de l'Etat.

De l'avis du comit rwandais, le Falcon 50 du prsident Habyarimana a t abattu partir du domaine militaire de Kanombe, une zone proche de l'aroport. Pour contredire l'hypothse du juge Bruguire, le rapport s'appuie sur une expertise balistique britannique et sur des tmoins directs.

Le rapport rwandais ne s'avance pas sur l'identit des auteurs du tir du missile

Les enquteurs rwandais assurent que les rebelles du FPR n'auraient pas pu s'infiltrer cet endroit.et dmontrent que l'attentat ne peut tre que l'ouvre d'lments radicaux des forces armes rwandaises. Les FAR possdaient des missiles, dit aussi le rapport, contrairement aux conclusions du juge franais. Le texte cite le nom de plusieurs extrmistes dont celui de Thoneste Bagosora - condamn perptuit par le TPIR pour son rle-cl dans le gnocide - mais ne s'avance pas sur l'identit des auteurs du tir du missile.

Le mobile de l'attentat est clair, selon le comit : les extrmistes hutus ont voulu couper court l'ouverture politique engage par le prsident Habyarimana qui venait de signer un accord avec le FPR de Paul Kagam, un ennemi avec lequel ils n'imaginaient pas partager la scne politique et militaire.

L'Etat franais n'est pas mis en cause directement par le comit rwandais. Le rapport Mutsinzi critique cependant le travail du juge franais Jean-Louis Bruguire et dnonce la faiblesse des preuves de la mission d'information parlementaire franaise. Le comit pointe aussi le comportement troublant de certains militaires franais en poste au Rwanda l'poque.

Premier dplacement de magistrats franais depuis la rupture diplomatique

Au mme moment, de retour de mission au Rwanda o elles ont enqut sur des plaintes dposes en France et visant des Rwandais pour leur implication prsume dans le gnocide de 1994, les juges franaises Fabienne Pous et Michle Ganascia ont souhait plus de moyens pour enquter sur ces dossiers complexes. Leurs enqutes concernent notamment Agathe Habyarimana, veuve du prsident Juvnal Habyarimana mort dans l'attentat du 6 avril 1994, ou encore Wenceslas Munyeshyaka, ancien cur de la paroisse de la Sainte-Famille Kigali. Deux autres juges instruisent Paris des dossiers rwandais, une quinzaine au total.

Il s'agissait du premier dplacement de magistrats franais depuis la rupture diplomatique intervenue fin 2006 aprs l'mission de mandats d'arrt visant des proches du prsident Paul Kagam. Le rtablissement des relations diplomatiques va dans le bon sens pour le travail des juges, a estim Mme Pous dans un entretien l'AFP. Ce rtablissement, annonc fin novembre 2009 par les deux pays, s'est concrtis par une visite de Bernard Kouchner, le chef de la diplomatie franaise, les 6 et 7 janvier 2010 Kigali.

Paralllement au rtablissement des relations diplomatiques, le gouvernement franais a annonc la cration prochaine d'un ple spcialis gnocides et crimes contre l'humanit au tribunal de grande instance (TGI) de Paris. On ne peut que se fliciter de l'annonce d'un ple spcialis, mais de quels moyens disposera-t-il ? Comment sera-t-il organis ? Nous n'en savons rien et nous esprons qu'il ne s'agira pas d'un effet d'annonce , estime Mme Pous. Les deux juges, qui prparent un nouveau dplacement d'un mois en mars au Rwanda o il y a une trs forte attente vis--vis de leur travail, insistent sur la faiblesse de leurs moyens pour enquter sur des faits de complicit de gnocide et de crimes contre l'humanit.

Fin de mandat pour le TPIR fin 2010

Pour leur prochain dplacement, les deux magistrates ont demand tre dcharges des permanences habituellement exerces, ce qui leur a t refus. Mme Pous souligne la grande misre des juges pour enquter: pas d'assistant spcialis, pas de fax individuel, une numrisation limite des documents. Ces dossiers demanderaient un temps plein, de se plonger dans l'histoire, les relations politiques, les mouvements de troupe. Cela demande des dplacements et des dizaines et dizaines d'auditions , ajoute-t-elle.

Pour Mme Ganascia, la communaut internationale a mis beaucoup de moyens pour mettre en place le Tribunal pnal international pour le Rwanda (TPIR), la France n'en a pas mis autant pour les affaires rwandaises de son ressort. Les juges s'attendent en outre une charge accrue de travail en raison d'un ventuel reversement des dossiers du TPIR, dont le mandat doit s'achever fin 2010, et de nouvelles plaintes attendues de la part du collectif de victimes.

MFI/RFI (avec AFP)

retour