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09/06/2006
Sida : tragique discrimination

(MFI) Un quart de sicle aprs le dbut de lpidmie, la stigmatisation lgard des malades ou des sropositifs existe toujours Elle constitue lun des principaux obstacles une meilleure prise en charge de la maladie, ainsi que les participants au sommet mondial de New York sur le sida (31 mai-2 juin) lont raffirm.

Au Kenya, un adolescent aurait t frapp mort avec une fourche car il tait sropositif : une rcente dpche de lAFP rapporte que selon des voisins de la famille, des proches battaient frquemment le garon et refusaient de le nourrir parce que lui et ses parents, qui seraient morts du sida, taient une honte pour eux. A ct de rares cas aussi extrmes, des associations rapportent de nombreux faits discriminatoires lencontre de malades ou de sropositifs : mises lcart au travail, pressions pour obtenir une dmission, refus de louer un logement... Le Rseau juridique canadien VIH/Sida (1) constate que, dans le milieu du travail, des personnes vivant avec le VIH subissent du harclement et sont vites ou ostracises , et mme que certains professionnels de la sant refusent encore de les traiter . En France, selon une enqute mene par Sida Info Service (coute tlphonique) rendue publique fin 2005, prs de 6 personnes sur 10 se disent victimes de discrimination ou dexclusion du fait de leur sropositivit. Et le premier domaine voqu est le milieu mdical. Prs dune personne sur deux (43,7 %) dit avoir y t discrimine, et prs dun quart des personnes interroges ont renonc de ce fait une consultation, un examen mdical ou un soin. Exemples de tmoignages : Une dermato ma mise la porte quand jai dit que jtais sropo , ou il y a des mdecins qui refusent de me toucher. Comment est-ce possible en 2005 ?


Bannis de lcole publique

Dans plusieurs pays, y compris en Afrique, des organismes de lutte contre la maladie et pour les droits humains ont document des cas denfants bannis de lcole parce quils ont le VIH, ou que leurs parents lont. Au Kenya, un orphelinat pour enfants sropositifs a d intenter des poursuites contre le gouvernement pour que les enfants puissent aller lcole publique. En Afrique du Sud, de nombreuses plaintes ont t dposes suite des discriminations, auprs de leur organisme de tutelle, le HPCSA, contre des travailleurs de la sant. A lautre bout du monde, aux Etats-Unis, des plaintes en justice abouties ont donn lieu dimportants ddommagements
Des organismes internationaux comme la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, ou lUnesco, ont lanc des campagnes contre lopprobre et la discrimination . Mais, au sommet de New York, les experts ont raffirm que, malgr quelques avances dans les lgislations nationales, peu de progrs rels ont t constats, et que cette discrimination sexerce plus cruellement lencontre des femmes et des groupes vulnrables. Parmi leurs recommandations : voter ou faire respecter des lois garantissant lgalit des droits, et accorder beaucoup plus de fonds des programmes visant rduire lingalit entre les sexes, ainsi qu des rseaux et associations de personnes vivant avec le VIH, et une information objective sur la maladie.


Prophties catastrophistes

La peur explique en partie les attitudes discriminatoires. Peur dune maladie dont on redoute la contagiosit. Dune maladie laquelle on a coll limage de la mort en partie pour mobiliser les donateurs, ainsi que le montre une rcente publicit o lon dcouvre un Noir, un revolver sur la tempe, avec en sous-titre En 2006, 3 millions dAfricains vont mourir du sida . On sait leffet terrible que peut provoquer une telle image sur des malades ou des sropositifs : elle peut faire chuter leur immunit. Combien auront le sursaut de ce malade du sida, patient du Dr Thierry Janssen (dans La Solution intrieure, d. Fayard) qui sexclame : Je nai pas envie de me laisser condamner mort par un mdecin. Quil mapporte les preuves de ce quil avance ! Et lauteur, mdecin devenu spcialiste de linfluence du mental sur le corps de parler de prophties catastrophistes .
En plus de la peur, il peut y avoir la honte, souvent lie au sexe. Que ce soit chez les homosexuels vivant mal leur statut, ou par un tabou li la sexualit en gnral, qui fait que les malades fuient les lieux de soins de peur que des connaissances ne les y surprennent. Ainsi au Niger, les patients ne se prsentent dans les hpitaux que lorsquils sont entre la vie et la mort , commente lAFP le Dr Bagnou Idrissa, spcialis dans la lutte contre le sida. La plupart des Nigriens expliquent cette attitude rfractaire face aux soins par la honte et le tabou li la sexualit , auxquels sajoute ici la pression des associations islamiques. Des leaders religieux soutiennent encore que le sida est une maladie divine pour punir ladultre et la dbauche sexuelle .


La peur, allie du virus

Cette peur et cette honte ont des consquences directes sur la sant. Le stigmate et la discrimination lis au VIH, note le rseau juridique canadien, rendent les gens plus vulnrables au virus, et les personnes sropositives plus vulnrables la maladie et la mort . De nombreuses tudes scientifiques ont en effet prouv que les motions et les penses ngatives durables ou rcurrentes minent les dfenses immunitaires, et que le stress chronique affaiblit, lui aussi, notre immunit. Peur et honte peuvent faire que lon sappuie sur des bquilles nfastes comme le tabac, lalcool ou les drogues, et que lon nglige de prendre soin de soi grce une alimentation et une hygine de vie optimales.
Peur et honte ont, aussi, des consquences indirectes : elles conduisent lisolement, et lon se retrouve alors seul face un tat que lon croit mortel : A quoi bon lavouer ma mre, dit une jeune Sngalaise, elle est ge, a la tuerait Une autre malade, canadienne : Jai une bonne amie qui je pourrais en parler, mais je dois la prparer. Maintenant, jai peur quelle me rejette. Le secret, limpossibilit de sexprimer augmentent considrablement la charge de stress. Lever la confidentialit, cest difficile, constate Ismala dans un documentaire de la Sngalaise Mariama Sylla, Derrire le silence... La stigmatisation et la discrimination sont des facteurs mortels pour les sropositifs au Sngal. Et comment oser partager son fardeau tant que certains commentaires peuvent tre aussi destructeurs : Jai entendu des gens dire que les personnes avec le sida devraient tre places sur une le dserte, confie une malade. Quand jentends ces choses, je sens que je devrais rpondre cest de moi que tu parles . Mais je finis toujours par retenir mes commentaires. Mme sil ny a pas de rponse, une question peut donc se poser : combien de morts sont-elles dues au virus et combien la discrimination ?

Henriette Sarraseca


http://www.aidslaw.ca/franais/Contenu/themes/discrimination.htm



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