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13/10/2006
Quand le diabte fait perdre la tte

(MFI) Les troubles cardiovasculaires, le syndrome mtabolique, et plus particulirement le diabte de type 2 peuvent-ils mener lAlzheimer, cette terrible pathologie qui connat une explosion mondiale ? De plus en plus dtudes scientifiques portent sur les causes, les facteurs communs et les liens probables entre ces maladies dites de civilisation . Des donnes prendre trs au srieux.

Si les messages appelant la prvention ne sont pas suivis, si lquilibre nutritionnel et le mode de vie des populations urbaines continuent de se dgrader, les projections de lOMS concernant le diabte se vrifieront : 366 millions de diabtiques dans le monde dans vingt-cinq ans contre 171 aujourdhui. Une monte en flche, note lOMS, qui rsultera essentiellement dune augmentation de 150% dans les pays en dveloppement. Sachant que lAlzheimer est aussi en forte hausse, et que de plus en plus de scientifiques se penchent sur les liens possibles entre les deux pathologies, il y a de quoi tre trs inquiet pour un avenir qui est dj l. LAlzheimer est-il un diabte de type 3 ? se demandent certains. Lors du dernier congrs mondial sur lAlzheimer (Madrid, juillet 2006), les experts ont donc fait part de leur crainte de voir le nombre croissant de diabtiques alimenter lexplosion de lAlzheimer.

Cellules affames

Sur quoi se basent les chercheurs pour rapprocher les deux maladies ? Dabord sur diffrentes tudes montrant que, dans les deux cas, les cellules font de la rsistance linsuline : cette hormone scrte par le pancras, dont le rle principal est de faire entrer le glucose ainsi que dautres nutriments dans toutes nos cellules, est de moins en moins reconnue par les rcepteurs insuline des cellules. En termes simples, la cl narrive plus ouvrir les serrures. Rsultat : le sucre continue circuler dans le sang (et cest dj le pr-diabte) tandis que les cellules souffrent de malnutrition. Or les neurones sont de grosses consommatrices doxygne et de glucose. Sous-nutries ou affames, elles fonctionnent de moins en moins bien, puis meurent.

Tissus lss

Deuximement, les chercheurs observent les tissus lss : des dpts de substance amylode (une sorte de glue ) sont retrouvs aussi bien entre les neurones des malades souffrant dAlzheimer que dans le pancras des malades souffrant de diabte. Des chercheurs de luniversit du Colorado soulignent la similitude frappante entre la structure et la physiologie de ces deux dpts . La quantit de substance amylode augmente au fil du temps pour former des amas qui entravent le fonctionnement des cellules et des tissus, dautant quils inhibent la microcirculation sanguine jusqu la rendre presque impossible. Ces plaques amylodes seraient en partie constitues par ce que les chercheurs nomment AGE (Advanced glycation end products) : il sagit dune caramlisation de nos protines rsultant de niveaux chroniquement levs de glucose sanguin. Entre autres dgts, cela altre les activits essentielles des enzymes cellulaires. Autre point commun aux deux maladies, consquence de ce qui prcde : une composante auto-immune. Dans les deux cas, en effet, le systme immunitaire tente, sans grand succs, de sattaquer aux plaques amylodes, ce qui entretient linflammation.

Populations tudies

Troisime lment sur lequel sappuient les chercheurs : plusieurs tudes pidmiologiques semblent confirmer ce lien entre les deux maladies. Parmi elles, une tude ralise Chicago, portant sur 842 moines et religieuses gs : aucun cas dAlzheimer na t constat au dbut de la priode dobservation ; nombre de cas au bout de neuf ans : 151. Conclusion de larticle paru lan dernier dans Archives of Neurology : un risque accru de 65% de dvelopper lAlzheimer pour ceux qui souffraient de diabte 2.
Lhypertension et les troubles circulatoires, qui sont le lot commun des diabtiques, favorisent de leur ct, galement, la maladie dAlzheimer. Ainsi, les facteurs de risque se potentialisent. Les personnes souffrant de troubles cardiovasculaires prsentent un risque accru de dmences sniles et dAlzheimer , souligne-t-on lEcole de Sant publique de Harvard (Journal of Internal Medicine, septembre 2006). Des tudes pidmiologiques comparant, par exemple, des populations du Nigeria des groupes dAfro-Amricains montrent que, si lincidence de lAlzheimer est ce jour deux fois plus importante aux Etats-Unis, il existe bien une interaction entre les facteurs de risque cardiovasculaires et les dmences sniles des deux cts de lAtlantique.
Au total, ce quils nomment les amylodoses intressent fortement les chercheurs, dont certains se demandent si le diabte et lAlzheimer ne seraient pas des formes localises dun trouble plus gnralis, puisquon peut retrouver aussi de la substance amylode dans les parois vasculaires ou lintestin. Ils soulignent en tout cas que lamylodose, sans symptmes pendant longtemps, saggrave bas bruit et est bien plus rpandue quon ne le croit.

Risques limits

Du ct des laboratoires et de la recherche mdicamenteuse, on se lance donc dans des tudes visant dterminer si la prise de mdicaments anti-diabtiques pourrait limiter la survenue de lAlzheimer. Un nouveau pactole possible. Tandis que dautres scientifiques comme Gregory Cole, de lUniversit de Californie, mettent laccent sur lurgence de la prvention primaire qui, on le sait, limite les facteurs de risque des deux maladies : Les mdicaments ne peuvent pas tout rparer ! Nous mangeons beaucoup trop de graisses satures, rappelle-t-il, cela favorise la fois la rsistance linsuline et les amas de substance bta-amylode dans le cerveau. La prvention primaire est bien connue : perte de poids, chasse la sdentarit, alimentation de type traditionnel riche en lgumes, fruits mrs et antioxydants. Le type de vie saine que beaucoup de diabtiques ont du mal mettre en place.

Henriette Sarraseca

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