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27/10/2006
La tuberculose ultra-rsistante en 7 questions

(MFI) Lheure est grave : lOMS a convoqu Genve la runion durgence dun Groupe spcial mondial sur la tuberculose bacilles ultrarsistants (9-10 octobre). A Johannesburg, un sommet de spcialistes sest pench sur lmergence de tuberculoses pharmacorsistantes virulentes en Afrique australe (17-18 octobre). Lorganisation internationale alerte sur cette forme souvent mortelle de la maladie.

1. La situation saggrave-t-elle ?

Oui. Dbut 2006, une tude de lOMS et des CDC (Centers for Disease Control and Prevention) des Etats-Unis a dcrit pour la premire fois des cas de tuberculose bacilles ultrarsistants aux traitements actuels. En Afrique du Sud, plusieurs dizaines de personnes sont mortes des suites de ces formes de tuberculose, qui apparaissent un peu partout dans le monde. On connaissait dj la tuberculose multirsistante 20 % des cas selon les CDC, avec une augmentation de 13 % en une seule anne , on franchit donc un degr de plus dans la gravit : la tuberculose ultrarsistante ne laisse, selon lOMS pratiquement aucune possibilit de traiter les patients avec les antituberculeux actuels .
Elle est ainsi dfinie : Une rsistance au moins deux mdicaments antituberculeux de premire intention, la rifampicine et lisoniazide (ce qui est la dfinition de la tuberculose multirsistante), laquelle sajoute une rsistance une fluoroquinolone et au moins un des trois antituberculeux injectables de deuxime intention (capromycine, kanamicine et amikacine).


2. Comment est apparue la tuberculose-UR ?

Des traitements mal adapts ou mal suivis ont favoris lapparition des rsistances : Une personne qui nachve pas son traitement ou qui ne suit pas le bon traitement peut rester contagieuse, note lOMS. Les bacilles prsents dans ses poumons peuvent devenir rsistants aux antituberculeux. Les personnes contamines par elle prsenteront alors la mme souche pharmacorsistante. Cette souche va ensuite se transmettre de nouveaux malades.
La plus rcente tude sur la multirsistance effectue en France montre que, sur 72 malades multirsistants, 31 (43,1 %) avaient dj reu un traitement antituberculeux ( rsistance acquise ), mais 38 (52,7 %) navaient jamais t traits ( rsistance primaire ). Elle apporte aussi deux enseignements importants : la dure de traitement prconise par lOMS est rarement atteinte car il semble difficile de convaincre les mdecins et les malades de continuer pendant au moins 18 mois ; dautre part, les malades ont t, au fil du temps, pris en charge par des quipes mdicales diffrentes, ce qui fait que chaque quipe tant confronte peu de cas, na pas t en mesure dacqurir une exprience solide de la prise en charge de ces malades difficiles traiter (BEH, n 17-18/2005).
En Afrique, des tudes menes au Botswana, au Kenya ou en Ethiopie ont montr que les mdecins ne sont pas assez forms au diagnostic et la prise en charge de la tuberculose, et aussi quils manquent de mdicaments.


3. Certaines rgions sont-elles plus touches ?

Oui, bien quelle ait t identifie maintenant dans toutes les rgions du monde, la tuberculose-UR est plus frquente dans les pays de lex-Union sovitique et dAsie. Alors quaux Etats-Unis, 4 % des tuberculoses sont ultrarsistantes, le pourcentage est dj de 19 % en Lettonie. En Afrique, peu de donnes son disponibles, mais les cas augmentent aussi. Dautant que le sida et les infections intercurrentes font craindre une aggravation rapide.
Lors de la rcente flambe de tuberculose-UR au Kwazulu-Natal, sur les 53 patients identifis (dont 44 tests VIH-positifs), 52 sont morts dans les vingt-cinq jours, y compris ceux qui prenaient des antirtroviraux. Les mdecins ont constat que la moiti des malades navaient jamais pris de traitements contre la tuberculose auparavant : ils auraient donc t contamins par des porteurs de nouvelles souches. En amont, toutes les situations de pauvret avec malnutrition et multiples carences, ainsi quune hygine de vie dficiente sont un terrain idal pour que la maladie se dveloppe.


4. Certaines personnes sont-elles plus touches ?

Oui. La conjonction tuberculose-sida est bien sr trs hauts risques. Ici, laffaiblissement immunitaire va empcher la raction normale de lorganisme face Mycobactrium tuberculosis : soit il llimine rapidement (50 % des cas), soit la personne devient un porteur sain . Le principe du traitement antibiotique, explique le Dr Alain Gravet, mdecin et biologiste ayant une longue exprience de la tuberculose, est de diminuer fortement le nombre de bactries, de lamener un niveau tel que les dfenses immunitaires puissent jouer leur rle contre linfection. Mais le sida diminuant limmunit cellulaire qui permet de combattre le bacille tuberculeux, le traitement est dautant plus difficile. Dans ce cas, lradication est plus difficile, les doses et/ou la dure de traitement sont augmentes, les risques dchec augments.
En Afrique, les nombreuses affections intestinales chroniques viennent affaiblir encore lorganisme. Une synthse du journal nord-amricain Gastroenterology fait apparatre que 50 % des sidens en souffrent dans les pays du Nord contre 100 % dans les pays du Sud : ces affections sont causes par des bactries pathognes, des virus, des champignons, des parasites. Les liens entre sida et schistosomiases ou amibiases intressent de plus en plus les chercheurs. Par ailleurs, des scientifiques sudois viennent de montrer que la maladie coeliaque, qui touche lintestin, multiplie par quatre les risques de tuberculose.
On sait aussi que ce risque est trs augment chez tous les diabtiques (de type 1 et 2), de mme que chez les graves insuffisants rnaux et les malades traits par chimiothrapie ou corticostrodes. On dcrit maintenant des cas de tuberculose induits par des mdicaments immunosuppresseurs utiliss en cas de Crohn, une maladie inflammatoire intestinale.


5. Quel dpistage ? Quels traitements ?

Dans les zones de forte prvalence, lexamen de crachats au microscope est souvent le seul test disponible dun prix abordable. Des chercheurs tentent de trouver des tests de dpistage plus rapides, plus fiables et moins chers. LOMS vient dappeler lindustrie investir dans ce domaine. Selon une tude parue le 12 octobre dans le New England Journal of Medicine, un nouveau test appel Mods (Microscopic-Observation-Drug-Susceptibility), ncessiterait seulement 7 jours de culture en moyenne, aurait un taux de fiabilit de 97,8 % et, de plus, dtecterait des rsistances aux antibiotiques.
Ct traitements, limpasse actuelle est tragique. Dj, les antibiotiques de seconde ligne, utiliss en cas de tuberculose multirsistante, sont moins efficaces, et beaucoup plus toxiques et chers que ceux de premire ligne : plus de 13 000 euros pour un seul patient. Ce cot peut toutefois, via une facilit dachat cre par lOMS, tomber 2 000 ou 3 000 euros. Lthionamide, trs toxique notamment pour le foie, fait en France lobjet du programme Ethionamide Boost, coordonn par lInstitut Pasteur : deux annes de travail ont permis didentifier des composs capables de rduire de dix fois la dose ncessaire pour tuer la mycobactrie en culture et donc, en principe, la toxicit ; mais il faudra encore des annes avant quune molcule ne parvienne en pharmacie.
Sur des sidens, les traitements antituberculeux peuvent avoir des effets trs lourds. Outre que des antibiotiques inhibent certains antirtroviraux, ou que ceux-ci peuvent aggraver transitoirement la tuberculose, une tude japonaise montre quon constate, chez un malade sur trois, des ruptions, de la fivre, une baisse de la fonction hpatique. Plus grave : une synthse dtudes ralise par des universitaires canadiens (Annals of Pharmacotherapy, septembre 2006), portant sur 15 annes, montre que les molcules antimycobactriennes peuvent mme dclencher des ractions allergiques mettant la vie en danger. Conclusion des scientifiques : Les effets de ces traitements sont responsables dune nette augmentation de la morbidit et de la mortalit chez des patients HIV-positifs. Des recherches sur ces interactions sont ncessaires.


6. Quelles recherches ?

Les recherches bien insuffisantes selon Mdecins sans frontires se poursuivent afin de mettre au point de nouvelles molcules contre le bacille de Koch. Elles visent aussi augmenter la tolrance des molcules. Des programmes europens sont en cours : New medicines for tuberculosis et Structural proteomics in Europe .
Ct molcules naturelles, des plantes du monde entier, utilises traditionnellement en cas de tuberculose, y compris en Afrique, sont testes in vitro par des scientifiques avec les mthodes les plus modernes. Des principes actifs contenus dans des plantes du Mexique, dEthiopie, dAfrique du Sud, du Prou, dArabie saoudite ou de Nouvelle Caldonie, entre autres, ont des actions ce jour vrifies, y compris sur des mycobactries multirsistantes. Au Mexique, par exemple, un extrait de Lantana hispida sest montr efficace contre toutes les souches multirsistantes de tuberculose, tandis quun extrait dAmborella trichopoda de Nouvelle Caldonie a montr une action comparable celle de mdicaments de rfrence comme le pyrazynamide ou lthambutol. Testes actives depuis longtemps, certaines huiles essentielles, contenant notamment des phnols, font lobjet de nouveaux travaux dans deux universits franaises. Une tude contre placebo a montr que les strols et les strolines, des lipides vgtaux naturels, devraient tre intgrs dans des traitements complmentaires de la maladie.


7. Quelles stratgies ?

Pour prvenir la propagation de la tuberculose pharmaco-rsistante, lOMS souligne quil faut, plus que jamais, renforcer la lutte antituberculeuse dans les pays . Cela implique de meilleurs diagnostics, la mise au point de nouveaux mdicaments , lamlioration des conditions de la prise en charge . Et aussi une amlioration des conditions de vie puisque la pauvret est la cause premire de la tuberculose et de nombreuses autres maladies En attendant, des quipes dexperts pourront tre envoyes la demande des pays.
En France, la prise en charge individuelle comprend une polychimiothrapie de cinq antibiotiques pendant 18 24 mois. Des supplments vitaminiques peuvent tre conseills, ainsi quun suivi psychologique visant une meilleure observance. La nutrition devrait tre prise en compte. Le Dr Alain Gravet pense que le traitement doit tre global, cest vident. La tuberculose survient gnralement sur un terrain fragilis. La promiscuit, une alimentation insuffisante sont des facteurs favorisant la maladie , mais aussi une diminution de lefficacit du traitement. Le Dr Philippe Gob, qui a trait des tuberculeux en Inde, a constat bien souvent que sur des organismes gravement dminraliss et puiss, les thrapies, quelles soient allopatiques ou naturelles, ne marchent plus. Il est indispensable, dabord, de reminraliser, damliorer la vitalit, de restaurer les tissus conjonctifs nourrissant toutes les muqueuses. De rechercher une reprise de la ractivit qui permettra ensuite aux traitements dtre efficaces.

Henriette Sarraseca

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