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10/11/2006
Chronique Sant

Tuberculose / MSF jette un pav dans la mare de lOMS

(MFI) Compter sur les stratgies actuelles de lOrganisation mondiale de la sant pour faire face la tuberculose ultra-rsistante serait catastrophique : Mdecins sans frontires jette un cri dalarme et tente de faire prendre conscience de la gravit de la situation. Le 30 octobre, cest--dire la veille dun point de communication prvu Paris autour de quatre mdecins reprsentant lOMS et lUnion internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires, MSF a organis une confrence de presse Paris et Genve. Les constats de ses mdecins, qui sont chaque jour sur le terrain au contact des malades, ainsi que le pronostic qui en dcoule est plus que sombre, selon le Dr Jean-Herv Bradol, prsident de MSF. Cest un constat dchec que nous faisons chaque jour dans notre pratique. Echec, pour rsumer, sur toute la ligne : les outils de diagnostic sont inadapts, les mdicaments actuels incapables de soigner la maladie, les problmes des rsistances insolubles, les effets secondaires trs toxiques ou mme mortels, et lespoir que lon peut placer dans la recherche pour le moment trs limit. Quant aux malades co-infects par une forme grave de tuberculose et le sida, ils risquent de mourir avant mme que les tests ne confirment leur rsistance aux traitements, comme la montr une rcente pidmie en Afrique du Sud.

Tuberculose / Les outils de diagnostic ne sont pas fiables

(MFI) Avec les outils actuels, on ne peut pas diagnostiquer plus dun malade sur deux. Le test classique, lexamen de crachats sous microscope, ncessite des laborantins bien forms, or ceux-ci ne sont pas assez nombreux. Lanalyse dans des laboratoires spcialiss peut prendre jusqu huit semaines : dans les formes graves, la plupart des malades peuvent donc mourir avant le dbut dun traitement. Chez les jeunes enfants et les bbs, chez les malades qui sont trop faibles pour cracher, le test peut difficilement tre utilis. De mme, il est peu performant chez les sidens puisquil ne permet un diagnostic de tuberculose pulmonaire que dans 30 % des cas, au mieux. Alors que, selon lAlliance mondiale pour le dveloppement de mdicaments contre la tuberculose, cette maladie provoquerait aujourdhui la mort de un malade du sida sur trois.
Il existe aussi des formes du Bacille de Koch non dtectables daprs les crachats : le mdecin ne peut alors se fier qu lexamen clinique, mais les radios des poumons peuvent tre normales, et les signes de la maladie (toux, fivre, etc.) non spcifiques. Ici, le diagnostic est particulirement difficile poser. Rsultat : sur les quelque 9 millions de personnes qui, selon lOMS, dveloppent une tuberculose active chaque anne, seuls 2,2 millions sont diagnostiqus de faon fiable grce aux tests existants. Un nouveau diagnostic rapide et utilisable partout dans le monde pourrait tre disponible dans cinq ans seulement.

Tuberculose / Multirsistante et souvent mortelle

(MFI) Le taux de mortalit associ la tuberculose multirsistante est scandaleusement lev, note dans un rapport sur la Co-infection tuberculose-sida le Dr Wafaa El-Sadr, chef du dpartement des maladies infectieuses au Harlem Hospital de New York. Mme sous traitement, 40 % 60 % des patients meurent, le plus souvent quelques mois peine aprs le diagnostic. A MSF, on souligne que les personnes infectes par la tuberculose multi-rsistante doivent endurer un traitement long (2 ans minimum) et contraignant, impliquant une longue phase dhospitalisation en isolement. Les antibiotiques utiliss sont souvent de mauvaise qualit. De plus, ils sont trs toxiques et les effets secondaires nombreux et violents. Un mdecin tmoigne : Ce traitement fait peur. On comprend quun patient ne supporte plus davaler 35 pilules jour aprs jour. Certains nous disent quils prfrent mourir de la tuberculose que des effets toxiques du traitement. Un certain nombre le refusent, ou bien cessent de le suivre ds quils se sentent mieux. Cest un combat que lon perd puisquils rechuteront et il ny aura alors plus rien faire pour eux
Un autre mdecin note que ces effets vont des brlures gastriques des psychoses en passant par la destruction de cellules du foie ou des reins. Dautres molcules chimiques sont adjointes au traitement de base, tout comme on le fait en cancrologie, pour tenter den diminuer les effets, mais pas la toxicit. De nombreux patients abandonnent car ils se sentent beaucoup plus mal que sans traitement. Ces molcules sont en outre trs chres, impossibles stocker pendant longtemps ; dans le Tiers Monde, les ruptures de stocks sont frquentes. Les taux dabandon vont de 40 % 60 % selon les rgions.
Cette forme multirsistante concernerait dj 450 000 nouveaux cas chaque anne. Et, parmi les multirsistants, il y a une proportion difficile chiffrer dultra-rsistants dont les chances de survie sont encore plus minces.

Tuberculose / Recherche et nouvelles molcules : espoirs trs lointains

(MFI) Sil y a un point sur lequel MSF et OMS sont daccord sur le fond, cest que tous les espoirs sont placer dans la recherche scientifique pure, ainsi que sur les nouveaux mdicaments qui pourraient en dcouler. Mais MSF insiste plus sur lurgence tragique des besoins chaque anne dans le monde, la tuberculose fait 2 millions de morts, la multirsistance augmente, limmunodficience aussi LONG vient de rendre public un rapport dtaill sur ltat concret de ces recherches : seulement six nouvelles molcules, toutes de la classe des antibiotiques, se sont montres efficaces in vitro contre des souches multirsistantes et pourront faire lobjet dtudes cliniques (selon Global Alliance for TB Drug Development, ces molcules sont au nombre de sept) ; si des dcisions politiques et conomiques (fonds publics) ne sont pas prises et le processus acclr, il ny aura pas de nouveaux traitements avant dix ou quinze ans au mieux. LONG demande aussi que les essais cliniques soient faits en acclr et avec moins de patients. Outre que les laboratoires ne sintressent toujours pas une maladie qui ne risque pas de rapporter gros, le rapport souligne bien quil ny a pas suffisamment de composs prometteurs dans les recherches en cours et note que ces composs tant encore des antibiotiques, ils poseront des problmes insolubles de rsistances croises ce qui a dj men limpasse actuelle.

Tuberculose / Mises au point et stratgie de lOMS

(MFI) Lurgence immdiate parat tre la suivante : veiller, notamment en Afrique, ce que des patients VIH-positifs et des malades du sida, quils soient patients ou dailleurs soignants, ne soient plus en contact avec des malades souffrant de tuberculose active. Les risques de transmission sont en effet trs importants. Lurgence de fond demeure de mettre en place partout dans le monde des traitements de la tuberculose courante, ainsi que les infrastructures et personnels permettant de suivre vraiment les malades.
Lors de la confrence de presse tenue Paris le 31 octobre, des hauts responsables de lOMS ont mis en vidence ces deux ncessits. Car les infections de tuberculose ultra-rsistante qui ont tu plus de cinquante malades au Kwazulu-Natal, VIH-positifs, taient nosocomiales, cest--dire quelles ont t contractes lhpital. Mme sous antirtroviraux, a rappel le Dr Kevin De Kock, directeur du Dpartement VIH/Sida de lOMS, les malades du sida sont susceptibles de contracter la tuberculose . Pour ce qui est de la seconde urgence, lorganisation insiste sur limportance de mettre en place des systmes de soins performants dans chaque pays : Sans cela, si des mdicaments pour traiter la tuberculose multirsistante sont simplement parachuts, on crera encore plus de rsistances , a dit le Dr Mario Raviglione, directeur du Dpartement tuberculose lOMS.
Lorganisation appelle galement ce que les Etats consacrent plus de fonds la tuberculose. Des donnes recueillies dans une centaine de pays font ressortir que la maladie est dj multirsistante dans 9 % 12 % des cas ; tandis que lultra-rsistante concerne 4 % des malades aux Etats-Unis, 15 % en Core du Sud, 15 % 19 % en Estonie et en Lettonie. On na pas encore de chiffres pour lAfrique. Mais on sait que, dans le monde et toutes formes confondues, la tuberculose fait 5 000 victimes. Chaque jour.

Henriette Sarraseca

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