| |||
15/05/2007 | |||
Sida : comment valuer la contamination par le sang ? | |||
(MFI) Suite une confrence tenue Varsovie (Pologne) le 14 mai 2007, lOnusida attire lattention sur le sort des consommateurs de drogues ayant contract la maladie. Plus globalement, la contamination par le sang (usage de drogues, transfusions, injections) proccupe lOMS et les responsables nord-amricains. Mais les scientifiques divergent sur limportance exacte de son rle, notamment en Afrique. | |||
Un fait nouveau : si lusage de drogues injectables est reconnue comme le moteur de lpidmie de sida en Asie et en Europe orientale, il a rcemment fait son apparition en tant que nouveau facteur dinfection par le VIH en Afrique subsaharienne, rvle lOnusida, en particulier en Afrique du Sud, au Kenya, au Nigeria et en Tanzanie. Lorganisation considre que prs de 10 % des nouvelles infections VIH dans le monde sont attribuables lusage de drogues injectables. A ct de cela, quelle est la part des autres contaminations par le sang ? A la veille de la Journe mondiale des donneurs de sang, le 14 juin 2006, lOMS qualifiait la transmission du VIH par transfusion de considrable . Dans plus de 70 pays, notait lorganisation, le sang collect nest pas soumis la batterie de tests de dpistage des principales infections transmissibles par transfusion : le VIH, les hpatites B et C et la syphilis. Le 13 avril 2007, lOMS rvlait que la maladie de Chagas sest tendue dAmrique latine vers les Etats-Unis et lEurope via du sang contamin non test. Lhpatite C, qui atteint beaucoup dusagers de drogue, est une maladie souvent nosocomiale, cest--dire acquise suite un acte mdical. Dans une moindre mesure, le sida aussi. Les premires victimes se comptent parmi les groupes les plus vulnrables : les femmes et les enfants. Dans notre lutte contre le sida, a dclar pour sa part le Dr Mark Dybul, responsable pour les Etats-Unis de la lutte contre le sida dans le monde, nous devrions maintenant porter notre attention sur les transfusions de sang contamin et lusage des seringues souilles. En Afrique, 25 % du sang non test pour le VIH Quelle est la part respective de contamination au VIH cause par les transfusions dune part, les injections de lautre? Difficile dterminer. Aprs les scandales des annes quatre-vingt-dix, le sang est maintenant contrl dans les pays du Nord, et les risques quasi ngligeables du moins pour les virus connus. Le taux de sropositivit au VIH parmi les donneurs de sang est de lordre de 2,4 % au Ghana, 3,6 % 4,6 % au Burkina, 10,7 % au Malawi. Daprs lOMS, 25 % environ du sang transfus en Afrique subsaharienne nest pas test pour le VIH. Au total, selon lUnit de la scurit transfusionnelle de lorganisation, de 5 % 10 % des infections VIH de par le monde sont transmises par la transfusion de sang ou de produits sanguins contamins. Cest considrable. Et dautant plus dplorable que les experts sont maintenant davis quon a pris lhabitude de recourir trop souvent des transfusions inutiles ou inappropries (Onusida). La part due aux injections est-elle plus importante encore, surtout en Afrique ? Cest sur ce point que les chercheurs divergent. Selon une estimation faite par lOMS en lan 2000, lutilisation daiguilles non strilises aurait caus, dans le tiers-monde, 21 millions de contaminations lhpatite B (soit un tiers du total), 2 millions lhpatite C (environ 40 % du total), et 260 000 au VIH (environ 5 % du total). Ceci pour la seule anne 2000 Il sagit bien dinjections thrapeutiques , les usagers de drogues injectables tant comptabiliss par ailleurs (13,2 millions dans le monde, dont plus de 10 millions dans le tiers-monde). En Afrique subsaharienne, et toujours selon lOMS, 18 % des injections thrapeutiques sont pratiques avec des seringues usages ou des aiguilles non strilises. Mais, en 1999, une tude parue dans le Bulletin de lOMS faisait tat dun taux bien plus alarmant : Suite aux donnes disponibles dans 14 pays, au moins 50 % des injections sont risque de transmission dune maladie virale () Cette situation appelle une action immdiate. La mme anne, lorganisation crait le Rseau mondial pour la scurit des injections (SIGN), dont la mission est de diffuser des bonnes pratiques auprs des responsables nationaux et des personnels de sant (1). Aujourdhui, lOMS fait figurer parmi les Neuf solutions pour la scurit des patients quelle vient de lancer lutilisation unique des dispositifs dinjection , ce qui nest toujours pas la norme sur le continent africain. Ici encore, la situation est dautant plus dplorable que, de lavis mme de la communaut scientifique, entre 70 % et 90 % des injections thrapeutiques dispenses aujourdhui dans les pays en dveloppement ne sont pas ncessaires (SIGN) ! Les injections dantibiotiques notamment, pratiques dans des structures mdicales mais aussi, souvent, au dehors, sont courantes, sans parler des nombreuses injections des vitamines que lon devrait trouver dans lalimentation ou les complments naturels. Ce serait une terrible ironie si lintroduction des antibiotiques injectables en Afrique dans les annes cinquante tait lie au dbut de la pandmie de sida , crivaient le Dr Ernest Drucker et deux autres scientifiques nord-amricains dans un Point de vue trs document sur lhistoire des injections paru dans le Lancet en 2001 (2). Dautres recherches ont vu un lien entre lavance du sida et certaines campagnes de vaccinations. Outre lamlioration de la scurit vaccinale et des injections, lOMS recommande donc de privilgier les mdicaments par voie orale. Plus de la moiti des cas ? En 2003 clatait une bombe : quatre chercheurs indpendants nord-amricains publiaient dans lInternational Journal of STD & Aids une estimation selon laquelle le matriel souill serait le principal vecteur de lpidmie de sida en Afrique bien avant les rapports sexuels. A notre avis, dclarait Jeune Afrique lun des chercheurs, le Dr Gisselquist, les transmissions par contact avec du sang, surtout les injections, mais aussi les transfusions, etc. seraient responsables de plus de la moiti des cas chez les adultes et de la grande majorit chez les jeunes, notamment les enfants et pradolescents. Et il appelait une tolrance zro pour la transmission iatrogne du VIH . Les journaux The Lancet ou le New Scientist, en particulier, ont fait largement cho ce travail et aux ractions qui ont suivi. Aprs avoir convoqu une runion spciale, lOMS a ni cette estimation ; lorganisation invite cependant les responsables de sant adopter au plus vite les directives de scurit concernant les injections et les campagnes vaccinales. Depuis, plusieurs autres tudes scientifiques sont parues dont les conclusions vont dans les deux sens : certaines attribuent la transmission sanguine du VIH en Afrique un rle important mais secondaire, dautres un rle trs important et largement sous-estim. Scuriser les injections au sud du Sahara ne coterait que 45 millions de dollars Y a-t-il des risques dans les cabinets dentaires ? Ils ne sont pas ngligeables, ainsi que le montre une tude sud-africaine cite dans le Rapport 2005 du rseau SIGN. Quid des risques lis aux scarifications, la circoncision et lexcision ? Ils paraissent, eux aussi, importants. Parue dans le journal spcialis Aids en juin 2006, une tude conclut que lexcision ainsi que les injections multiples lors de traitements pour la tuberculose et la trypanosomiase ont contribu lmergence du VIH 2 en Guine Bissau . Une autre tude, publie par Annals of Epidemiology en mars 2007, conclut un lien possible entre circoncision et excision pratiques sans hygine et transmission du VIH au Kenya, au Lesotho et en Tanzanie. Au total, lOMS estime 5 millions par an environ les nouvelles contaminations par le VIH. Si au demi-million de contaminations annuelles causes par les transfusions et les injections thrapeutiques estimation juge basse par une partie des experts et des mdecins sur le terrain on ajoute un autre demi-million chez les usagers de drogues, plus toutes les contaminations dues des pratiques non hyginiques mdicales et non mdicales cest donc bien en bonne partie par des actes intrusifs, souvent injustifis, que le virus est encore transmis. Ainsi que le souligne le Dr Holly Burkhalter, de lassociation amricaine Physicians for Human Rights (3), ce fait a pendant trop longtemps t ignor des experts, des gouvernements, des riches donateurs . Le problme la tragdie est immense, et les solutions, du moins en thorie, porte de main. Concernant les transfusions, plusieurs pays africains sefforcent de mieux contrler le sang. Il a par ailleurs t calcul quun programme permettant de scuriser les injections en Afrique subsaharienne ne coterait que 45 millions de dollars environ. Une somme ridiculement basse tant donn lenjeu. Henriette Sarraseca (1) http://www.who.int/injection_safety/sign/en/ (2) http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140673601069677/fulltext (3) http://physiciansforhumanrights.org | |||
|