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19/06/2007 | |||
Drpanocytose : lespoir est-il du ct des plantes ? | |||
(MFI) On ne dispose pas de mdicaments satisfaisants pour la drpanocytose, maladie gntique dont les crises peuvent tre trs douloureuses et lvolution hauts risques. Tandis que les scientifiques en dcryptent peu peu les mcanismes, des mdecins et biochimistes africains cherchent des solutions naturelles et peu coteuses dans le but de prvenir et de mieux grer les crises et leurs consquences. | |||
La drpanocytose est une maladie redoutable et orpheline : les crises peuvent tre svres, les risques graves (infections, accidents circulatoires, anmie, atteintes osseuses), les mdicaments quasi inexistants et dutilisation limite en raison des possibles effets secondaires. La prvalence la naissance est de 1,65 % en Afrique centrale, 2 % 3 % en Afrique de lOuest (Nigeria, Bnin, Mali). Que peut faire un mdecin confront la souffrance de ses patients, dont beaucoup denfants, sinon chercher des solutions sur place ? Depuis longtemps, des tradipraticiens soignent les crises par les plantes. Cela fait plusieurs dcennies que certains mdecins et savants explorent aussi les sentiers de la Nature. Le Dr Fagla Mdgan, mdecin bninois, qui vient de faire breveter en France son VK 500 ce qui est une protection commerciale et non une caution scientifique , a commenc ce travail en 1979. Biochimiste, chercheur luniversit du Bnin, il est alors tomb sur Fagara, une plante dcouverte par le Pr Sofowora, rappelle-t-il. In vitro, son action tait impressionnante : en deux, trois minutes, les globules rouges retrouvaient leur forme arrondie ! Privs doxygne, les globules rouges des malades prennent en effet une forme de faux et perdent la flexibilit indispensable la circulation sanguine. Traditionnellement, la poudre dcorces de racines de Fagara est utilise dans plusieurs pays la dose de 3 cuilleres caf par jour pour les adultes et de 3 demi-cuilleres pour les enfants. Au dbut des annes soixante-dix, le Pr Sofowora, chercheur nigrian, avait publi deux tudes scientifiques montrant que lextrait dcorce de racines diminuait la falciformation de 30% 75%. En ladministrant aux malades, le Dr Mdgan constate son tour que lextrait de Fagara permet despacer les crises. Afin damliorer le rsultat, il se renseigne auprs des gurisseurs et teste en laboratoire, dans les annes quatre-vingts, dautres plantes. A Fagara, il ajoute Securidaca, ce qui permettra dattnuer linsuffisance immunitaire : la rate, hypertrophie, retrouve son volume normal. Aujourdhui, son mdicament comprend les principes actifs de huit plantes. Au fur et mesure des connaissances acquises sur la maladie, jai ajout des plantes, dont une pour relancer la mtabolisme azot, par exemple, une autre pour fluidifier le sang. Le rsultat est une charpente qui permet de mieux stabiliser les rsultats. Le produit marche, avec des rsultats parfois spectaculaires, variables selon les patients. Le savoir des tradipraticiens prouv in vitro Ce nest pas le seul produit base de plantes mis au point par des universitaires. Le plus connu est peut-tre le Faca, mlange de Fagara et de Calotropis procera, prpar par lInstitut de recherche sur les plantes au Burkina. Le rsultat est satisfaisant, note le Pr Pierre Guissou, directeur de linstitut. Aussi bien en prventif des crises quen curatif. Il donne souvent de meilleurs rsultats que les produits modernes. LAjawaron, autre formule utilise dans le sud-ouest du Nigeria, base notamment de Cissus populnea L., a vu son action confirme in vitro il y a quatre ans (inhibition de 70% de la falciformation). En Afrique centrale, la recherche sactive aussi : le Congolais Pius Mpiana et son quipe ont publi dans la revue spcialise Phytomedicine de fvrier 2007 le rsultat dtudes in vitro montrant que douze plantes utilises par les tradipraticiens de la rgion ont une action notable dans la drpanocytose. Plusieurs produits naturels semblent capables de diminuer la falciformation, rsume le Pr Jean-Louis Pousset, du Musum franais dhistoire naturelle et spcialiste en pharmacope traditionnelle. Deux mdicaments notamment permettront de soulager les douleurs des crises : il sagit du Niprisan et du 5-HMF. Le Niprisan est un extrait lyophilis dun mlange de quatre plantes (Piper guineense, Pterocarpus oson, Eugenia cariophyllum et Sorghum bicolor). Un essai clinique contrl en double aveugle a montr son efficacit et son innocuit. Ce produit nigrian a t dvelopp sous le nom dHemoxin aux Etats-Unis ; il a t accept par la Food and Drug Administration (FDA) en aot 2003, puis par lEuropean Medicine Evaluation Agency (EMEA). En mai 2006, la mme socit a obtenu de la FDA lenregistrement du 5-HMF comme mdicament orphelin pour le traitement de la drpanocytose. Autre piste intressante : celle de la phnylalanine. Ce nom est celui de lun des acides amins essentiels ces acides amins, au nombre de huit, constituent les protines que nous devons ingrer dans la nourriture quotidienne. En 1985, explique le Pr Pousset, des auteurs nigrians observent quun tradipraticien soigne la drpanocytose en donnant des dcoctions de graines de Cajanus cajan (Pois dangol). Ils vrifient quun extrait de la plante diminue de 50% la proportion de cellules en forme de faucille. Par la suite, ils dmontrent que ces graines sont trs riches en acides amins et surtout en phnylalanine, et que celle-ci est responsable de lactivit anti-drpanocytaire de la plante. Les besoins journaliers pour un homme en protines sont de 80 100 grammes par jour. Chez les drpanocytaires, il en faut plus pour compenser les pertes urinaires. Lingestion de graines de Cajanus dans lalimentation devrait permettre de diminuer les crises. En 2005, une tude clinique a montr que lextrait rduisait la douleur, et aussi point important linflammation du foie. Financer des essais sur de mdicaments naturels Lefficacit de nombre de plantes contre la falciformation est donc vrifie par un usage sculaire, dsormais prouve par des tudes in vitro, et aujourdhui reconnue. Mais des questions demeurent. On ne dispose par encore dessais cliniques sur humains qui pourraient convaincre lensemble des scientifiques. Cest le cas pour le produit du Dr Mdgan, entre autres. Quels organismes publics ou fondations se dcideront, dans lintrt des malades, financer ltude de mdicaments naturels qui ne rapporteront jamais des milliards ? Quels hpitaux accepteront de les raliser et pourront sorganiser pour le faire? Comment sentendre avec les inventeurs ? Comment, de plus, prserver certaines plantes qui se rarfient, et en promouvoir si ncessaire la culture biologique ? Autre question importante, objet dun dbat qui nest pas prs de se tarir entre scientifiques et phytothrapeutes : en isolant les principes actifs des plantes, on ignore leffet densemble de la plante entire, plus doux et peut-tre plus lent mais plus bnfique pour lorganisme. Faut-il associer les deux ? De mme que les synergies sont favoriser dans une dcoction ou un mdicament (qui peut tre compos de plantes anti-falciformation, fluidifiantes sanguines, vasodilatatrices, antibiotiques, anti-inflammatoires, etc.), de mme les plantes au sein dune thrapie globale (voir encadr) pourraient devenir incontournables dans le traitement de cette maladie. Drpanocytose : des malades trs carencs en micronutriments (MFI) Depuis la fin des annes quatre-vingts, partant des dficiences constates chez les malades, des chercheurs tentent de dfinir quels supplments naturels pourraient leur tre bnfiques. En fait, on a not, avec des variables selon les patients, des carences en de nombreux micronutriments : vitamines E, B6, B9, lipoprotines, zinc, magnsium, slnium, cystine (un autre acide amin), certains acides gras (notamment les omga 3 chez les patients anmis), glutathion et antioxydants en gnral Certains sont sans doute insuffisamment fournis par lalimentation ; dautres, comme le glutathion, sont sur-utiliss dans la lutte permanente de lorganisme contre diverses inflammations. Des tudes cliniques ont dj montr que des supplments de magnsium, de zinc et aussi darginine (encore un acide amin) amliorent notablement ltat des malades. En plus de recommandations nutritionnelles affiner, et de complments naturels, on sait quil est important de veiller certains facteurs du mode de vie pour minimiser les crises : boire de leau pure tout au long de la journe afin de maintenir une bonne hydratation, viter le froid (qui favorise la vasoconstriction), viter laltitude et tout lieu ou loxygne est rarfi cet gard, une tude publie en mars 2007 dans le British Journal of Haematology montre que la pollution atmosphrique accrot le nombre dhospitalisations et le niveau de douleur. Il est aussi conseill dviter le sport en excs, de mme que les stress ; et de favoriser une vie rgulire, les bains chauds, le repos, la distraction, et toute forme de mditation et de relaxation. | |||
Henriette Sarraseca | |||
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