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26/05/2009
Le nouveau roman de Grard de Villiers
Lagent Malko dans les griffes des pirates somaliens


(MFI) Pirates, le dernier titre de la srie de romans d'espionnage SAS, cre par Grard de Villiers et dont le hros est le prince Malko Linge, tablit son camp de base Nairobi. Car cest de la capitale knyane que partent la plupart des ngociations secrtes avec les bandits somaliens qui changent otages contre ranon. Comme son habitude, lauteur, trs inform, sinspire dune actualit brlante : dans Pirates, cest la jonction tant redoute entre pirates et shebabs, le dernier-n des groupes islamistes somaliens, qui est au cur de lintrigue.


Le Buruh Ocean faisait des ronds dans leau, au beau milieu de locan Indien, par une belle nuit claire. Le navire croise 360 kilomtres au large dHobyo, un petit port somalien lui-mme situ 250 kilomtres au nord de Mogadiscio, lancienne capitale de la Somalie. En 1991, aprs avoir chass du pouvoir le vieux dictateur Syad Barr, les chefs de guerre somaliens staient partag la dpouille dun pays aujourdhui clat entre Somaliland, Puntland et Somalie. Le Buruh Ocean trane derrire lui deux barques rigides. A son bord, un quipage mixte, moiti pirates, moiti marins.
En 1994, les Amricains avaient cherch contrer les Warlords. En marge de lopration Restore Hope dont le but avouable tait de distribuer des sacs de riz, ils ont donn des chalutiers aux pcheurs somaliens. Une aberration quils ont rapidement comprise. Mais, comme leur habitude, ils sont partis en leur laissant les bateaux , ironise lauteur de Pirates. Aux Warlords ont succd les Tribunaux islamiques, eux-mmes mis en droute par une expdition de larme thiopienne sponsorise par Washington . Cest dans ce contexte quune nouvelle milice voit le jour, les Shebabs, jeunes islamistes radicaux, admirateurs dAl Qaida .

Dartisanale, la piraterie est devenue industrielle

Au cur de lintrigue de Pirates, le n177 de SAS, la jonction tant redoute entre les pirates et ce dernier groupe islamiste somalien. La piraterie est un sport qui a toujours prospr, mais petite chelle, autour du golfe dAden. Rcemment, pousss par le dsir lgitime de nourrir leur famille , les pcheurs se sont attaqus aux chalutiers de diffrentes nationalits qui croisent au large des 2 600 kilomtres de la cte somalienne. Ils sont parvenus en changer contre ranons de plus en plus confortables. Des liasses de dollars qui leur ont donn de lapptit. Dartisanale, la piraterie tait devenue industrielle.
Le Buruh Ocean est lexemple parfait de cette transformation . Ce chalutier russe de 70 pieds a vu sa campagne de pche brusquement interrompue six mois plus tt lorsquil sest approch un peu trop des ctes. Pris labordage par un speedboat de huit mtres hriss de Somaliens munis de filets de pche, mais aussi de Kalashnikovs et de lance-roquettes RPG7, il avait d gagner Hobyo o son quipage avait t dbarqu puis chang, quelques semaines plus tard, contre une ranon de 45 000 dollars.
Largent des premires ranons aurait servi se procurer en Chine, depuis Mombasa, des barques rigides dotes de simples moteurs 75 chevaux trois cylindres trs solides. Autre acquisition cruciale, venant de Duba, une petite merveille technologique , lAutomatic Identification System, vendu pour la modeste somme de 1 300 euros chez tous les shipshandlers . LAIS permet au navire qui en est quip didentifier les btiments dans un rayon dune quarantaine de miles nautiques. Nationalit, cap, vitesse. Cest dailleurs grce lAIS que le Buruh Ocean a entam sa seconde carrire comme mothership (bateau-mre) de pirates.
En utilisant sa souris, loprateur obtint le dernier renseignement, le plus important ses yeux : en suivant le cap 320, le Buruh Ocean ne se trouvait qu 32 miles nautiques du MV Faina. Cest--dire deux heures de mer. Cette fois, linterception de la proie est un jeu denfant. Il peut aller avertir le chef des pirates, Garda Abdi, surnomm lhomme qui ne dort jamais .

Dans les bidonvilles somaliens de Nairobi et Mombasa

Quelques semaines plus tt, Haradhre, une centaine de kilomtres au sud dHobyo, o les shebabs ont install leur tte de pont, Garda Abdi a rencontr Hashi Farah, un hros des Shebabs. Tous deux appartiennent au clan Darod, prcisment les Majarteen. Vaguement cousins, leurs intrts ont converg au gr de ce concours de circonstances quand le premier a inform le second : Un bateau charg darmes doit arriver Mombasa , venant dUkraine. Garda Abdi a runi ses amis qui ont accept sans beaucoup hsiter : Mme sans sa cargaison, un navire comme le Faina pouvait accepter une trs grosse ranon. Ainsi serait ne, selon SAS, la premire opration mixte entre shebabs et pirates.
Mais le roman, au cours duquel se nouent et sclairent bien dautres affaires de piraterie, connues et moins connues du grand public ces derniers mois, fait galement apparatre les ramifications inquitantes du mouvement au Kenya voisin. Dans les bidonvilles somaliens de Nairobi et Mombasa, il lve le voile sur une socit en dshrence, voluant compltement hors-la-loi. A leur tte, de gros bonnets dont certains ont pignon sur rue au sein-mme de la classe politique knyane. Il fait une autopsie de la corruption rgnante, rvlant une socit deux vitesses dont lcart est aussi extrme que les idologies qui sy dveloppent.
Au final, mme sil entretient certains clichs irritants sur lAfrique, et mme si les scnes torrides de lagent Malko aux prises avec ses conqutes fminines peuvent en gner plus dune, lauteur de SAS offre quand mme toujours ses lecteurs des rvlations dtonantes.



SAS n 177. Pirates ! Lalliance terrifiante entre les pirates et les talibans somaliens. Grard de Villiers. Paris, d. Grard de Villiers, 2009. 6,99 euros



Grard de Villiers prochainement sur RFI

(MFI) Le pre de Malko aura 80 ans en dcembre. On lentendra bientt sur les ondes de RFI, interview par Sylvain Biville pour le Livre International. Diffusion en juin 2009.

Je me considre toujours comme un journaliste , dit Grard de Villiers qui a crit pendant vingt ans pour France Soir et Paris Match. Aprs quarante-trois ans (le premier SAS est sorti le 3 mars 1965), sa srie de romans despionnage reste toujours aussi populaire, y compris en Afrique. Elle raconte les aventures de Malko Linge, agent secret autrichien haut de gamme qui travaille pour la CIA. Les ingrdients sont toujours les mmes : action, charme et surtout, ses fans le savent bien, recherche documentaire trs pointue qui claire souvent dun jour nouveau tel ou tel lment dune actualit qui a dfray la chronique. De ce point de vue, la Somalie nest pas en reste.
Pour cette enqute, comme pour toutes les autres, il a rencontr des diplomates, des journalistes mais aussi des gens du renseignement . A prs de 80 ans, le jeune homme soutient avoir lui-mme fait le voyage-express Mogadiscio queffectue Malko depuis Nairobi dans le polar grce des amis qui avaient mont une opration dexfiltration, parce quil ny a plus aucun journaliste non somalien Mogadiscio . Dont acte ! Et longue vie Malko Linge.

A. D.


Antoinette Delafin

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