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16/03/2010
Bois illgal : un trafic qui reste juteux

(MFI) Le trafic illgal du bois reste une des principales causes de la dforestation travers le monde. C'est aussi, au mme titre que les diamants sales qui ont financ plusieurs conflits notamment en Afrique, un facteur de dstabilisation tant sur le plan local que rgional.

Si le Liberia n'est plus soumis un embargo sur les diamants et le bois, de nombreux pays sont encore points du doigt par des organisations comme Global Witness ou Greenpeace. Ainsi, un nouveau rapport de Global Witness et de l'Environmental Investigation Agency (EIA) rvle l'ampleur de l'exploitation forestire illgale dans les parcs nationaux et les zones protges de la Rgion Sava Madagascar. Les deux organisations affirment que 150 250 mtres-cubes de bois de rose prcieux, d'une valeur estime 800 000 dollars, sont chaque jour rcolts dans l'illgalit.

99 % des socits importatrices sont chinoises

Des membres de l'administration forestire, de la police nationale et d'autres autorits malgaches sont accuss de graves dfaillances et, dans certains cas, de complicit avec les trafiquants. Les enquteurs ont rassembl des preuves vido de l'abattage et des tmoignages des communauts locales qui rvlent la fois l'ampleur et la hardiesse de ce commerce illgal. Selon ces organisations, l'ampleur considrable de l'abattage illgal menace les communauts vulnrables et les dernires forts naturelles malgaches, qui abritent une faune parmi les plus rares de la plante. Les bcherons ont abattu des arbres pour dfricher des pistes et fabriquer des canos, faire la chasse des espces rares de lmurs et incendier certaines zones forestires afin d'y installer des peuplements provisoires, encourageant ainsi l'occupation d'habitats naturels.

La majorit de ce commerce est imputable la forte demande chinoise de meubles en bois de rose, un matriau de grande valeur. De petites quantits de bois prcieux sont aussi envoyes vers l'Europe et les tats-Unis pour la fabrication d'instruments de musique haut de gamme.

Malgr les prix levs de ces bois sur les marchs internationaux - une armoire en bois de rose peut se vendre au dtail jusqu' 20 000 dollars -, seule une partie infime de la valeur du bois reste Madagascar. Le pays exporte essentiellement du bois non transform et une analyse des transactions financires a rvl que les gains qui reviennent Madagascar sont minimes.

Qualifier de dlit l'exploitation clandestine des forts

Ce scandale a clat lors du Sommet de Copenhague sur le climat o une premire liste de trafiquants a t diffuse et qui montre que 99 % des socits importatrices sont chinoises. La compagnie de transport maritime franaise Delmas est accuse pour sa part d'avoir transport du bois de rose malgache illgal. Le pouvoir malgache a promulgu deux dcrets contradictoires : le premier stipulait que toute coupe et exploitation de bois prcieux restaient illgales et seraient sanctionnes et le deuxime autorisait l'exportation de conteneurs remplis de bois illgal.

L'Union europenne (UE), qui est une grosse consommatrice des produits drivs du bois a dfini un processus et un ensemble de mesures visant lutter contre le problme sans cesse plus proccupant de l'exploitation clandestine des forts et du commerce qui y est associ. L'objectif principal est d'amliorer la gouvernance des pays producteurs de bois et d'tablir des partenariats volontaires avec eux pour faire en sorte que seul le bois lgalement dbit entre dans l'UE.

Le plan d'action propos vise quatre rgions et pays-cls qui, ensemble, possdent 60 % environ de la superficie forestire mondiale et fournissent une part importante du commerce international du bois : l'Afrique centrale, la Russie, la frange tropicale de l'Amrique du Sud (fort amazonienne) et l'Asie du Sud-est (Cambodge, Indonsie, notamment).

La Commission europenne veut encourager les Etats-membres qualifier de dlit l'exploitation clandestine des forts en vue de l'application de la directive europenne relative au blanchiment des capitaux. A l'heure actuelle, seul un petit nombre d'tats-membres ont nommment dsign les dlits relatifs l'exploitation clandestine des forts dans leur lgislation anti-blanchiment. La Commission cherche aussi traiter, travers, entre autres, ses programmes de coopration au dveloppement, le problme que pose le financement de conflits arms par la vente de bois illgalement abattu, ce qui est notamment le cas en Rpublique dmocratique du Congo (RDC).

En 2009, des ONG ont dpos une plainte Nantes

En novembre 2009, Greenpeace et d'autres ONG ont dpos Nantes une plainte visant la filiale franaise de DLH, l'un des plus importants marchands de bois au monde. Elles accusent DLH-France d'avoir achet de 2000 2003 du bois au Liberia au mpris de la lgislation en vigueur et alors que le pays tait en pleine guerre civile. Pire : ce trafic aurait financ le rgime sanguinaire de Charles Taylor. De 2000 2003, DLH-France se serait fourni en bois auprs d'entreprises forestires libriennes corrompues et sans scrupule, qui agissaient en dehors de toute rglementation. Les Nations unies avaient dcrt un embargo sur le bois du Liberia en 2003 pour empcher son utilisation par l'ex-Prsident Taylor. Un trafic qualifi de bois de sang .

Cette plainte rappelle une nouvelle fois que l'UE doit se doter d'une rglementation exigeante sur le commerce du bois pour vraiment bannir l'importation de bois illgal en Europe. L'UE a dj adopt une initiative pour la prservation des forts (FLEGT, Forest Law Enforcement on Governance and Trade) mais, selon les experts, 10 19 % des bois imports par l'UE sont toujours d'origine illgale. La Banque mondiale estime de son ct le cot de l'exploitation illgale des forts travers le monde 10 milliards de dollars par an.

La France pour sa part a dj ratifi l'accord international de 2006 sur la protection des bois tropicaux, devenant le 26e Etat ratifier ce trait adopt par 59 Etats impliqus dans le commerce des bois tropicaux - 33 pays producteurs et 26 pays consommateurs. Cet accord renouvelle l'Accord international sur les bois tropicaux (AIBT) de 1994 qui venait chance en dcembre 2006. Il encourage les parties mettre en place des mcanismes facultatifs pour promouvoir une exploitation durable des forts tropicales en recourant notamment la certification. Celle-ci consiste appliquer un label assurant aux consommateurs que le bois qu'ils achtent provient de forts exploites de faon durable, comme cela a t le cas pour les diamants.

Marie Joannidis

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