Rechercher

/ languages

Choisir langue
 
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

11/11/2008
Q I (2)
LItalie toujours sduite par Mussolini


(MFI) Un nombre croissant dItaliens avouent leur admiration pour Benito Mussolini, estimant que le rgime du dictateur qui stait alli avec Hitler na pas t totalement ngatif. Parmi ces nostalgiques du fascisme, les jeunes sont de plus en plus nombreux.

Le 28 octobre dernier, des milliers de nostalgiques de Benito Mussolini se sont retrouvs comme chaque anne dans sa ville natale de Predappio, dans le Nord-Est de lItalie, pour commmorer sa prise de pouvoir, le 28 octobre 1922. Autrefois, le rassemblement ne runissait quune centaine de personnes, souvent ges, qui prfraient tre discrtes. Cette anne, ils taient plus de 10 000, vtus de la mme chemise noire que le dictateur, dfilant en faisant le salut fasciste, un drapeau italien la main. Comme le dclarait au quotidien La Stampa le maire de centre-gauche de la ville, Giuliano Brocchi : Pendant de nombreuses annes, on ne voyait que des nostalgiques dun certain ge. Aujourdhui, ceux-ci ont cd la place des jeunes de plus en plus nombreux, trs revendicatifs, se disant fiers dtre fascistes. Cest inquitant.
Le plerinage suit toujours le mme itinraire : dfil travers les rues de la ville jusquau cimetire de San Cassiano o se trouve la tombe de celui qui dirigea lItalie dune main de fer de 1922 1943, messe de commmoration puis garde dhonneur et chants fascistes. Les deux magasins de souvenirs de Predappio vendent des briquets, cendriers et autres t-shirts leffigie du Duce, mais aussi des matraques et des poings amricains sur lesquels est inscrit le nom de Mussolini. Nous recevons beaucoup de clients pour lanniversaire de sa naissance le 29 juillet, de sa mort le 28 avril et de la marche sur Rome le 28 octobre. Mais il y a du monde toute lanne ; les affaires marchent de mieux en mieux , reconnait le propritaire dun magasin, cit par La Stampa. Visiblement, le culte du Duce se porte bien.

La tentation de rviser lhistoire

Cette anne, la commmoration prend un relief particulier du fait de la drive autoritaire que connat lItalie depuis le retour au pouvoir de Silvio Berlusconi en avril 2008. Entre la remise en cause de lindpendance des magistrats et la rigueur des lois contre les immigrs, entre les drapages verbaux du Premier ministre et la multiplication des attaques contre les trangers, certains nhsitent pas comparer le berlusconisme au fascisme. Pour Angelo dOrsi, professeur de sciences politiques luniversit de Turin : Silvio Berlusconi est lhritier du Duce. Certes, le pays ne va pas sombrer dans la dictature. Mais Berlusconi est linventeur dun totalitarisme dun nouveau genre qui prend la forme dun contrle des mdias, dune confiscation de lEtat des fins personnelles, dune gestion politique qui oscille entre menaces et sduction. Il met au pas les juges, manipule lopinion publique, se fait le chantre de lordre Tout cela est loin des normes dmocratiques. On assiste en outre une tentative de rviser lhistoire. Lors des clbrations de lanniversaire de larmistice, le 8 septembre dernier, Ignazio La Russa, le ministre de la Dfense, a rendu hommage aux combattants de la rpublique de Salo, qui restrent fidles Mussolini et au nazisme aprs le renversement dalliances : Ils ont combattu avec la conviction quils dfendaient leur pays. Je ne considre pas et je nai jamais considr le fascisme comme le mal absolu. Fureur dans les rangs de la gauche et des associations de dfense des Droits de lhomme.

Un rgime qui avait aussi ses bons cts

Pas tonnant dans ces conditions quun nombre croissant dItaliens parmi lesquels des stars du sport ou de la chanson reconnaissent ouvertement admirer Benito Mussolini et estimer quil ne faut pas porter un jugement trop svre sur cette priode, que tout ntait pas si ngatif. Les gens oublient volontairement lutilisation darmes chimiques lors de la guerre dEthiopie en 1936, les lois raciales contre les juifs, le pacte dAcier avec Hitler, la participation de lItalie la Seconde guerre mondiale aux cts de lAllemagne nazie. Ils ne retiennent que lordre, la scurit, le nationalisme, une certaine prosprit, les ambitions de grande puissance de lItalie. Cest leur moyen de ragir la mondialisation, la crise conomique, la socit multiculturelle, la peur du lendemain , dplore lhistorien Gianni Malteze, interview dans La Repubblica.
Signe des temps : les maires (de droite comme de gauche) des villes de fondation ainsi quon appelle les cits construites sous Mussolini et dont larchitecture tait cense symboliser lordre fasciste ont obtenu pour la premire fois de larges subventions pour rhabiliter des lieux qui interpellent les mmoires. Il y a dix ans, nous nobtenions pas un centime , reconnat lun des lus, cit par Le Monde. Pour le maire de Pienza : Lhistoire a condamn le fascisme. Rnover ces villes, cest servir leurs habitants, pas cautionner un rgime qui a bafou la dmocratie et les droits humains. Mais le premier magistrat de la commune de Sabbioneta est plus ambigu : Le regard sur le fascisme a chang. Il ny a pas eu que des moments noirs sous Mussolini. Paralllement Predappio, un commerant, interview par La Stampa, admet que vivre dans une ville associe Mussolini et au fascisme est parfois embarrassant. Mais cest bon pour les affaires, et les admirateurs du Duce sont trs polis ; ils ne causent jamais le moindre problme .

Jean Piel

retour