Rechercher

/ languages

Choisir langue
 
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

09/12/2008
Questions internationales (2)
Julien Buot : Notre but est de maximiser laide


(MFI) Julien Buot est le coordinateur de lAgence pour le tourisme quitable et solidaire (Ates), qui fdre vingt-trois voyagistes spcialiss. Tout en reconnaissant la modestie des actions de dveloppement par rapport aux besoins, il assure que tous les intervenants cherchent maximiser leur efficacit. A ceux qui critiquent le tourisme solidaire, il oppose la sincrit de participants et leur foi dans le dialogue entre des gens de cultures diffrentes.

MFI : Quel est le profil type du voyageur qui choisit le tourisme quitable ?

Julien Buot : Cest plus souvent une femme quun homme, dune cinquantaine dannes, habitant gnralement la rgion parisienne et disposant dun pouvoir dachat confortable. Ce sont souvent des gens qui travaillent dj dans la solidarit, notamment dans les mtiers de la sant, ou qui sont militants associatifs. Contrairement ce quon croit, nous accueillons peu dtudiants, probablement parce que nos voyages mme sils sont moins chers quon ne le dit souvent reprsentent quand mme un certain budget.
Ce profil-type devrait se diversifier avec laugmentation de notre clientle. En 2005, les 23 agences affilies lAtes ont accueilli 3 000 voyageurs, mais 6 000 en 2008. Mme si nous nous rjouissons de cette progression, nous continuons privilgier le qualitatif sur le quantitatif, cest--dire que les agences sassurent toujours que les clients, avant de partir, ont compris lobjectif et lesprit du tourisme quitable. Cela passe par de longues discussions au tlphone, par des runions dinformation, voire par des week-end de prparation au voyage. Nous avons une devise : Voyager au plus prs du monde et de ses habitants. Nous voulons quelle soit respecte.


MFI : Comment apprciez-vous votre impact sur le dveloppement ?

J. B. : LAtes na pas vocation imposer ses membres un mode daction dtermin. Certaines agences collaborent directement avec une ONG, dautres reversent un pourcentage du prix du voyage un fond de solidarit, certaines sont axes sur la sant, dautres sur lducation. Concrtement, nous avons enregistr un chiffre daffaires de cinq millions deuros en 2008, dont deux millions pour le seul transport arien, et nous avons revers 150 000 euros des actions de solidarit. Notre but est de maximiser laide. Cest pourquoi toutes les agences fonctionnent sur le mode associatif ; leurs responsables nont pas rpondre des actionnaires, mais des adhrents. Lide nest pas de faire du profit, mais de favoriser au mieux le dveloppement durable des rgions o les voyages sont organiss. Au demeurant, le mode associatif nempche pas un grand professionnalisme.
Nous navons pas la prtention dtre un acteur aussi puissant que laide publique au dveloppement. Nous sommes conscients des limites de nos actions et de la modestie de notre aide par rapport aux enjeux conomiques. De mme que nous ne cherchons pas initier une politique de dveloppement. Mais par notre mode associatif, notre transparence, nos relations directes avec les ONG et les habitants des rgions visites, nous essayons dtre aussi efficaces que possible.

MFI : Vos rgles ne limitent-elles pas le nombre de voyageurs que vous pouvez accueillir, et donc votre impact sur le dveloppement ?

J. B. : Nous pourrions rpondre la demande de 100 000 voyageurs par an sans remettre en cause les principes du tourisme solidaire. La plante est immense. Il est possible de diversifier loffre, denvoyer les touristes dans des villages diffrents, de proposer de nouveaux circuits, dimaginer des projets novateurs, dautres types de rencontres.
Actuellement, le Maroc reprsente lui seul le tiers de nos voyages, mais les 23 agences membres de lAtes ont une quarantaine de pays leur catalogue. Certaines organisent mme des voyages en Europe, en Armnie, en Serbie, en Bulgarie L o des besoins de dveloppement se font sentir. Le tourisme quitable nest pas forcment spartiate ou bas de gamme. Ce nest pas uniquement un sjour dans un village africain. Il peut tre confortable mme sil nest jamais luxueux. Nous proposons des treks, des voyages culturels, des randonnes questres, mais toujours en respectant les rgles du tourisme solidaire.
En outre, notre impact ne se jauge pas uniquement aux sommes que nous consacrons des actions de dveloppement durable. Les gens qui effectuent un voyage avec lune de nos agences ont ensuite un regard diffrent sur le monde, peuvent changer leur mode de consommation, sengager dans des associations humanitaires, se faire le relais de nos actions. De mme, si nous nexistions pas, il nest pas sr que les grands tour-oprateurs agiraient, comme ils le font dsormais, pour rduire leur consommation deau ou financer des micro-projets de dveloppement. Le tourisme quitable est aussi un aiguillon qui tire vers le haut le niveau dexigence.


MFI : Que rpondez-vous ceux qui critiquent le tourisme solidaire, pointant du doigt la bonne conscience que sachteraient ainsi les touristes ou le dfaut dauthenticit des rencontres ?

J. B. : Les oprateurs du secteur sont honntes dans leur dmarche ; ils croient en ce quils font. Ce nest pas un crneau commercial, contrairement ce que certains affirment. Personne ne devient richissime en travaillant dans le voyage solidaire. Mais il est vrai que le tourisme pose des questions complexes, que cest un secteur volutif. Les agences procdent des valuations rgulires pour amliorer leurs offres, pour voir avec les populations daccueil ou les ONG ce quelles attendent de nous. Nous ne pourrons jamais garantir que tous nos clients se comportent parfaitement, quils ne seront pas tents de faire des cadeaux individuels alors que nous dcourageons cette pratique, de mme que nous ne pouvons pas garantir 100 % que tous les habitants des rgions visites seront des htes parfaits. Les rencontres inter-culturelles ne sont jamais faciles, cest une vidence. Elles ont leurs limites. Les attentes et les imaginaires des touristes et des autochtones ne sont pas toujours les mmes. Mais encore une fois, il ne faut pas rduire le tourisme quitable quelques Blancs venant dormir dans les cases dun village africain. Cest un concept bien plus vaste. Nous poursuivons cette aventure car nous esprons contribuer, notre modeste chelle, au dveloppement et car nous croyons sincrement que des changes entre des gens de cultures diffrentes sont possibles.
Aujourdhui, lun de nos dfis est de mieux coordonner le tourisme quitable, de sassurer que tous les acteurs ninterviennent pas dans le mme pays, pour rpondre aux mmes besoins, avec les mmes offres, alors que dautres pays seraient ngligs, que certains besoins comme lducation, la sant ou laccs leau seraient oublis. Cette coordination doit se faire au niveau franais, mais aussi au niveau europen. Nous avons un projet dalliance avec des agences de tourisme solidaire dans les pays voisins. Notre priorit est donc de faire plus et mieux, pas den faire moins, quelles que soient les critiques contre le tourisme quitable.

Propos recueillis par Jean Piel

retour