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24/06/2008 | |||
Prsidence franaise de lUnion europenne (2) APE : lAfrique peut-elle compter sur lEurope dans la mondialisation conomique ? | |||
(MFI) Lors de sa prsidence de lUnion europenne, la France pourrait plaider pour plus de flexibilit dans les ngociations avec lAfrique en vue de conclure de nouveaux Accords de partenariat conomique (APE) avec les pays Afrique, Carabe, Pacifique (ACP). Le prsident Nicolas Sarkozy attend ces jours-ci le rapport sur les APE quil a demand mi-avril la dpute guyanaise Christiane Taubira. | |||
On ne peut tre partenaire que si on a de quoi discuter dgal gal , affirmait Christiane Taubira Porto Novo, au Bnin, le 12 juin 2008, ajoutant que les pays du Nord doivent cesser de considrer ceux du Sud comme des petits poucets . Elle sexprimait ainsi aux cts du professeur Albert Tevodjr, au sige de lOrgane prsidentiel de mdiation sur les APE, a rapport LOption Infos. En mission pour le prsident Sarkozy dans le cadre de la prsidence franaise, cette conomiste, membre de la dlgation ACP-UE au Parlement europen de 1994 1999, devait rendre ces jours-ci un rapport trs attendu, cens encourager les Etats Afrique-Carabe-Pacifique (ACP) conclure avec lUE des accords complets et rgionaliss dans des conditions plus quitables. La France pourrait ainsi amener lUnion europenne (UE) accorder plus dattention aux proccupations de lAfrique sur les questions commerciales lies lagriculture et lalimentation alors quune crise alimentaire affecte de nombreux pays du continent sporadiquement secous par des meutes de la faim et que socits civiles et chefs dEtat africains rejettent les APE dans leur mouture actuelle. Les APE sont des camisoles de force Comment sortir de limpasse dans laquelle les parties se sont engouffres ? Lors du sommet UE-Afrique de Lisbonne, fin 2007, les pays africains se sont opposs la signature des APE, qui devaient conduire au 1er janvier 2008 au libre-change entre les deux rgions. Tte de file et symbole de la fronde, le prsident sngalais Abdoulaye Wade a dplor lchec des accords de Cotonou et, partant, des prcdents accords de Yaound et de Lom qui ont eu leffet inverse celui annonc : au lieu daugmenter les exportations de lAfrique vers lEurope, celles-ci se sont sensiblement dtriores , dclarait-il au quotidien franais Le Monde, tandis que celles de lEurope vers lAfrique ont augment de 6,5 % depuis 2000 . De plus, le nouveau dispositif de dsarmement tarifaire entrainerait immdiatement dnormes pertes de recettes douanires pour nos pays , que le vieux lion sngalais value entre 35 % et 70 % des budgets des Etats africains . Proposant des Accords de partenariat et de dveloppement (APD) qui englobent et dpassent le cadre strictement commercial , il a qualifi les APE de camisole de force , affirmant que les mcanismes de compensation proposs par lUE ne suffiront pas combler ces pertes de ressources. Le dossier est sensible, tant du point de vue africain que du ct europen , reconnat un expert franais qui a requis lanonymat. La Convention de Cotonou (2001) avait tabli un compromis entre les partisans dune relance du dveloppement par le commerce et ceux qui dfendaient le maintien de laide publique au dveloppement , rappelle-t-il. Au final, un quilibre tait instaur entre les deux volets. Paralllement, le systme commercial prfrentiel introduit par la Convention de Lom (1975), qui ouvrait le march europen aux Etats-ACP, avait t tolr par le GATT , puis tait prorog par la Convention de Cotonou. Mais depuis sa cration en 1994, lOMC menaait dinstaurer un systme contraignant. Et la dernire prorogation arrivait chance le 31 dcembre 2007. Il fallait donc faire voluer le systme. La Commission europenne a alors entam des ngociations en vue dun accord de libre-change. Pour ce faire, les pays ACP ont t regroups en nouvelles rgions tailles la serpe , six au total : une Carabe, une Pacifique (qui nexistait pas) et quatre pour lAfrique qui ne tiennent pas compte des organisations rgionales existantes. Chacune doit signer un accord de libre-change avec lUE et finaliser sa propre union douanire cense apporter une plus grande intgration conomique. Un processus progressif. Mais la Commission est elle-mme contrainte par lOMC de garantir la libralisation de 90 % des changes entre lUE et les pays ACP : 100 % du march europen devra tre ouvert contre 80 % du march des ACP, dont les Etats pourront protger 20 % en dressant une liste des produits sensibles. Des rgles que le Commissaire europen en charge du Commerce, Peter Mandelson, estime ncessaires. A lissue de sa session du 27 mai 2008, le Conseil de lUE, qui se flicite davoir repris les ngociations, dclare quil maintient pleinement les conclusions sur les APE quil a adoptes en avril 2006 et en mai et novembre 2007 . Et avec elles le blocage actuel, que notre expert franais attribue surtout au fait que la ngociation a t mene sous lautorit des commerciaux. La Direction gnrale du dveloppement na pas beaucoup particip aux discussions ou de manire trs tardive. Et laccompagnement offert louverture commerciale par laide au dveloppement na pas donn de rsultats vidents. Des accords intrimaires porteurs de division Le Conseil met en avant dans son document sa stratgie en faveur de laide pour le commerce , adopte en octobre 2007, qui vise porter 2 milliards deuros dici 2010 lassistance lie au commerce de lensemble de lUE [dont] environ 50 % de laugmentation pourront tre utiliss pour rpondre aux besoins jugs prioritaires par les pays ACP, y compris ceux lis aux APE . Une aide inscrite dans le cadre gnral de laugmentation de lAPD, souligne-t-il, et qui nest pas subordonne la signature dune APE ou dun accord intrimaire . En attendant, fin 2007, le prsident de la Commission europenne, Jos Manuel Barroso, a encourag les Etats concerns se doter daccords intrimaires pour viter de perturber le commerce tandis que le prsident de la Cdao, Mohamed Ibn Chambas, jugeait ces dits-accords porteurs de division . Les ministres runis fin fvrier 2008 Ouagadougou ont raffirm leur volont de conclure un APE global mais ax sur le dveloppement et mutuellement bnfique . Rsultat : en mai, une seule rgion (Carabe) a sign un APE global. Mais une trentaine de pays (sur les 78 du groupe ACP) pour la plupart des pays revenu intermdiaire ou PRI ont paraph individuellement un accord intrimaire, au risque de provoquer un effet de dsintgration au sein des union existantes , dplore notre expert. Ce fut le cas notamment de la Cte dIvoire et du Ghana pour la Cdao, ou du Cameroun pour la Cmac qui craignaient de perdre leurs prfrences sur des produits comme le cacao ou la banane. Une ptition pour lagriculture familiale et contre la faim Principale rgion ACP, lAfrique de lOuest reprsente 40 % des changes UE-ACP, do le caractre stratgique du changement de rgime commercial pour lavenir des conomies ouest-africaines, estime Action solidaire, qui rappelle que 12 des 16 pays qui la composent sont des PMA, les autres ralisant plus de 80 % de leurs exportations vers lUE. Il existe en outre une drogation permanente de lOMC pour les PMA qui bnficient aussi du rgime Tout sauf les armes (TSA) de lUE qui ne les oblige pas ouvrir leurs marchs. Rptant inlassablement que ces accords visent favoriser lintgration rgionale et lintgration progressive des pays ACP dans lconomie mondiale , tout en permettant, terme, de contribuer lensemble des efforts accomplis pour radiquer la pauvret dans les pays ACP , le Conseil de lUE a toutefois pris acte le 27 mai de lexistence de questions problmatiques demeurant en suspens . Il croit ncessaire dadopter une approche flexible , invitant la Commission procder de manire compatible avec les rgles de lOMC en tenant compte des besoins et niveaux de dveloppement. Tout un programme. Dans le doute, une ONG membre de Coordination SUD vient de remettre au secrtaire dEtat charg de la Coopration, Alain Joyandet, une ptition pour lagriculture familiale et contre la faim qui a recueilli quelque 20 000 signatures (campagne Alimenterre). Quant la socit civile des pays ACP, trs mobilise sur la question, et aux chefs dEtats africains anti-APE, ils devraient bientt reprendre leurs plaidoyers. Aprs tout, arguent-ils, un accord intrimaire, pour tre valable, doit tre ratifi par le Parlement ou sign par le Prsident de la rpublique. | |||
Antoinette Delafin | |||
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