par Danielle Birck
Article publié le 03/02/2007 Dernière mise à jour le 09/10/2008 à 09:13 TU
Les travaux commencés l’an dernier devraient être achevés en mars 2008. Le chantier est impressionnant, avec la mise en évidence du lieu, de son volume, de son espace et de son architecture, typique de l’architecture industrielle du XIXe siècle. C’est en effet en 1870 que l’archevêché de Paris décide d’installer le siège des Pompes funèbres à l’emplacement d’un ancien abattoir. La direction des travaux est confiée à Baltard, l’architecte des Halles centrales parisiennes qui venaient juste d’être achevées, emblématiques d’une architecture légère et aérée de fer et de verre et dont la destruction, à la toute fin des années 60, provoquera un véritable tollé. Il faudra, à l'époque, deux ans pour construire ce qu’on appellera l’«usine à deuil» où travaillait un millier d’employés et d’où partaient chaque jour plus de 150 convois mortuaires. On y trouvait des écuries pour 300 chevaux, des garages pour autant d’équipages (corbillards, chars, berlines), des ateliers et des réserves pour quelque 600 cercueils… Une véritable cité industrielle sur quelque 35 000 m2 et plusieurs niveaux. C’est cet édifice qui va être reconverti en lieu de création artistique, sous le label «Cent-Quatre», l’une des deux entrées étant située au 104 de la rue d’Aubervilliers, à la lisière des XIXe et XVIIIe arrondissements.
Des Pompes Funèbres au Cent-Quatre
En 1977, l’architecte Renzo Piano, qui, avec Richard Rogers, venait d’achever le Centre Georges Pompidou, qualifiait celui-ci de «catalyseur d’activités». Le terme pourrait s’appliquer au projet du Cent-Quatre, qui, tout en s’inscrivant dans une architecture ancienne, sera résolument tourné vers la création contemporaine, dans une «alchimie» susceptible de surprendre, ne serait-ce que du fait «que nous ne sachions pas aujourd’hui ce que sera dans quatre ans», pour reprendre les propos du maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui ajoute «c’est exactement ce dont je rêve». Un rêve que les architectes de l’Atelier Novembre, à qui la réalisation du lieu a été confiée, et les directeurs de ce futur centre artistique et culturel – retenus en septembre 2005 à l’issue d’un appel à candidature - ont été chargés de mettre en œuvre.
Ce qu’on sait, dès maintenant, c’est que ce lieu ne sera pas un musée, mais plutôt «l’inverse d’un musée », explique Frédéric Fisbach, co-directeur du futur centre, «simplement parce que ce sera essentiellement un lieu de création, de production, qu’il n’y aura rien à conserver et que les œuvres iront ailleurs». D’où l’aménagement de l’espace avec des ateliers, 16 au total, installés sur de vastes plateaux de 100 à 300 m², dont certains seront équipés, notamment ceux dédiés à la danse, au théâtre, à la photo ou au cinéma.
Des ateliers qui accueilleront des artistes français et étrangers, en résidence, pour une durée de quelques semaines à un an, soit environ une trentaine de créateurs par an, tous domaines confondus. Des artistes à qui seront donnés les moyens de produire, de créer, avec pour seule contrainte d’ouvrir régulièrement leurs ateliers au public. «C’est un peu l’inédit du lieu», souligne Robert Cantarella, et pour l’artiste, «une certaine façon de devenir le propre passeur de son désir, de son travail.» Il s’agit donc de favoriser le contact du public, non seulement avec les œuvres, mais aussi dans des espaces d’exposition ou dans deux salles de spectacles de 200 et 400 places. Quelques logements sont également prévus pour les artistes. Une dizaine d'artistes invités ont déjà commencé à travailler, invités à confronter leur art avec le lieu en construction. Nul doute qu’un photographe comme Stéphane Couturier, qui fait partie de cette première «promotion», trouvera matière à enrichir un travail déjà nourri d’images d’immeubles et de chantiers…
Art, commerce et … inquiétudes
Un projet ambitieux dont le coût est estimé à 102 millions d’euros, financés par la ville de Paris, avec le soutien de la région Ile-de-France. Un projet qu’il faudra faire vivre et donc rentabiliser, d’où la mise en place d’un «pôle événementiel et économique» et l’installation de services et de commerces. Lesquels devront être articulés à la fois aux besoins du quartier (laverie-internet, boulangerie, etc.) et à la création artistique et seront installés le long de la traversée centrale du site qui, elle-même, fera le lien entre la périphérie et l’intérieur du quartier.
Un quartier en pleine rénovation, puisque le Cent-Quatre, au-delà de son ambition artistique, s’inscrit dans un projet plus global, «au service des habitants du nord-est parisien». L’intention affichée par la mairie et qui s’est déjà concrétisée par plusieurs aménagements dans l’arrondissement dont notamment la création d’un parc paysager (Cour du Maroc), inquiète un certain nombre d’habitants, parmi les plus défavorisés et mal logés. Ceux-ci redoutent les effets pervers de la réhabilitation du quartier, et en premier lieu l’augmentation du prix de l’immobilier dont la conséquence immédiate serait leur départ du quartier, plus loin encore vers la banlieue. Un phénomène qui avait vidé de sa population traditionnelle les quartiers du Marais et des Halles, lors de la construction du centre Georges Pompidou et après la destruction des pavillons Baltard. Les habitants défavorisés du XIXe arrondissement mettent en regard les 102 millions d’euros du Cent-Quatre et les 120 000 demandeurs de logements de la ville.
La mairie de son côté souligne que le budget dédié à la solidarité a augmenté de 70% de 2000 à 2007 et représente encore cette année le premier poste budgétaire, avec plus de 2 milliards d’euros, soit plus du quart des dépenses globales, tandis que le budget de la culture n’en représente que 6,5%. De préciser également que l’effort municipal en faveur des logements sociaux sera en augmentation de 10% en 2007, soit 445 millions d’euros, et qu’au moins 27 000 logements sociaux auront été financés pendant la mandature, en soulignant que l’Etat se doit également d’assumer ses responsabilités dans ce domaine.
Et puis, pour la mairie de Paris, favoriser la création artistique et l’accès à la culture relève aussi de la solidarité et il n’est pas question d’enterrer ses projets dans ce domaine.
Audio
C'est un lieu de création et de diffusion mais rien ne sera conservé. Les oeuvres seront exposés ailleurs et une fois par semaine les portes seront ouvertes au public.
04/02/2007