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Caves

Pommery Expérience #4

par Danielle Birck

Article publié le 12/04/2007 Dernière mise à jour le 12/04/2007 à 12:39 TU

Vue générale du domaine Pommery à Reims.DR

Vue générale du domaine Pommery à Reims.
DR

Dans cette capitale du champagne qu’est la ville de Reims, plusieurs domaines aux noms prestigieux et évocateurs, s’efforcent depuis plusieurs années de mettre en valeur auprès du public leur patrimoine architectural et vinicole par des actions de mécénat artistique. La Maison Veuve Clicquot-Ponsardin participe depuis quatre ans aux Journées européennes du patrimoine, en septembre, en ouvrant ses portes sur une manifestation spécifique, tandis que le domaine Pommery joue depuis 2004 sur la durée en organisant chaque année, du printemps jusqu’à l’automne, une exposition d’art contemporain baptisée Expérience Pommery. L’organisation de l’édition 2007, «L’Emprise du Lieu» a été confiée à Daniel Buren qui a fait appel à 37 artistes de nationalités différentes.

Escalier du Domaine Pommery, Reims. DR
Escalier du domaine Pommery, Reims.
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L’Emprise du Lieu, on ne pouvait trouver mieux pour l’intitulé de cette Expérience Pommery # 4. Les caves Pommery constituent en effet un lieu «qui se suffit quasiment à lui-même, souligne Claude Lévêque, un des artistes présents dans l’exposition, il est extraordinaire. C’est la magie d’un lieu… il est complètement cinématographique». A commencer par les 116 marches d’une seule volée de l’escalier monumental creusé dans la craie par lequel on accède aux 18 kilomètres de tunnels souterrains et à leurs millions de bouteilles. C’est Louise Pommery qui en 1868 décide de creuser des galeries pour relier entre elles les crayères, ces anciennes carrières gallo-romaines creusées à quelque 30 mètres de profondeur et laissant apparaître à leur sommet un peu de la lumière du ciel. Dans ces caves, le champagne «brut» qu’elle va inventer quelques années plus tard pourra être conservé à la température idéale de 10 degrés.

Des bas-reliefs à l’art contemporain

C’est à cette température et à la lueur de la bougie que le sculpteur Gustave Navler, armé de son burin, va faire sortir des parois de craie les quatre bas-reliefs monumentaux commandés par Louise Pommery. Femme de tête certes, mais peu conventionnelle – l’architecture gothique néo-élisabéthaine du domaine en témoigne – Louise est aussi très portée sur les arts. Un musée sera créé à Reims pour accueillir sa collection d’œuvres, essentiellement d’artistes de son temps. Elle fera par exemple l’acquisition de l’œuvre de Millet, Les Glaneuses, dont elle fera don à l’Etat. Les Expériences Pommery menées par les époux Vranken, propriétaires du domaine depuis 2002, s’inscrivent dans le droit fil de cette tradition de mécénat, pour  «prolonger l’entrée de l’art dans les caves, dans un lieu actif, un lieu de travail», explique Nathalie Vranken, responsable du mécénat culturel.

«Web» par Mona Hatoum. Coproduction Pommery / Galleria Continua, San Giminiano
«Web» par Mona Hatoum.
Coproduction Pommery / Galleria Continua, San Giminiano

Daniel Buren (Photo : AFP)
Daniel Buren
(Photo : AFP)

Les œuvres des artistes invités par Daniel Buren cohabitent en effet non seulement avec le lieu mais aussi avec l’activité économique qui s’y déroule. Certains artistes ont choisi de s’exprimer en fonction du lieu, d’autres en référence à l’activité économique. Daniel Buren souligne qu’il a seulement mis en garde les artistes «sur la difficulté du lieu et  les problèmes qu’il posait au niveau technique», laissant chacun créer à sa guise dans l’emplacement de son choix. «On avait un peu peur que tous veulent s’installer dans les crayères, mais finalement il y avait assez de crayères par rapport aux demandes», ajoute Daniel Buren. Deux artistes en particulier ont joué avec bonheur du volume des crayères : la Libanaise Mona Hatoum avec Web, une immense toile d’araignée en sphères de cristal transparentes, comme autant de gouttes de rosée, suspendue aux parois de la crayère, et le Japonais Tadashi Kawamata qui a inscrit sa monumentale Cathédrale de chaises, dans la cathédrale de pierre d’une crayère. Quant aux deux oeuvres du Camerounais Barthélémy Toguo, Masculin, féminin, féminin, masculin et Travel both way (voyage dans les deux sens), elles s’inscrivent à la fois dans le lieu et l’activité économique.

«Cathédrale de chaises» par Tadashi Kawamata. Production Pommery
«Cathédrale de chaises» par Tadashi Kawamata.
Production Pommery

«Le sens de la mesure, installation sonore pour 5 haut-parleurs» par Dominique Petitgand. (Photo : Danielle Birck/ RFI)
«Souterrain et la joie de vivre" d'Adel Abdessemed (Photo : Danielle Birck/ RFI)

Sollicité lui aussi, Daniel Buren signe une œuvre pérenne puisque, inspirée des bas-reliefs de Navlet, elle a creusé ses sillons verticaux dans la paroi crayeuse d’une galerie, bien dans le style de l’auteur des célèbres (et controversées) colonnes tronquées du Palais Royal à Paris. Il ne s’agit là que de quelques-unes de la trentaine d’œuvres installées dans un parcours qui offre beaucoup de surprises avant la remontée des marches et le retour à la tiédeur du cellier Carnot, «inauguré par le président Sadi Carnot au début du XXe siècle, précise Nathalie Vranken, aujourd’hui hall d’accueil des visiteurs avant les visites des caves et où, autrefois, étaient entreposés les tonneaux où le vin vieillissait». Vaste espace dans lequel, entre autres, l’artiste barcelonaise Alicia Framis a installé son Pommery Parking Club, ensemble de loisirs miniature positionné à la surface d’une masse liquide de champagne emprisonnée dans un cube de plexiglas. Tandis que l’installation  d'Abdel Abdessemed, Souterrain et la joie de vivre, y déploie des pupitres d’orchestre où s’ouvrent des partitions où le trait de l'artiste reproduit  la gestuelle du chef d'orchestre en pleine action.

«Pommery Parking Club» par Alicia Framis (Photo : Danielle Birck/ RFI)
«Pommery Parking Club» par Alicia Framis
(Photo : Danielle Birck/ RFI)
 

Veuves & Co

Louise Pommery n’est pas la seule femme dont le nom est associé à une grande marque de champagne. Il y a aussi la vénérable Veuve Clicquot-Ponsardin, qui, à la mort de son mari, prit en 1803 les rênes de la maison créée 33 ans plus tôt. Précédant Louise Pommery, qui elle aussi, avait repris l’affaire après la mort de son mari, elle fut la première femme à diriger une maison de champagne. Une maison qui appartient désormais au groupe de luxe LVMH et qui, à l’occasion des Journées européennes du patrimoine en septembre, ouvre chaque année au public le Pavillon de Muire, son site privé d’architecture Renaissance, un des rares de cette époque ayant survécu aux aléas de l’histoire de Reims et qui est classé Monument historique. En 2006, une exposition de photographies en couleur, les toute premières réalisées dès 1904 grâce au procédé des Frères Lumière, avait été présentée à cette occasion.

Quant à la maison Bollinger, c’est en pleine guerre, en 1941, que la veuve de Jacques Bollinger prend en main l’affaire fondée en 1829. Elle devancera ses principaux concurrents, après la guerre, en allant aux Etats-Unis, faire la promotion de sa marque.

Travel
Travel both way par Barthelemy Toguo.
(Photo : Danielle Birck/ RFI)