par Claire Vuillemin
Article publié le 26/06/2007 Dernière mise à jour le 26/06/2007 à 14:59 TU
Versailles, un des plus grands palais du monde, est né tout entier d’une volonté personnelle, celle de Louis XIV.
Du pavillon de chasse au palais
Roi à quatre ans, légalement majeur à treize, Louis XIV attend la mort de Mazarin en 1661 pour assumer la réalité du pouvoir que ce dernier exerçait jusque-là avec la reine Anne d’Autriche. Le jeune souverain jouit alors de deux atouts : un royaume pacifié qui est le plus peuplé du continent européen et le relatif effacement de ses principaux rivaux, qui permet à la France de jouer de fait un rôle d’arbitre en Europe. La jeunesse du roi et une grande part de la vie politique se déroulent alors au château de Saint-Germain-en-Laye. Car au début du XVIIe siècle Versailles ne consiste qu’en quelques terres acquises par Louis XIII pour se livrer plus aisément à son goût de la chasse. Très vite, Louis XIV décide de transformer le modeste pavillon de chasse construit par son père en 1624 en un somptueux palais digne de lui. A cette fin, il prend à son service les artistes les plus renommés: le peintre et décorateur Charles Le Brun et le jardinier André Le Nôtre. C’est ainsi que Versailles prend forme petit à petit et que dès son avènement, Louis XIV peut y donner des fêtes restées célèbres. Versailles sera le symbole de la toute puissance du roi Soleil.
La passion des galeries
Malgré son développement somptueux, Versailles restait un «château». Seule la construction d’une galerie pouvait lui donner enfin rang de «palais». «On a trop facilement oublié de nos jours l’importance qu’a eue jusqu’au XVIIIe siècle cette notion de galerie», souligne Jacques Thuillier, professeur honoraire au Collège de France et spécialiste de la peinture française du XVIIe siècle. C’est vrai que le mot lui-même est difficile à définir. «Il désigne, par contraste avec les lieux habités et meublés, un bâtiment réservé au décor et au divertissement. La galerie peut aussi convenir à l’exposition de portraits». La passion pour les galeries dura tout au long du XVIIe siècle en France. Œuvres des plus grands peintres de l’époque, comme Vouet, Mignard ou Le Brun et des plus grands architectes, comme l’architecte parisien Mansart, la plupart d’entre elles furent détruites lors des guerres. On sauva de justesse la Galerie François 1er au château de Fontainebleau.
Commencée en 1678, la «Galerie des Glaces» du château de Versailles avait été longuement méditée par Louis XIV et son ministre Colbert, par Jules Hardouin-Mansart, architecte, et Charles Le Brun, premier peintre du roi. Achevée en 1684, elle renferme, outre son décor de marbre, de bronzes dorés et ses 357 miroirs, un véritable chef-d’œuvre: sa voûte peinte à la gloire de la France et du roi. Elle allait constituer le cadre privilégié des grandes fêtes de la Cour.
Les miroirs : dangereux reflets de la puissance royale
«La France, au début du règne de Louis XIV, jouissait d’une expérience très ancienne et très diversifiée dans le domaine du verre», rappelle Jacques Thuillier. Pourtant, en arrivant au pouvoir, Colbert, ministre de Louis XIV, avait pris conscience que s’était créée hors du royaume une sorte de monopole, celui des glaces dites «à l’italienne», c'est-à-dire les glaces à miroirs, produites pour l’essentiel à Venise. Leur mode faisait fureur et Colbert chercha à connaître quel savoir justifiait leur renommée afin d’en réaliser l’équivalent en France. Une verrerie va voir le jour en Normandie: la commande de miroirs est faite courant 1682 et installée à Versailles en 1684.
C’est Jules Hardouin-Mansart qui dessine le plan de la Galerie avec l’emplacement des miroirs et des sculptures. Ces glaces sont dites «au mercure», d’après le procédé de fabrication qui consistait à appliquer sur du verre une décoction d’étain et de mercure mélangée à chaud. L’étain collait à la surface du verre, le mercure s’évaporait laissant une couche argentée, l’étamage. Ce procédé très onéreux et toxique à cause des vapeurs de mercure, causa la mort de nombreux ouvriers. En 1850 d’ailleurs, les glaces au mercure ont été définitivement interdites par l’Etat. Ce qui fait que lors de la restauration, il a fallu aller chercher des miroirs antérieurs à cette date, pour procéder à la rénovation d’un tiers des miroirs de la galerie.
Un des miroitier du château explique: «Cette césure de 1850 nous a obligés à utiliser des matériaux anciens qui sont irréguliers, qui ont des défauts mais qui font notre bonheur aujourd’hui. Rien à voir avec le miroir moderne. Certes les progrès techniques ont fait qu’on est arrivé à faire des glaces claires et transparentes, mais sans âme, ce qui n’est pas le cas des miroirs ici. En dehors du fait qu’ils ont réfléchi 400 ans d’Histoire, ces miroirs de verre possèdent une couleur exceptionnelle. De plus ils se sont avéré être un matériau durable rivalisant avec le bronze et le marbre».
Les fresques en nuances originelles
Les miroirs reflètent les jardins de Le Nôtre, sur lesquels ouvrent 17 portes-fenêtres qui éclairent les 73 mètres de la galerie. A l’intérieur, les miroirs reflètent les fresques de Le Brun. Exécutées à la gloire du souverain, elles représentent, sur quelque 1000 mètres carrés de toile marouflée fixée au plafond,
Les faits les plus marquants des 17 premières années du règne de Louis XIV. Au fil des siècles, le fond des fresques avait viré au jaune. On retrouve aujourd’hui avec bonheur l’extraordinaire bleu lapis-lazuli originel. Pour cela, il a fallu décrasser, consolider, fixer à nouveau, combler les manques, réparer les erreurs de restaurations précédentes. Un travail difficile qui a mobilisé une quarantaine de restaurateurs pour retrouver l’éclat et les nuances chromatiques imaginées par Le Brun. Mêmes difficultés pour les lustres, qu’il a fallu nettoyer pièce par pièce. Quant à l’installation électrique, elle a été refaite complètement.
Tout cela n’aurait pas été rendu possible sans une mobilisation sans précédent de savoir-faire, de fonds et un partenariat public-privé. C’est la première opération de restauration d’un monument historique pilotée par une maîtrise d’ouvrage privée sous contrôle d’institutions publiques. Au titre du mécénat de compétences, l’entreprise Vinci a pu financer (12 millions d’euros) et faire restaurer entièrement la Galerie en trois ans (2004-2007) sans jamais la fermer complètement au public. Un défi quand on sait que la Galerie des Glaces accueille en moyenne 3 millions de visiteurs par an.