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Patrimoine

Le monstre de la forêt de Milly

par Marion Urban

Article publié le 11/07/2007 Dernière mise à jour le 11/07/2007 à 21:03 TU

<em>Le Cyclop</em>. Milly-la-forêt.(Photo : Tadashi Ono)

Le Cyclop. Milly-la-forêt.
(Photo : Tadashi Ono)

Le Cyclop est une sculpture monumentale qui se cache dans la forêt de Milly, dans les environs de Paris. Haute de 22,5m, elle est née de l'imagination de l'artiste suisse, Jean Tinguely et de sa femme, Niki de Saint Phalle, qui y travaillèrent pendant 20 ans, avec une quinzaine de leurs amis. Un livre, Le Cyclop, coédité par le Centre national des arts plastiques et isthme éditions, raconte l'histoire du projet et de sa réalisation.

Comme la plupart des œuvres de Jean Tinguely, la tête du Cyclop, qui se dresse dans une clairière ornée de quatre chênes, dans la forêt de Milly (Essonne), était prévue pour disparaître, mangée par la nature. Mais, aujourd’hui, l’association du Cyclop, chargée par l’État de son entretien, a clos le terrain et garde un œil sur la sculpture. Le public peut la visiter, sous contrôle.

Une oeuvre clandestine

Jean Tinguely et sa femme Niki de Saint Phalle, qui s’étaient installés dans les environs de Milly, achètent une parcelle dans la forêt, non constructible.

Depuis plusieurs années, ils cherchent à construire une sculpture monumentale. Leurs différents projets ne trouvent pas de commanditaires. Ils décident de la financer eux-mêmes.

L'<em>Oreille</em> de Bernhard Luginbühl.<br /><em>Le&nbsp;Cyclop</em>. Milly-la-forêt.(Photo : Marion Urban/ RFI)

L'Oreille de Bernhard Luginbühl.
Le Cyclop. Milly-la-forêt.
(Photo : Marion Urban/ RFI)

Les premiers travaux débutent dans les années 70, en toute illégalité. 

Le ferrailleur du coin, qui leur livre leur matériel de base, emprunte des chemins détournés pour rejoindre le site afin de ne pas attirer l’attention des pouvoirs publics.

L’idée était de bâtir une œuvre d’art ludique, interactive, abritant des créations d’artistes amis.


Dès les premiers croquis, la sculpture prend la forme d’une tête énorme, flanquée d’une oreille mobile qui écoute les bruits de la forêt. Ses structures intègrent les arbres de la clairière. Les pensées de la tête roulent comme des billes. La langue qui pend jusqu’au sol est un toboggan pour les enfants. Sur le toit, un plan d’eau veut refléter le ciel, en hommage au peintre, Yves Klein.

Une joyeuse équipe

Dans la bouche du <em>Cyclop</em>.<br />Milly-la-forêt.(Photo : Marion Urban/ RFI)

Dans la bouche du Cyclop.
Milly-la-forêt.
(Photo : Marion Urban/ RFI)

Jean Tinguely et Niki de Phalle sont les piliers de la Tête. Ils aiment « s’épater mutuellement » comme le raconte Virginie Canal, auteur du livre sur l’histoire du Cyclop.

C’est Niki qui transforme l’idée de la Tête en monstre mythologique, le Cyclop, avec son œil unique, doré, perçant les feuillages des arbres.

Bernhard Luginbühl et Rico Weber, puis le soudeur, recruté sur petite annonce, Seppi Imhof débarquent sur le chantier. Assistants et artistes forment une communauté de coeur.

Jean Tinguely veille personnellement à ce que tout son petit monde soit vacciné contre le tétanos. « Dans la bonne humeur, cette petite équipe érigea lentement, à la force des bras, cette énorme sculpture (…) Chacun oubliait ses problèmes et créait pour l’amour de l’art. il n’était plus question d’argent, de critiques, de jugements de valeur. Ce monstre pourrait plaire ou déplaire. Qu’importe ! »

<em>La Jauge</em> de Jean-Pierre Raynaud.<br /><em>Le Cyclop</em>. Milly-la-forêt.

La Jauge de Jean-Pierre Raynaud.
Le Cyclop. Milly-la-forêt.

Daniel Spoerri, réalisateur de tableaux-pièges, restaurateur, inventeur du eat art (manger-art), installe sa « Chambre » et son « Restaurant » Spoerri dans les étages du Cyclop.

Jean-Pierre Raynaud plante son immense jauge en métal, à l'entrée de la sculpture.

La peintre et sculpteur, Eva Aeppli, l’ex-femme de Jean Tinguely, place un wagon à bestiaux, à 15m au-dessus du sol. 

À l’intérieur, des sculptures en tissu cousu, figurant les déportés de la Deuxième Guerre mondiale.

Les pénétrateurs

Au début des années 80, le Cyclop est victime de vols et de déprédations. Les installations de Daniel Spoerri sont détruites.

Le Marteau et la Dame-jeanne. Le Cyclop. Milly-la-forêt. Découvrez le théâtre animé, en <a href="http://www.rfi.fr/francefr/articles/091/article_54156.asp" target="_blank">cliquant ici</a>.(Photo : Marion Urban/ RFI)

Le Marteau et la Dame-jeanne. Le Cyclop. Milly-la-forêt. Découvrez le théâtre animé, en cliquant ici.
(Photo : Marion Urban/ RFI)

Jean Tinguely essaie de ruser, en créant des fausses portes. Il place des mottes de terre dans les recoins, éparpillent des herbes pour faire croire à l’abandon de la sculpture. Rien n’y fait. Découragé, l’artiste songe alors à la déplacer dans le parc de Saint-Cloud.

En 1987, après maintes polémiques sur le déménagement, l’État français accepte de prendre en charge le Cyclop. Il restera à Milly-la-Forêt, à l'abri des pénétrateurs, dans un enclos surveillé.

Le Cyclop inscrit au patrimoine français

Jean Tinguely, dont la santé s’est détériorée, surveille de loin les travaux qui ont repris. Niki de Saint Phalle recouvre la tête du Cyclop de miroirs brisés. « La Tête, qui à l’origine était destinée à avoir une existence sauvage, non identifiable, pas du tout officielle (…) c’est devenu la France glorieuse, avec des miroirs très chics, bien peinte, bien entretenue, avec des toilettes pour mecs et nanas, climatisation, chauffage, système d’alarme, gardiennage », semble regretter le père du Cyclop.

Jean Tinguely disparaît le 30 août 1991.

Le <em>Pénétrable sonore</em> de Jesus Rafael Soto. <em>Le Cyclop</em>. Milly-la-forêt.<br />Découvrez&nbsp;le <em>Pénétrable&nbsp;sonore</em>,<a href="http://www.rfi.fr/francefr/articles/091/article_54121.asp" target="_blank"> en cliquant <em>ici</em>.</a>(Photo : Marion Urban/ RFI)

Le Pénétrable sonore de Jesus Rafael Soto. Le Cyclop. Milly-la-forêt.
Découvrez le Pénétrable sonore, en cliquant ici.
(Photo : Marion Urban/ RFI)

Les contributions de Arman, César, Larry Rivers, Jesus Rafael Soto, Giovanni Podesta et Pierre Marie Lejeune prennent place dans le Cyclop, sous la supervision de Niki de Saint Phalle. 

Philippe Bouveret achève la pièce du Théâtre animé que Jean Tinguely n'a pu terminer.

En 1994, le Cyclop est ouvert au public.