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Courrier

Sur les traces de La Ligne

par Claire Vuillemin

Article publié le 17/08/2007 Dernière mise à jour le 17/08/2007 à 16:10 TU

Installer des lieux de mémoire sur « la Ligne » de l’aéropostale inaugurée en 1918 par Mermoz et Saint-Exupery, entre Toulouse et Santiago du Chili, c’est le but que s’est fixé l’association « Mémoire d’aéropostale », créée en 2004 par un petit groupe de bénévoles, tous passionnés par l’aventure de l’aviation postale. Après le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal, c’est au tour de l’Uruguay et de l’Argentine d’accueillir deux nouveaux musées pour rendre hommage à ces pionniers et à leurs avions.

Henri Guillaumet, Antoine de Saint Exupéry et Jean Mermoz, pionniers de l'Aéropostale.© Collection Musée Air France. DR

Henri Guillaumet, Antoine de Saint Exupéry et Jean Mermoz, pionniers de l'Aéropostale.
© Collection Musée Air France. DR

L’Aéropostale a engendré ses héros, devenus quelques décennies plus tard, des mythes : les Français Mermoz, Saint-Exupéry, Guillaumet, mais aussi les Argentins Vicente Almandos de Almonacid, Ficcarelli… Leurs appareils, les « Breguet 14 » et autres « Arc-en-ciel » ou « Potez 25 » sont eux aussi entrés très vite dans la légende de l’aviation.

Les tout récents musées de Montevideo et de Buenos-Aires, mis en place par l’association « Mémoire d’aéropostale » retracent cette double aventure des hommes et de leurs avions. « Nous voulions absolument évoquer le souvenir de ces pilotes qui ont permis, au lendemain de la Première Guerre Mondiale, le transport du courrier entre la France, l’Afrique occidentale et l’Amérique du Sud, explique Catherine Gay, Présidente de l’association. Outre la biographie de Pierre Georges Latécoère, Marcel Bouilloux-Lafont, avionneurs de renom, nous retraçons la vie des pilotes et ingénieurs qui travaillaient à leurs côtés ».

Une large part de l’exposition est consacrée également à la philatélie et à la création artistique des timbres qui évoquent l’aviation postale. « Il y a également des documents d’archives, des exemplaires de journaux de cette époque de l’Aéropostale qui n’aura finalement duré que quinze ans, née dans les espérances de l’après première Guerre mondiale et qui symbolise avant tout une grande aventure humaine»

Une grande aventure humaine

Les musées de Montevideo et de Buenos-Aires ont été précédés de plusieurs autres. « Nous avons ouvert notre premier musée au Maroc à Tarfaya (ex Cap-Juby), où Antoine de Saint-Exupéry a été chef d’escale en 1928. Sur la route, c’est le désert et il y a un panneau indiquant en français, en anglais et en arabe la présence du musée Antoine de Saint-Exupéry», rappelle Catherine Gay. Ont ensuite suivi les musées de Nouadhibou (ex Port Etienne) en Mauritanie et de Saint-Louis du Sénégal. En novembre prochain, sera inauguré celui d’Oran, en Algérie. Un autre est prévu en Espagne, à Sabadell, près de Barcelone. Un autre encore à Santiago du Chili au début de l’année 2008.

© Collection Musée Air France. DR

© Collection Musée Air France. DR

« Nous allons également participer à l’année de la France au Brésil en 2009 en créant une exposition permanente  dans le Musée Santos-Dumont à Rio de Janeiro, annonce la présidente de « Mémoire d’Aéropostale. Puis en 2010, la grande aventure de l’aéropostale sera bien sûr racontée au futur parc à thème de Montaudran à Toulouse. Il ne faut pas oublier que l’aviation postale est née en France, à l’aérodrome de Montaudran précisément, en 1918 ».

L’idée folle de Pierre Georges Latécoère

A la fin de la Première Guerre Mondiale, après avoir fabriqué des centaines de chasseurs,  l’avionneur Latécoère, basé à Toulouse, s’inquiète de la reconversion de sa société. Que faire avec des avions en temps de paix ? Que transporter ? Pourquoi pas du courrier. C’est ainsi que naît l’idée d’une ligne aérienne partant de la France pour atteindre l’Espagne, puis le Maroc et l’Afrique Occidentale.

Barcelone est la première ville à être desservie par « la Ligne », cette nouvelle ligne aérienne de transport de courrier, le 25 décembre 1918 au départ de l’aérodrome de Montaudran. De jeunes pilotes un peu fous, dont Jean Mermoz et Antoine de Saint-Exupéry, naviguent sans radio ni informations météo au dessus de territoires souvent inhospitaliers. Toujours au départ de Montaudran, ils chargent leurs avions de sacs de courrier puis s’envolent pour Alicante, Rabat, Casablanca et Dakar. Une pure folie quand on pense qu’il faut pour rejoindre Dakar, survoler 2000 Km de désert, dans une contrée où la population échappe en grande partie au contrôle du colonisateur.  

Avions mythiques et éthique aéropostale

Une lettre à destination du Brésil redirigée vers l'Urugay, par avion bien sûr !© Collection Musée Air France. DR

Une lettre à destination du Brésil redirigée vers l'Urugay, par avion bien sûr !
© Collection Musée Air France. DR

En mai 1923 trois petits avions, des Breguet 14, atteignent le Sénégal. Mais avant de créer une ligne régulière, il faut aménager des escales pour tenir compte de la faible autonomie et de la fragilité des avions. Cap Juby et Port Etienne sont retenus.

Pour des raisons de sécurité, on décide d’assurer les vols à deux avions, l’un étant susceptible de secourir l’autre en cas de panne en territoire hostile. Outre les pilotes, chaque expédition emmène un mécanicien et un interprète. Dès le début, la Ligne s’avère meurtrière, mais les pilotes se font un devoir d’acheminer le courrier coûte que coûte. Dans Courrier Sud, qu’il écrit à Cap Juby en 1928, Saint-Exupéry note : «  L’Aéropostale est une sorte de civilisation à part où les hommes se sentent plus nobles qu’ailleurs ». Tandis que Jean Mermoz déclare : « Nous ne battons pas de record, nous ne sommes pas les héros de raids de grande envergure, chaque jour, nous acheminons le courrier vers un point précis… ».  

C’est lui qui ouvre « la Ligne » entre la France et l’Amérique Latine, avec la première liaison entre Paris et Santiago du  Chili, en franchissant la tant redoutée cordillère des Andes, où Henri Guillaumet, a failli disparaître en 1930. Son avion, un Potez 25, s’écrase à 3280 mètres d’altitude. Il échappera à la mort après une marche de cinq jours dans la neige et le froid. Jean Mermoz ouvrira ensuite la ligne Afrique-Amérique du Sud. Le 7 décembre 1936, il disparaît au large de Dakar, à bord de son hydravion « Croix-du-Sud ».

Entre temps, la Compagnie générale aéropostale, créée en 1927, a été rachetée par Air France en 1933. Air France qui à l’occasion des 80 ans de la Compagnie retrace sur son site l’épopée de l’aéropostale, avec des documents d’archives. 

Portrait de groupe des personnels et pionniers de la Cie Aéropostale au Cap Juby en 1927. De droite à gauche : Mermoz, Riguelle, Guillaumet, un soldat et Bougnère.© Collection Musée Air France. DR

Portrait de groupe des personnels et pionniers de la Cie Aéropostale au Cap Juby en 1927. De droite à gauche : Mermoz, Riguelle, Guillaumet, un soldat et Bougnère.
© Collection Musée Air France. DR