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Mode

« Dior : 60 années Hautes en Couleurs »

par Danielle Birck

Article publié le 27/08/2007 Dernière mise à jour le 27/08/2007 à 15:05 TU

Ga-Ya-San : robe du soir Christian Dior par John Galliano.(Photo : Guy Marineau)

Ga-Ya-San : robe du soir Christian Dior par John Galliano.
(Photo : Guy Marineau)

Le 12 février 1947, avec sa première collection de haute couture, Christian Dior lance le style New Look. Une véritable révolution dans la mode et le succès pour la maison Dior fondée l’année précédente. Un succès qui ne se démentira pas, au fil des créateurs qui vont prendre le relais, après la mort du couturier en 1957. De Yves Saint-Laurent à John Galliano, le « style » Dior va continuer à imprimer sa marque dans le monde de la mode, sachant se renouveler tout en restant fidèle. Une cohérence que met en évidence l’exposition « Dior : 60 années Hautes en Couleurs », actuellement présentée dans la maison natale de Christian Dior à Granville, transformée en musée.

Il y a deux façons d’arriver au musée Christian Dior, par la ville ou le bord de mer. Si on choisit la seconde, on sera récompensé de l’effort qu’exige l’escalier creusé au flanc de la falaise par la vue splendide qu’on découvre une fois au sommet. Car la maison natale de Christian Dior est plantée sur un bout de falaise, exposée aux quatre vents. Construite en 1895, par un armateur de bateau, - à qui elle doit son nom, « Les Rhumbs », en référence aux 32 facettes d’une rose des vents - elle est acquise par la famille Dior en 1906. Une maison que la mère de Christian Dior va entièrement réaménager et décorer au gré des courants plus ou moins exotiques en vogue à Paris. La capitale dont elle rapporte aussi la dernière mode vestimentaire. Elle va aussi entourer la maison d’un jardin fleuri, à l’abri d’un bois de pins.

(Photos : Danielle Birck / RFI)

(Photos : Danielle Birck / RFI)

De la couleur, avant toute chose…

Toute une atmosphère dans laquelle baigne Christian Dior dès sa plus tendre enfance et qui contient en germe tout ce qui va former son goût et nourrir son esprit créatif. Comme « la passion des fleurs et des plantes, qui va lui venir très tôt, souligne Vincent Leret, chargé du patrimoine à la Maison Christian Dior. Il va lui-même par la suite créer un espace paysager, juste à côté de la maison, la pergola, prolongée par un roseraie, très belle au mois de juin ». On peut dire que cette pergola « est un peu la première création artistique de Christian Dior ».

Christian Dior© Musée Christian Dior

Christian Dior
© Musée Christian Dior

La Maison sera rachetée par la ville en 1938 à la suite de graves revers de fortune de Dior père et le jardin deviendra un parc public. Tandis que l’association « Présence de Christian Dior », créée en 1993,  gère le musée et les expositions estivales qui s’y tiennent depuis maintenant dix ans.
Une exposition qui célèbre cette année 60 ans de création de la maison Dior au travers de modèles et accessoires qui présentent les grands jalons des 121 collections Haute couture de la maison Dior depuis 1947, réalisées par Dior et les quatre créateurs qui lui ont succédé : Yves Saint-Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferré et John Galliano. C’est la couleur qui a guidée l’organisation de l’exposition dans laquelle nous guide Vincent Leret, commissaire associé.  

« J’ai choisi le thème de la couleur, parce que j’ai pensé qu’il pouvait servir de fil conducteur, de Christian Dior à John Galliano, avec une grande cohérence et témoigner de l’attachement à certains codes d’élégance. Cela permettait aussi de toucher à ce que la couleur peut avoir d’intime pour chacun des créateurs. A commencer par Christian Dior, avec le rose et le gris présentés au rez-de-chaussée et qui renvoient directement au crépi de sa maison d’enfance, à ses deux couleurs favorites, le rose clair et le gris perle. Le bleu, qu’on voit au premier étage, renvoie lui aussi à  Granville, avec le code des uniformes marins que Dior a décliné dans ses différentes collections, et qu’a repris, en particulier, Gianfranco Ferré. La pièce noire est elle véritablement ‘ couture’ : Dior rêvait d’écrire un livre sur le noir, John Galliano y rend hommage dans toutes ses collections, et il en va ainsi de toutes les couleurs jusqu’au blanc, qui consacre le défilé, et donc aussi la fin de l’exposition ».

Trafalgar et cosmopolitisme

© Musée Christian Dior / Photo : Ludovic Leguyader

© Musée Christian Dior / Photo : Ludovic Leguyader

Sans oublier le rouge, très important, que Dior utilisait pour ponctuer ses défilés. « Les défilés étaient à l’époque très longs, explique Vincent Leret. Il y avait entre 150 et 200 modèles,  et le rouge servait, comme le disait Christian  Dior, de ‘ Trafalgar’ pour les animer. Cinquante ans plus tard, John Galliano traite le rouge comme une couleur théâtrale, une couleur opéra, et ses défilés comme des shows. On a là une continuité »

La précédente exposition s’intitulait Christian Dior et le monde. Elle mettait en relation les influences de jeunesse, avec notamment tous les courants esthétiques  apportées par la mère du couturier dans la maison normande et qui ont ouvert  celui-ci à d’autres cultures.

 

John Galliano(Photo : Danielle Birck / RFI)

John Galliano
(Photo : Danielle Birck / RFI)

«Et quand on voit le parcours de John Galliano, né à Gibraltar, jeune immigrant à Londres, dans un quartier populaire aux côtés de  Pakistanais, d’Indiens… constate Vincent Leret,  il est évident que lui aussi a baigné dans un milieu  cosmopolite et qu’il va internationaliser son langage par le biais de l’emprunt à différentes cultures, du kimono au sari, en passant par le caftan… Une parfaite cohérence en matière de création, une assimilation parfaite des propres goûts de Christian Dior, avec, et c’est la différence qu’il va apporter, une touche délibérément sexy. Et je crois que c’est cela qui fait la force de John Galliano ».

En opposition, peut-être, au « long fleuve tranquille » de la période Marc Bohan. Elève, comme Yves Saint-Laurent, de Christian Dior, créateur maison pendant presque trente ans, de 1960 à 1988,  il est paradoxalement assez peu connu du grand public. Marc Bohan est pourtant à l’initiative de Baby Dior, pour les enfants, dont la marraine officielle sera Caroline de Monaco, de Dior Monsieur qui va devenir ensuite Dior Homme. Il va recevoir deux dés d’or pour ses réalisations, habiller grands de ce monde et stars de cinéma. « S’il est moins connu que Yves Saint-Laurent ou John Galliano,  explique Vincent Leret, peut-être cela tient-il au fait que les années 1960/70 et 80, ont aussi connu l’émergence de talents comme Cardin (élève de Dior, également), Paco Rabanne, Jean-Paul Gautier, lesquels ont tenu le haut de l’affiche pendant ces décennies et ont un peu dilué l’influence manifeste et très importante de Marc Bohan sur la mode dans ces années-là ». Rappelons que Marc Bohan, pour sa première collection, a lancé le Slim Look …

New Look

On ne peut pas parler du style » Dior, sans parler de celui qui l’a propulsé au premier rang,  le « New Look »,  au sortir de la guerre. Une véritable révolution … « et le terme n’est pas du tout abusif, souligne Vincent Leret. En 1945 la France est libérée, mais à genoux, et la mode, avec ses épaules carrées, ses chapeaux ridicules, ses jupes à godets au-dessus du genou  ne sublime absolument pas la femme et encore moins son corps.  En février 47, on n’est qu’à quelques mois de la libération totale de la France, les tickets de rationnement ont encore cours, on manque de matières premières. Et c’est dans ce contexte que Christian Dior va présenter sa collection Haute-Couture le 12 février, dans un océan de fleurs alors que la température oscille entre - 7 et -8 ! Une mode somptueuse, riche en matières, certains modèles auront demandé plus de 40 mètres de tissu ». Un coup de poker qui va changer la face de la mode occidentale. Une mode qui, grâce aux « petites mains » et couturières dans les villes et villages, va bien vite gagner la rue et, de l’ouvrière à la tête couronnée, toutes les femmes vont s’habiller en New Look.

© Musée Christian Dior / Photo : Ludovic Leguyader

© Musée Christian Dior / Photo : Ludovic Leguyader

Le New look c’est ce qui a fait connaître Dior et fait son succès à ses débuts. Mais si la maison Dior a réussi à se maintenir, à se renouveler à travers des  créateurs français, italien ou hispano-britannique qui se sont succédé, c’est déjà parce que Dior, de 1947 à 1957, avait su renouveler son style. « Et la collection la plus intéressante, à ce niveau là, c’est la collection automne-hiver 1954/55, indique Vincent Leret. La collection H, qui est l’exact contraire de la collection New Look, puisque celle-ci dessine en quelque sorte un X  (hanches et épaules arrondies, taille très fines, la poitrine mise en valeur) tandis que la ligne H circonscrit le corps dans deux barres parallèles qui vont amoindrir le buste, la silhouette, quelque chose de ligneux ». Cette même année marque aussi le retour de Gabrielle Chanel sur la scène de la haute couture, avec son  fameux tailleur Chanel. « Pourtant il va être complètement éclipsé par la collection H, nouvelle révolution de la Maison Dior ».

Couleurs et fragrances

Haute en couleur, cette collection 1954/55 l’est aussi avec le premier rouge à lèvre Dior, avec une gamme du rouge vif au rouge orangé. Là encore, Dior se trouve en phase avec l’époque, puisque la presse magazine, elle aussi, s’est mise à la couleur, et offre un support de choix à la publicité pour les cosmétiques. « Et comme pour les parfums le luxe va accompagner le packaging », souligne Vincent Leret, qui insiste sur le fait que le créateur de Miss Dior, le premier parfum lancé en 1947 est « un Granvillais, lui aussi né en 1905, un ami d’enfance de Christan Dior. Ils jouent ensemble dans le jardin et ont le même souvenir des parfums chyprés de leur enfance. Ils ont le même nez  et ‘ Miss Dior’ c’est le chypre vert de leur enfance ». 1969 marque un tournant pour Christian Dior Parfum, avec le lancement d’une gamme complète de maquillage, baptisée Explosion de couleurs. La couleur, décidément….