par Danielle Birck
Article publié le 14/09/2007 Dernière mise à jour le 06/01/2009 à 11:43 TU
Conservateurs et restaurateurs jouent un rôle essentiel dans la préservation, la mise en valeur et la transmission du patrimoine. Conserver, mais aussi favoriser le partage des œuvres avec le public le plus large, c’est la tâche du conservateur. Le restaurateur, lui, a la responsabilité d’intervenir sur la matière des œuvres et des objets ayant une valeur patrimoniale. Ce qui nécessite des connaissances très diversifiées allant de la culture historique à la chimie des matériaux, de la connaissance des techniques anciennes à la maîtrise des technologies les plus modernes. C’est aussi un travail qui requiert à la fois sens artistique, modestie et esprit d’équipe. Juliette Lévy est restauratrice de sculptures auprès des musées nationaux et responsable de la section sculpture du département des restaurateurs à l’Institut National du Patrimoine. Danielle Birck l’a rencontrée pour RFI.
RFI : Comment définiriez-vous votre métier de restauratrice, plus particulièrement dans la sculpture qui est votre domaine ?
JULIETTE LEVY : La sculpture c’est extrêmement vaste… en raison tout d’abord de l’étendue des matériaux, de la pierre, du bois, de la terre – crue ou cuite- aux matériaux plastiques… Je mets à part le métal qui ne fait pas partie de la section sculpture à l’INP, mais, avec la céramique, de la section « arts du feu ». Chaque pays a sa manière de regrouper les spécialités. Variété des matériaux, mais aussi des échelles : on peut travailler sur de minuscules objets en ivoire comme sur des portails monumentaux de cathédrales, ou dans la rue pour enlever des graffiti sur des sculptures. On peut même être amené à travailler, quand il s’agit d’art contemporain, sur des œuvres qui ne sont plus vraiment des sculptures, des installations éphémères.
RFI : Des interventions variées auxquelles correspond une formation très diversifiée, elle aussi ?
J.L. : Tout à fait. On essaye à l’INP de former des étudiants pour qu’ils soient capables d’aborder des cas extrêmement différents. Mais il est évident qu’un restaurateur ne peut pas tout faire : il est amené à se spécialiser, selon ses goûts ou selon les circonstances. Certains travaillent surtout sur des chantiers en extérieur, d’autres dans des ateliers de musées. Prenons mon cas : Je suis spécialisée dans les sculptures polychromées - c'est-à-dire peintes - et en ivoire. J’ai fait mon diplôme sur l’ivoire parce que ça me tentait et qu’il n’y avait pas beaucoup de restaurateurs dans ce domaine et j’y ai très vite travaillé. Ce n’est pas vraiment cloisonné, mais chacun a son domaine.
RFI : On peut dire aussi que c’est souvent un travail d’équipe ?
J.L. : Bien sûr. C’est de toute façon un travail d’équipe. Même un restaurateur qui travaille dans son atelier sous binoculaire, sous microscope, a derrière lui un laboratoire, des historiens de l’art, des conservateurs avec lesquels il est en dialogue constant. De plus, un restaurateur ne prend jamais lui-même les décisions. En France, c’est le conservateur qui oriente le choix final de la restauration. Donc ce n’est jamais un restaurateur isolé, et ça ne doit pas l’être.
RFI : Quand décide-t-on qu’une pièce doit être restaurée, et dans quelle limite elle doit l’être ?
J.L. : C’est évidemment très variable en fonction des œuvres et du contexte dans lequel aura lieu l’intervention, des motifs de celle-ci, si c’est pour une exposition ou pour un transfert. Dans ce dernier cas il s’agit davantage de conservation que de restauration, alors que pour une exposition on ira beaucoup plus loin. Cela varie aussi en fonction du budget. Mais de toute façon, on s’arrête toujours à un certain moment, on ne peut jamais revenir à l’état originel de l’œuvre. La restauration essaye éventuellement de s’en rapprocher, mais jamais d’y revenir, puisque quand on restaure on prend en compte toute l’histoire d’un objet qui a vécu et l’on est d’ailleurs rarement les premiers restaurateurs à l’avoir entre les mains. On peut se contenter d’opérations de conservation qui ne visent qu’à freiner le processus de dégradation des œuvres, ou entreprendre des opérations véritablement de restauration, comme le nettoyage, par exemple.
RFI : Des exemples d’œuvres sur lesquelles vous êtes intervenue ?
J.L.: J’ai travaillé sur des ivoires préhistoriques du musée de Saint-Germain-en-Laye. Certains étaient d’ailleurs en ivoire de mammouth, et c’était assez impressionnant d’avoir de tels objets entre les mains, datant de quelque 25 000 ans avant l’ère chrétienne. Des objets dont on ne cherche absolument pas à modifier l’aspect, en revanche, pour essayer de les apprécier encore mieux, on retire souvent les anciennes restaurations qui masquent leur surface. Or chaque millimètre carré est important pour les archéologues qui observent au microscope la moindre trace de pigment ou de coup d’outil grâce auquel les tracéologues arrivent même à comprendre l’ordre dans lequel l’objet a été façonné, ou bien par quel animal l’ivoire a été mâchonné. C’est absolument extraordinaire ! La moindre trace est un signe permettant d’interpréter l’œuvre et c’est là-dessus qu’on intervient.
Je suis intervenue sur des œuvres complètement différentes, comme Notre-Dame de Grasse, une sculpture de la fin du XVe siècle, une vierge à l’enfant, du musée des Augustins à Toulouse. Elle avait été repeinte quatre fois à différentes époques, comme cela arrive souvent pour des œuvres dans des lieux de culte et on nous a demandé d’étudier la polychromie pour voir si on pouvait retrouver la polychromie originale. Et c’est ce que nous avons fait au microscope, à quatre, avec l’aide et le soutien, bien sûr, du laboratoire des musées de France et d’une équipe de conservateurs et d’historiens de l’art qui nous ont beaucoup apporté en établissant des comparaisons avec des œuvres proches de celle sur laquelle nous intervenions. On a donc retiré, comme des peaux d’oignons, les couches successives de peinture et retrouvé non seulement les couleurs originales, avec leur sens, mais aussi le relief initial, puisque les couches de peinture finissent par empâter les volumes. Des volumes qu’on a pu lire très différemment. C’est un exemple de restauration où l’on va très loin, mais avec des limites, puisque, en cas de manques de polychromies ou de cassures, on ne repeint pas et on ne comble pas. Sauf quand cela s’avère nécessaire pour la conservation de l’œuvre et la décision est prise alors avec les conservateurs.
RFI : Vous êtes intervenue aussi sur des sculptures de Daumier, les Célébrités du juste milieu, qui ont fait l’objet d’une exposition en 2005 au Musée d’Orsay à Paris …
J.L. : Oui, 36 bustes que Daumier a modelés en terre crue sur laquelle il a peint directement. Donc des œuvres qui n’étaient pas a priori destinées à être conservées, mais qui depuis le XIXe siècle avaient été repeints plusieurs fois. Là aussi, sur une dizaine de bustes, on est allé rechercher la polychromie originale.
RFI : Ce qui montre que le travail de restauration a beaucoup évolué…
J.L. : … aussi bien dans les moyens scientifiques – laser, gel - dont disposent les restaurateurs, que ceux dont disposent les laboratoires pour l’analyse des œuvres avant la restauration, avec les radiographies, la photographie infrarouge, etc.
RFI : Comment devient-on restaurateur ou restauratrice ?
J.L. : En fait, c’est très personnel : chacun a un parcours très différent. Beaucoup aujourd’hui ont fait des études d’histoire de l’art, à l’université ou à l’école du Louvre. Il faut bien sûr avoir des compétences artistiques, savoir dessiner, parce qu’en fait ce qui compte, à mon avis, et que j’essaye d’apprendre à mes étudiants, ce ne sont pas tant les techniques de restauration – qu’il faut connaître bien sûr – c’est le regard, pour apprendre où s’arrêter, ou arrêter son geste de restauration. Il faut avoir un regard très sensible parce que les moyens de restauration évoluent et comme les restaurateurs ne peuvent pas tout apprendre, surtout en sculpture, c’est la qualité du regard qui importe.
RFI : quel a été votre parcours personnel ?
J.L. : En fait, j’ai toujours dessiné, mais je n’avais pas du tout envie d’être artiste. Un restaurateur n’est pas un créateur, et ce sont même deux démarches opposées. Le restaurateur rentre dans la création de quelqu’un d’autre. Donc, à dire vrai, je ne savais pas quoi faire et c’est mon père qui en a eu l’idée, en voyant un jour des personnes en train de restaurer des peintures murales dans une église. Et ça a été le déclic : ça correspondait exactement à ce que je voulais. Je me suis d’abord inscrite à l’université que j’ai vite abandonnée, puis j’ai travaillé trois ans chez un restaurateur tout en faisant l’école du Louvre. Et en 1978 j’ai passé le concours de l’Institut français de restauration des œuvres d’art, l’IFROA, qui venait d’être créé. La France était assez en retard dans ce domaine par rapport à d’autres pays européens. Et l’est toujours d’ailleurs en ce qui concerne les restaurateurs attachés au suivi des collections dans les musées : il n’y en a pratiquement pas, et c’est regrettable, tout particulièrement en ce qui concerne le patrimoine.portrait
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A 41 ans, le chef lyonnais (d’adoption) a repris le restaurant mythique de la Mère Brazier, créé en 1921 et qui a conservé pendant une trentaine d’années les trois étoiles acquises en 1933. Une véritable institution que Mathieu Viannay a entièrement rénovée et entend faire revivre entre tradition et modernité, en toute liberté mais avec rigueur.
Un pari réussi, puisque le guide Michelin vient de rendre à la Mère Brazier deux de ses trois étoiles...09/03/2009 à 15:38 TU
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