par Claire Vuillemin
Article publié le 19/10/2007 Dernière mise à jour le 19/10/2007 à 15:50 TU
Voisin de l’Institut de France et de sa coupole, sur la rive gauche de la Seine, L’Hôtel de la Monnaie au 11 Quai de Conti se distingue par sa façade massive de près de 120 mètres de long et 30 mètres de hauteur, sur laquelle flotte le drapeau français. Edifié entre 1770 et 1775, c’est l’un des plus grands édifices construits au cœur de la ville sous le règne de Louis XV. Conçu pour être l’atelier de monnayage de la monarchie, il constitue l’un des rares exemples d’architecture quasi industrielle de cette période, avec des hauteurs de plafond permettant l’installation de grosses machines dans les ateliers. Œuvre de l’architecte Jean-Denis Antoine, « l’ensemble s’apparente un peu aux Salines royales d’Arc-et-Senans, dans le département du Doubs, explique Christophe Beaux, Président Directeur Général de la Monnaie de Paris, avec la même inspiration industrielle et rationaliste de cette fin du XVIIIe siècle ».
Une activité de plus en plus concurrentielle
Avec ses ateliers de gravure et sa fonderie, l’Hôtel de la Monnaie poursuit encore aujourd’hui son travail du métal, avec la production de monnaies de collection, de médailles, de décorations et de fontes d’art : « C’est une sorte d’exception industrielle » poursuit Christophe Beaux, « et une identité de marque très forte. Pour les marchés à l’exportation, qui représentent environ 45% de notre chiffre d’affaires, le fait de s’appeler Monnaie de Paris et d’avoir une partie de la production au cœur de la capitale, a un très fort impact marketing ».
La production de masse, comme la monnaie courante, s’effectue dans l’usine de Pessac en Gironde, dans le sud de la France, qui a ouvert ses portes dans les années 1970. «Nous apportons à l’économie française un élément clé qui est sa monnaie métallique. Nous fabriquons environ un milliard et demi de pièces de monnaie par an dans notre usine de Pessac. A raison de dix millions de pièces de monnaie fabriquées par jours ouvrables, c’est vraiment une activité de masse, de productivité ». Nommé en avril dernier, Christophe Beaux est bien conscient de l’atout du site parisien et veut en faire un levier pour aller encore plus loin. Car si d’autres pays de la zone euro, comme le Luxembourg, la Grèce et depuis peu, Malte, mais aussi des pays extérieurs à la zone euro, en Afrique et en Asie, font appel au savoir-faire de la Monnaie de Paris, celle-ci est confrontée à la concurrence de plus en plus importante des autres fabricants de monnaie dans le monde.
Techniques et poinçons |
La principale technique de fabrication, utilisée pour les pièces et médailles, est l’estampage. Elle consiste à frapper une pièce de métal entre deux morceaux de métaux plus durs, et donc de décalquer l’empreinte de ce qu’on appelle l’outillage (ou le coin) sur la médaille ou sur la pièce. Quant à la technique de la fonderie, elle consiste à introduire du métal chaud dans un moule et à ensuite ciseler, polir et patiner la pièce ainsi obtenue. Tous les instruments de fabrication des monnaies courantes et de collection comprennent deux poinçons : celui du directeur et celui du responsable de l’atelier de gravure. Ces poinçons constituent une garantie de l’Etat, une assurance du titre de l’alliage, de la masse ainsi que la conformité de la pièce émise au modèle original. Sur les bijoux, il existe un signe distinctif pour authentifier et garantir le titre du métal : l’aigle pour l’or ; la minerve pour l’argent et la tête de chien pour le platine. |
Industrie lourde et industrie de luxe
«A côté de cette industrie de masse qu’est la fabrication de la monnaie courante, nous avons une autre activité qui s’apparente davantage au luxe : ce sont les médailles, les décorations, les objets d’art et les monnaies de collection. Avec cette possibilité de faire un produit à la commande pour un client, un particulier ou une entreprise».Les ministères ou les collectivités locales font souvent appel au savoir faire de la Monnaie de Paris dans ce domaine. Les décorations telles que la Légion d’honneur, l’ordre du mérite font partie des activités de création des ateliers parisiens, mais aussi les médailles de cou que tel particulier va commander pour le baptême d’un proche. Mais dans ce domaine également il y a de la concurrence. «Nous avons certes le monopole de fabrication des euros pour la France, ce qui représente un peu moins de la moitié de notre chiffre d’affaires. Mais 60% environ de notre activité est concurrentielle, constate Christophe Beaux. Il y a une forte concurrence en effet dans tout ce qui concerne la fabrication de médailles, les décorations ou les monnaies de collection. En tant que chef d’entreprise, ma stratégie aujourd’hui est une stratégie de recherche de compétitivité».
La monnaie facteur d’identité
Du troc à la monnaie métallique, du billet au chèque puis à la carte de crédit et internet, les échanges n’ont cessé de se dématérialiser au fil du temps. « Mais je crois profondément au rôle de la monnaie comme facteur d’identité ». Alors,
L’euro peut-il encore jouer ce rôle d’identité nationale, de véhicule d’un sentiment d’appartenance à une même communauté ? A cette question, Christian Beau répond par l’affirmative: «Oui, car si toutes les pièces de l’euro ont une face identique, elle ont aussi une face qui montre l’identité du pays. C’est aussi une façon de découvrir le pays des autres, quand vous voyez l’effigie de Juan Carlos ou le roi des Belges. Demain, vous aurez peut être dans votre porte monnaie une pièce de deux euros avec la croix de Malte sur une des faces».
Et comme pour appuyer le propos du Président Directeur Général de la Monnaie de Paris, la table basse installée dans son bureau : un ancien container issu des ateliers de la Monnaie, transformé par le styliste Jean-Charles de Castelbajac et rempli de 350 000 pièces de 10 centimes de francs, soit 350 kilos. Une œuvre réalisée à l’occasion du passage du franc à l’euro…
Deux expositions à l’affiche de l’Hôtel de la Monnaie |
L’or de la Toison d’or, trésors de Géorgie présente pour la première fois en France et jusqu’au 7 novembre 2007 un ensemble somptueux de bijoux en or datant de plus de 2000 ans et retrouvés récemment dans des tombes en Géorgie. Diadèmes, bracelets, colliers de tortues, boutons, boucles d’oreilles, broches, pendentifs, parures aux motifs de cerfs, de béliers ou de sangliers… tous les objets témoignent de l’habileté des orfèvres dans cette période qui va du VIIIe au 1er siècle avant l’ère chrétienne. Quant à la Rétrospective Gudmar Olovson, un rebelle classique, elle permet de découvrir, jusqu’à la fin du mois d’octobre, une quarantaine d’œuvres de cet artiste franco-suédois. Venu à Paris pour la première fois en 1959, Gudmar Olovson vit aujourd’hui entre Paris et la Suède. Sculptures en pied de personnages célèbres ou de couples anonymes, bustes ou médailles : les oeuvres de l’artiste ont le plus souvent pour thème l’homme, la femme, l’amour ou la paix. Celle intitulée Deux arbres et représentant un homme et une femme debout, face à face, est bien connue des parisiens car sa version monumentale a pris place au Bois de Boulogne au milieu d’un des lacs. |