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Le repos du guerrier

Amours, guerres et sexualité 1914-1945

par Danielle Birck

Article publié le 06/11/2007 Dernière mise à jour le 06/11/2007 à 17:36 TU

Glovely, La Belle gantée, Pin-up, 
Etats-Unis, v.1940© Musée de l'Armée-Paris/ E.Cambier. Dist RMN

Glovely, La Belle gantée, Pin-up, Etats-Unis, v.1940
© Musée de l'Armée-Paris/ E.Cambier. Dist RMN

Comment et en quoi les deux guerres mondiales ont-elles affecté les relations intimes entre les hommes et les femmes ? A la croisée de l’histoire des guerres et de l’histoire du genre, l’expositions Amours, guerres et sexualité 1914-1945, présentée jusqu’au 31 décembre 2007 à l’Hôtel national des Invalides à Paris, explore la question au travers des collections du musée de l’Armée, du musée d’Histoire contemporaine-BDIC et avec la collaboration de chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Objets, affiches officielles ou de films, cartes postales, peintures, photographies, correspondances privées, journaux intimes, coupures de presse, oeuvres littéraires : au total plus de 400 pièces ont été réunies pour cette exposition sur un thème qui constitue, il faut le dire, une première pour le musée de l’Armée. Bien loin du « Make love, not war » (faites l’amour pas la guerre) des pacifistes des années 1970, il s’agit ici de voir dans quelles conditions on pouvait faire l’un et l’autre, ou à défaut rêver l’un et faire l’autre, dans le contexte d’une sexualité de toute façon perturbée et placée sous haut contrôle militaire.  

Sexualité sous contrôle

Le baiser 
Allemagne, Première Guerre mondiale
Lustige Blätter n°31, 32x24 cm, © Musée d’histoire contemporaine–BDIC

Le baiser Allemagne, Première Guerre mondiale Lustige Blätter n°31, 32x24 cm,
© Musée d’histoire contemporaine–BDIC

De la mobilisation  aux retrouvailles (pas si simples, on le verra) tous les aspects de l’amour et de la sexualité dans tous les moments de la guerre sont évoqués. Dès le départ, c'est-à-dire l’appel à la mobilisation, on peut dire que l’érotisation est indissociable du registre martial tel qu’on peut le voir notamment sur les affiches, avec la pose virile des hommes, le symbole phallique des armes, l’étreinte des femmes avant la séparation…

Avec la séparation, vient le manque … comblé partiellement par la correspondance, les objets fétiches ou l’image, comme celle de la Pin-up, qui nourrissent le fantasme, ou encore  la camaraderie, parfois équivoque... Mais à la guerre, comme à la guerre : et comme il n’est pas bon que les soldats « soient obsédés par trop d’amour, trop de sexe, le bordel militaire de campagne (BMC) va permettre aux hommes d’assouvir leur besoin sexuel », explique Fabrice Virgili, du CNRS,  Mais attention : danger ! Pas seulement les maladies vénériennes (une photo de 1916 nous rappelle qu’on traitait à l’époque la syphilis avec des injections de biodure), mais derrière la jolie bavarde (on n’est pas à un cliché près), se cache peut-être une espionne… Il faut veiller à tout et les états majors s’y emploient, de la prostitution organisée aux permissions, savamment dosées.  

S’aimer quand même

Couple marin et jeune femme 
Allemagne, 1916
Lustige Blätter n°38, 32x24 cm© Musée d’histoire contemporaine-BDIC

Couple marin et jeune femme Allemagne, 1916 Lustige Blätter n°38, 32x24 cm
© Musée d’histoire contemporaine-BDIC

S’il n’est pas toujours possible à ceux qui s’aiment de se retrouver lors de ces brèves permissions, paradoxalement, en bouleversant la vie quotidienne des femmes, engagées à l’arrière ou restées dans la vie civile - le temps de guerre procure à celles-ci une liberté nouvelle susceptible de favoriser des rencontres et même des mariages dont la presse magazine qui a éclos avec les années 1930 se fait largement l’écho lors de la Seconde guerre mondiale.

Mais il n’y a pas que le côté cœur. La guerre est aussi le théâtre privilégié de la violence sexuelle. Viols, mutilations, tortures, humiliations : qu’elles soient le fruit de déviances individuelles favorisées par le contexte de guerre, ou de la terreur organisée, ces violences « affirment toujours un rapport de force masculin, militaire, victorieux ». Les photographies de femmes tondues et promenées nues en France à la Libération,  sous prétexte de relations amoureuses avec des allemands, sont là pour le rappeler. Fantasmée, la violence sexuelle alimente la propagande parlée ou en image qui incite les hommes « à aller se battre pour protéger leurs femmes, car la barbarie de l’ennemi est toujours la plus grande », souligne  Fabrice Virgili.

La guerre est finie…

I summon you to comradship in the red cross, Harrison Fisher (1875-1934), Affiche 1918, American Lithographic Co, N-Y© Musée de l'Armée -Paris/E.Cambier. Dist RMN

I summon you to comradship in the red cross, Harrison Fisher (1875-1934), Affiche 1918, American Lithographic Co, N-Y
© Musée de l'Armée -Paris/E.Cambier. Dist RMN

L’exposition se referme avec la fin de la guerre entre joie et soulagement, tristesse et amertume. Qu’on appartienne au camp des vainqueurs ou à celui des vaincus, les sentiments sont le plus souvent mêlés : tristesse personnelle dans l’allégresse générale, ou le contraire. Et puis si pour certains couples, les retrouvailles se font dans l’euphorie, pour d’autres ce n’est pas toujours si facile : des hommes ont noué des liens ailleurs, et des femmes, à force de s’organiser seule, y ont pris un certain goût d’indépendance… La littérature se fera l’écho de ces situations, tandis que dessinateurs, peintres et photographes fixeront les images douloureuses ou joyeuses de l’après-guerre, préludes à un monde qui va changer, qui a déjà changé… mais c’est une autre histoire…


... J’aime les militaires !

C’est encore une autre histoire que le musée de l’Armée raconte également depuis le 27 octobre et jusqu’au 2 mars 2008 : celle des costumes d’inspiration militaire, avec l’exposition J’aime les militaires! Déjà présentée au Centre national du Costume de scène de Moulins, dans le centre de la France, cette exposition est réalisée avec des fonds venus de la bibliothèque Nationale de France, de la comédie française, de l’Opéra de Paris et d’autres scènes françaises. A suivre…

Their snow woman États-Unis, 14 janvier 1945, Sgt G. W. Herold, Defense Visual CenterPhotographie, US National Archives and Records Administration, National Archives at College Park, Maryland

Their snow woman États-Unis, 14 janvier 1945, Sgt G. W. Herold, Defense Visual Center
Photographie, US National Archives and Records Administration, National Archives at College Park, Maryland

Les visiteurs du jour. De gauche à droite, Anne-Claire Bulliard, Hervé Guillemot,Sophie Janin.(photo : P.Blettery)

Les visiteurs du jour

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