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Pierre Paulin : enfin !

par Danielle Birck

Article publié le 11/02/2008 Dernière mise à jour le 26/02/2008 à 11:34 TU

Pierre Paulin à l’Atelier de recherche et création, au Mobilier national, 2007.(Photo : Olivier Amsellem/ Collection Mobilier national)

Pierre Paulin à l’Atelier de recherche et création, au Mobilier national, 2007.
(Photo : Olivier Amsellem/ Collection Mobilier national)

Avec la rétrospective organisée jusqu’au 28 juillet 2008 dans la galerie des Gobelins, Il est enfin donné au public parisien d’apprécier l’ensemble de l’œuvre du designer français Pierre Paulin, au travers de créations qui sont le fruit de 40 ans de collaboration avec le Mobilier national. Celui qui se fit connaître dans les années 1960 en inscrivant la modernité dans les appartements de l’Elysée, qui a marqué d’une empreinte toujours actuelle le design de la seconde moitié du XXe siècle, et continue à créer, se voit, au lendemain de ses 80 ans, à nouveau consacré avec une série de manifestations.

Quand on lui fait remarquer que cette année 2008 est importante, avec deux expositions et la publication d’un ouvrage de référence sur son œuvre, les premiers mots de Pierre Paulin sont pour dire qu’il est « pressé de retourner dans sa campagne  - c'est-à-dire les Cévennes – même s’il a beaucoup de travail à Paris ». Et quand on insiste en lui demandant quel effet cela lui fait de voir exposées des créations qu’il n’avait peut-être pas revues depuis longtemps, il répond « Oui, c’est vrai. Mais c’est le passé ».

Le paradoxe Paulin

Un passé paradoxal. Sollicité par le président Pompidou pour meubler les appartements de l’Elysée, Pierre Paulin, qui crée du mobilier depuis les années 1950, s’inscrit avec cette commande dans l’Histoire et connaît son heure de gloire. « Ces aménagements pour le président Pompidou, constituent un des aspects les plus spectaculaires de son œuvre, souligne Bernard Schotter, administrateur du Mobilier national. Ils ont permis, en répondant à un souhait exprimé au plus haut de l’Etat, de faire prendre conscience, dans une société française qui était alors un peu fermée à tout ce qui était design, qu’il y avait des formes nouvelles qui émergeaient, qu’il y avait une modernité en marche et que la France avait aussi sa place à prendre dans ce courant moderne qui se développait ».

Pour la commissaire de l’exposition, Catherine Geel, ce qu’a fait Paulin à l’Elysée est « fabuleux », une démarche de « vrai designer, au sens où il ne transforme pas l’espace où il intervient mais crée au sein de cet espace ». Paulin a en effet inscrit ses tables en verre fumé, ses chaises tulipes et ses fauteuils et canapés aux formes généreuses et arrondies dans un environnement de tentures en tissu grège masquant les ors et les boiseries Napoléon III des murs. Seule la salle à manger est toujours utilisée. Des pièces de ce mobilier élyséen sont exposées aux Gobelins, ainsi que des maquettes des appartements, telles qu’elles furent présentées à l’époque par Paulin.

Salle à manger du Palais de l’Elysée, 1971.(Photo : Olivier Amsellem/ Collection Mobilier national)

Salle à manger du Palais de l’Elysée, 1971.
(Photo : Olivier Amsellem/ Collection Mobilier national)

Il est tout simplement « incroyable », souligne Catherine Geel, il  qu’il n’y ait pas eu plus tôt de rétrospective du designer français. Il est vrai qu’après cette expérience élyséenne, dont le public a davantage retenu le goût pour la modernité des époux Pompidou que le nom de Pierre Paulin, celui-ci verra longtemps ses projets s’accumuler sous forme de maquettes ou de dessins, faute d’éditeurs, notamment en France. S’il est amené au début des années 1980 à réaliser un bureau et son fauteuil  pour François Mitterrand, c’est à une équipe de « jeunes » designers, dont Philippe Starck, que le président socialiste aura confié l’aménagement de ses appartements privés…

« Mushroom », petit fauteuil, 1959, carcasse tubulaire métallique, mousse de polyurethane, tissus extensible en crèpe de laine élasthane.
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne.(Photo : Olivier Amsellem/ Collection Mobilier national)

« Mushroom », petit fauteuil, 1959, carcasse tubulaire métallique, mousse de polyurethane, tissus extensible en crèpe de laine élasthane. Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne.
(Photo : Olivier Amsellem/ Collection Mobilier national)

Pierre Paulin a créé en 1975, avec sa seconde épouse, Maïa Wodzislawska – avec laquelle il travaille jusqu’à aujourd’hui -  une agence spécialisée dans le design industriel, qui fermera ses portes vingt ans plus tard. Entre temps, il a poursuivi sa collaboration avec l’Atelier de Recherche et de création (ARC) du Mobilier national, créé en 1964, et qui l’avait sollicité, entre autres,  pour la création de sièges collectifs pour les visiteurs du musée du Louvre. Une collaboration de quarante années qui permet à l’Institution de réparer aujourd’hui l’injuste « oubli » du designer sur la scène française, avec l’exposition Pierre Paulin, le design au pouvoir.  

C’est une mise en lumière - au sens propre et au sens figuré – de l’œuvre du designer, présentée sur deux niveaux de 400 m2 chacun, dans la magnifique galerie des Gobelins, que l’architecte scénographe a choisi d’enrober dans la pénombre pour mieux  mettre en valeur les créations du designer, et « essayer aussi de comprendre un peu comment le créateur Pierre Paulin a pensé ses meubles, a pensé ses formes, en les montrant à l’envers, à l’endroit, par dessus par dessous, à gauche à droite », explique Henri Rivière.

Une exposition qui a été conçue en parfaite complicité avec Pierre Paulin, qui outre ses propres créations, a  également sélectionné des œuvres issues des collections du Mobilier national. Comme cet étonnant mobilier de campagne de Napoléon : table et tabouret pliant, sacoche d'emballage en tissu...

Mobilier de campagne de Napoléon.(Photo : Olivier Amsellem/ Collection Mobilier national)

Mobilier de campagne de Napoléon.
(Photo : Olivier Amsellem/ Collection Mobilier national)

Son Paulin - La modernité des objets anciens

Ces objets étaient vraiment très étonnants de modernité car très fonctionnels.

Inventivité permanente

Une œuvre dont on redécouvre aujourd’ hui l’importance et la modernité. « Personnellement ce qui me frappe,  souligne Bernard Schotter, c’est l’invention, le renouvellement constant, une inventivité qui ne débouche jamais sur la répétition, alors qu’on sent la constance d’une recherche, mais toujours des formes nouvelles  naissent.. Et puis une sensualité, un rapport au corps, la joie des couleurs et au final la poésie de cette œuvre à la fois pleine de rigueur et étonnamment sensuelle ». La preuve : il vient d’être élu créateur de l’année au salon Meuble Paris…

« Déclive », 1966-1968. Structure formée de lattes métalliques. Rembourrage en mousse polyester gainée de textile.
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne.(Photo : Olivier Amsellem/ Collection Mobilier national)

« Déclive », 1966-1968. Structure formée de lattes métalliques. Rembourrage en mousse polyester gainée de textile. Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne.
(Photo : Olivier Amsellem/ Collection Mobilier national)

A la fluctuation des modes et des goûts qui après l’avoir laissé dans l’ombre le projette à nouveau dans la lumière, Pierre Paulin réagit avec une retenue teintée d’ironie : « J’aimerais bien perfectionner quelques-unes des choses que j’ai mises au point dans le passé et qui n’ont pas ‘ébranlé les populations’ et les ont laissé indifférentes, par exemple comme ce modèle-là » Il s’agit de la Déclive, ce siège articulé fait de lattes de bois recouvertes de mousse et de tissu qui épouse à volonté les positions du corps. Un siège présenté récemment chez Azzedine Alaïa, le couturier passionné de design qui vient de lui consacrer une exposition dans sa galerie parisienne. « Ça a impressionné des gens et quelques-uns nous ont demandé si on était disposé à en produire pour qu’ils puissent en acheter. Et c’est probablement ce que nous allons faire », conclut Pierre Paulin.  Qui ne va bientôt plus savoir où donner de la tête : il vient de signer une nouvelle collection de fauteuils et de canapés inspirés du mobilier de l’Elysée pour Ligne Roset et qui sera mise en vente en septembre prochain. On peut voir dans l’exposition un canapé trois places, « Toune », qu’il vient de terminer pour le  Mobilier national.

Sans oublier la grande rétrospective présentée à partir du 9 mars musée de Grand Hornu, en Belgique, Pierre Paulin, designer super moderne, accompagnée de la publication d’un catalogue qui sera un ouvrage de référence. Avec quelque 150 pièces du designer, c’est une reprise de l’exposition qui s’est tenue à la villa Noailles, à Hyères, dans le sud de la France, durant l’été 2007 (les seuls d’ailleurs au rendez-vous exact des 80 ans de Paulin…). Par ailleurs, une vente de 70 pièces (prototypes, séries limitées, objets rares…) seront mis en vente le 12 mars chez Artcurial à Paris.

Oui, l’année 2008 sera l’année Pierre Paulin.

Chronique Culture 26/02/08

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