par Danielle Birck
Article publié le 05/03/2008 Dernière mise à jour le 13/03/2008 à 16:02 TU
Du parc de découverte de l’océan, Océanopolis, à Brest au futur Musée d’archéologie sous marine au large d’Alexandrie, de la Cité dans l’océan, au large d’Abu-Dhabi, au projet Sea Orbiter, Jacques Rougerie, avec son équipe pluridisciplinaire, n’en finit pas d’explorer les possibilités de l’habitat sous-marin, à visée scientifique ou de loisirs, et de relier exploration sous marine et spatiale. Tout un symbole : son agence d’architecture est installée sur la Seine, dans une péniche amarrée près du pont de la Concorde. C’est là que Danielle Birck l’a rencontré pour RFI.
RFI : Jacques Rougerie, depuis le début des années 1970, vous vous êtes fixé comme objectif, je vous cite, « de participer en tant qu’architecte à la découverte de l’environnement mer ». Une motivation que vous résumez en trois mots : « habiter la mer ». Comment vous est venue cette passion ?
Jacques Rougerie : elle vient de la mer, elle vient d’une époque où il y avait beaucoup d’utopie, de prospective, notamment dans ce domaine de l’habitat sous marin. J’avais des rêves dans ma tête - que j’ai toujours - et j’ai voulu faire de l’océanographie en même temps que de l’architecture et bâtir pour ces océanographes du futur, des habitats sous la mer.
RFI : Il y a eu une rencontre importante avec Cousteau…
J.R. : Il y a eu énormément de rencontres primordiales. D’abord dans ma jeunesse j’ai baigné dans les romans d’aventure de Jules Verne et, par le biais de ma famille, j’ai baigné dans le monde des explorateurs. Je côtoyais Théodore Monod et d’autres « aventuriers », des gens qui montaient des expéditions comme Paul Emile Victor… Ça m’a donné un éveil tout particulier, une sensibilité au futur, dès le départ, j’ai été fasciné par les explorations spatiales et sous-marines. Ce qui m’a amené à rencontrer des hommes merveilleux, comme Jacques Piccard [1], Germain Delauze [2] et, bien sûr, Jacques Yves Cousteau[3].
J’ai eu cette chance d’être au bon moment, tout môme, pour entrevoir la possibilité de réaliser certains de mes rêves, alors tout naissant… et dont certains sont devenus réalités comme Galatée, ma première maison sous-marine, en 1977, comme l’Aquaspace, ce trimaran à la coque centrale complètement transparente, avec lequel j’ai traversé l’Atlantique en 1985, et bien d’autres rêves qui se sont réalisés par la suite et j’en ai encore d’autres comme Sea Orbiter ou Seaspace.
RFI : Sea Orbiter, un projet qui vous résume : de la mer à l’espace…
J.R. : Oui, tout à fait. C'est-à-dire que Sea Orbiter est un peu ce condensé, ce trait d’union entre les deux mondes, entre ces deux grandes explorations que représentent le monde de l’espace et le monde sous la mer. Les similitudes des recherches sur le comportement des hommes qui les explorent font que les entraînements se font souvent sous la mer. Et Sea Orbiter, c’est vrai, est un peu la synthèse de tout ce que nous avons pu faire sur la mer : c’est à la fois un habitat sédentaire, c'est-à-dire en position fixe, ou qui peut dériver au gré des courants et qui offre une multiplicité de capacités, de recherches, d’explorations… Ça ne remplacera jamais les bateaux océanographiques ou les sous-marins d’exploration, c’est clair, mais c’est encore une autre façon d’explorer le monde sous-marin et d’entraîner les hommes de demain pour l’espace.
Le projet Sea Orbiter |
« Il est en train de se bâtir. Comme toutes les grandes aventures, il y a des hauts et des bas. Le projet est en train d’être développé avec un comité scientifique, avec un certain nombre d’instances de décision au niveau européen, d’investisseurs. Nous avons fait les essais de maquette en bassin de carène en Norvège au Marintek. C’est un projet qui devrait voir le jour en 2011, et qui, après une année de tests, devrait commencer ses expéditions en 2012. Les essais se feront en principe dans le bassin méditerranéen, ensuite, Sea Orbiter gagnera la zone océanique pour suivre le Gulf Stream et dériver au cœur du courant pour étudier les phénomènes climatiques, ainsi que les migrations des différentes espèces qui dérivent avec le Gulf Stream, et aussi l’aspect abyssal qui sera un des points forts du projet. L’originalité de Sea Orbiter réside dans le fait d’avoir une permanence et un regard permanents sous l’eau, et on peut sortir sous la mer à moins 12 mètres pour travailler sous l’eau et revenir autant de fois qu’on veut, puisque la partie sous-marine sera en saturation pour six à huit personnes, et la partie supérieure en pression atmosphérique pour dix à douze personnes." |
RFI : Vous construisez aussi sur terre, mais toujours avec cette volonté de sensibiliser le grand public à cet « espace mer » …
J.R. : L’essentiel de ma vie réside sur l’eau, avec l’eau, en accompagnement de l’eau. L’eau est omniprésente dans ma vie professionnelle, ma vie privée… c’est vrai que j’ai une propension, dès que j’ai un moment de liberté, à aller sur la mer, sous la mer, au bord de la mer… et je travaille et habite sur une péniche, donc le soir, mon dernier regard est sur l’eau, comme mon premier regard le matin … c’est mon mode de vie, ma raison d’être… Je suis empreint de ce que représente l’eau, je suis envoûté par cette eau et je décline dans ma vie quotidienne ce que m’apporte cet élément liquide : un autre regard, un autre comportement, une autre sensibilité à travers une architecture.
L'eau, c'est mon mode de vie et je le traduis dans mon architecture
Il y a une similitude entre l’eau et la bionique… j’ai commencé à travailler sur la bionique à partir de l’élément marin et j’ai décliné à partir de cette bionique une architecture subaquatique, différente de l’architecture terrestre puisque les lois physiques ne sont pas les mêmes : vous avez la troisième dimension, la poussée d’Archimède, les pressions, ce qui n’existe quasiment pas sur la terre. Ça m’a conduit à une technologie plus particulière, plus poussée… ce que représente l’eau - un vecteur, un lien de communication entre les êtres, un élément indispensable à la vie j’essaye à chaque fois de le retrouver dans l’architecture terrestre, au travers de similitudes, d’un regard, une conception qui toujours tisse sa toile à travers cette eau… ce n’est pas non plus systématique, mais en même temps c’est vrai.
Par exemple, quand j’ai gagné le concours pour l’Institut Francilien d’Ingénierie à Marne-la-Vallée, je suis parti de l’idée de réseau informatique. Mais pour moi, le « réseau », c’est d’abord celui des vaisseaux sanguin et leur fluidité. Pour moi le réseau, c’est la fluidité… et automatiquement, l’architecture de cet institut s’est traduite dans des formes de courbes… Donc, c’est vrai qu’à partir de l’architecture terrestre, je retrouve un peu cette dimension aquatique, d’une façon ou d’une autre …
RFI : Parlons de cet autre projet qui, avec l’Océanopolis de Brest, contribue à vous faire connaître du grand public : le projet de Musée d’Archéologie sous-marine, au large d’Alexandrie en Egypte.
J.R. : C’est un projet qui me tient tout particulièrement à cœur. Quand le gouvernement égyptien a lancé avec l’Unesco ce concours pour un musée archéologique sous la mer, ça m’a tout de suite énormément excité, pour plusieurs raisons : d’abord parce que, comme beaucoup d’enfants, l’Egypte m’a fait rêver quand j’étais môme - l’histoire de l’Egypte, le delta du Nil, Cléopatre – et puis l’idée de faire revivre ces vestiges restés sous six mètres d’eau pendant des siècles, d’amener le public sous l’eau, sous la mer pour les observer : c’était une superbe opportunité que je ne pouvais pas laisser échapper.
Et j’ai essayé de trouver toute une symbolique liée à ces quatre voiles de felouques des temps modernes pour entrer en résonance avec les quatre points cardinaux par des phénomènes vibratoires et lumineux, avec en dessous, ces salles où les gens pourraient en toute sécurité venir voir ces vestiges sous l’eau dans cette baie d’Alexandrie… c’était déjà émouvant de les voir en photos lors de l’exposition Les Trésors engloutis, l’an dernier au Grand Palais à Paris, l’imaginaire était déjà en éveil, mais les voir sous l’eau, ce sera un instant unique.
RFI : Les Etats-Unis projettent d’envoyer à nouveau des astronautes sur la lune en 2015. Vous collaborez avec la NASA sur ce projet ? J.R. : Oui, j’ai même travaillé ce week-end avec Bill Todd, le responsable des programmes d’entraînement des astronautes en milieu sous marin, et tout particulièrement des programmes Nemo d’habitat sous la mer pour l’entraînement des astronautes aux vols de longue durée. Je participe à ces programmes et j’ai été plusieurs fois dans des missions au large de Key largo, sous la mer où des groupes de six astronautes vivent jusqu’à 30 jours, dans des conditions similaires à celles des vols spatiaux. Il y a aussi et surtout Sea Space, un nouvel habitat sous la mer, le plus proche des conditions dans l’espace, qui sera entièrement dédié au programme lunaire et C’est génial de pouvoir participer à une aventure comme celle-là, et de pouvoir, en tant qu’architecte, créer une enveloppe, pour protéger et faire que les gens se sentent bien sous l’eau …
J’ai la chance qu’on me permette de ne pas seulement dessiner mais de participer physiquement à ces programmes. Car moi ce qui m’intéresse c’est aussi le côté physique des choses. Peut-être est-ce l’aventure Cousteau qui m’a donné ce goût… On ne peut bien comprendre ce que c’est que d’habiter sous la mer, que si on le vit soi même. Pour l’avoir fait moi-même plusieurs fois plusieurs jours ou semaines, j’ai une vision qui n’a rien à voir avec celle d’un architecte ou d’un ingénieur qui n’a pas eu cette expérience…
RFI : Sur le site de l’Association Espace-Mer, que vous avez fondée avec l’astronaute Jean-Loup Chrétien, on peut lire cette citation, dont vous êtes l’auteur : « la mer et l’espace sont les deux grandes aventures de notre époque, les seules qui nous autorisent encore à rêver » … On ne peut plus rêver sur la terre ?
J.R. : Non, on ne peut pas dire cela…il faut se méfier des discours de gens passionnés comme moi, qui ont parfois des formules « extrêmes »… Sur terre il y a encore beaucoup de choses à faire, dans le domaine de l’infiniment petit, de la médecine, dans beaucoup de domaines… Mais il y a de nouveaux champs d’exploration et moi je suis « câblé » pour ces nouveaux champs que sont l’espace et le monde sous-marin. Avec d’autres hommes, car ces explorations se font en équipage, et c’est ça aussi qui m’intéresse… , Sea Space, Sea Orbiter sont le fruit de rencontres: Piccard, jacques Yves Cousteau, l’astronaute Jean- Loup Chrétien… Moi je crois en l’homme. De manière lucide : je n’oublie pas les horreurs dont il a été capable et les atrocités qu’il commet encore tous les jours… mais je crois que l’homme est capable de faire que le futur soit une belle réalité.
[1] Jacques Piccard : océanographe suisse né en 1922, l’homme «le plus profond du monde » qui a atteint – 10 916 mètres dans la fosse des Mariannes, en 1960
[2] Germain Delauze : fondateur de la COMEX en 1961, société d’ingénierie, de technologie et d’interventions humaines ou robotisées sous marines.
[3] Le célèbre « commandant » Cousteau (1910-1997), père de la plongée et de l’explorations sous-marines modernes, avec son navire océanographique le Calypso.
portrait
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