par Danielle Birck
Article publié le 18/04/2008 Dernière mise à jour le 13/05/2008 à 18:23 TU
« C’est notre ADN », dit-on à France Inter en parlant du Jeu des mille euros, diffusé de 12h45 à 13h, du lundi au vendredi. Avec une audience moyenne quotidienne de quelque 1 100 000 auditeurs (soit plus de 15% de part de marché), c’est l’émission la plus écoutée de France.
De 100 000 francs par jour au jeu des 1000 euros
Tout cela a commencé le 19 avril 1958. Ce jour-là, sous le chapiteau de Radio Circus, dressé sur la place du marché à Le Blanc, une bourgade de l’Indre, Henri Kubnik lance un jeu inédit, destiné à attirer le public avec la promesse d’un gain. Intitulé 100 000 francs par jour (on est encore à l’époque de l’ancien franc), ce jeu est diffusé deux jours plus tard sur l’antenne de ce qui s’appelle alors Paris Inter, dans le créneau qui précède le journal. Le principe de ce jeu itinérant est simple : six questions de difficulté croissante sur les sujets les plus variés sont posées au concurrent sélectionné, accompagné de son « renfort ».
Henri Kubnik va animer le jeu pendant deux ans en préparant lui-même les questions. Très vite les auditeurs ont pris l’habitude du rendez-vous, et non seulement répondent aux questions devant leur poste, mais en envoient par courrier. A partir de 1960, Toutes les questions émaneront des auditeurs. Elles prennent alors les couleurs de la France, bleues, blanches et rouges, en fonction de leur difficulté et de leur valeur (15, 30 et 45 euros aujourd’hui). Ces sommes sont allouées aux auteurs des questions lorsque les deux candidats n’ont pu répondre à celles-ci. En cas de gains, les candidats peuvent les remettre en jeu et tenter le « banco », puis le « super banco » qui rapportent aujourd’hui respectivement 400 et 1000 euros à se partager.
Lucien Jeunesse, animateur de France Inter, jouant au piano à la maison de la Radio à Paris, lors de l'enregistrement de la dernière émission du « Jeu des mille francs ».
(Photo : AFP)
Chers amis, bonjour !
Si les règles sont immuables, le franc change de valeur en 1960 avant d’être complètement remplacé par l’euro en 2002 et le jeu devient successivement 1000 francs par jour, puis Le jeu des mille francs et fin 2001, Le jeu des mille euros. Les animateurs changent aussi : à Henri Kubnick ont succédé au fil des ans Maurice Gardett, Albert Raisner, Roger Lanzac et, en 1965, Lucien Jeunesse, dont le nom va se confondre pendant trente ans avec l’émission devenue extrêmement populaire.
L’ancien chanteur imprime sa marque avec un rituel immuable : l’émission commence systématiquement par « Chers amis, bonjour ! » et se referme sur « A demain, si vous le voulez bien », avec une « variante », le vendredi : « A lundi, si vous le voulez bien ! ». On pourra s’en moquer, mais ça marche… à 71 ans, le 7 juillet 1995, Lucien Jeunesse prend sa retraite. Il est remplacé par Louis Bozon, dont la voix grave et chaleureuse est déjà familière des auditeurs de la chaîne depuis le milieu des années 1960.
« Spécial jeunes »
Louis Bozon ne cache pas que reprendre la barre de l’émission après trois décennies de règne de Lucien Jeunesse, n’était pas évident et il avoue l’avoir fait avec « avec beaucoup d’hésitation et quelque souffrance ». Il trouvera ses marques en « rajeunissant le jeu tout en gardant les anciens qui avaient fait son succès ». La création du « Spécial Jeunes », le 6 décembre 1995, va contribuer à élargir et augmenter l’auditoire d’une émission qui réunit les générations dans une ambiance très familiale. Et Louis Bozon de conter cette anecdote d’une candidate qui a dû donner le sein à son bébé, sur le podium, pour calmer ses pleurs… Un climat, une ambiance simple et chaleureuse, populaire, qui contribue au succès du jeu des 1000 euros, bien plus en tout cas que l’attrait du gain, minime.
Rajeunir l'émission tout en gardant les anciens
D’autant plus que les questions ont évolué. En 13 ans d’exercice, Louis Bozon a pu observer la disparition progressive de « la culture encyclopédique des grands-parents » au profit d’une « culture ciblée » et très « anglo-saxonne » au niveau des étudiants qui, remarque-t-il, « connaissent davantage la littérature et le cinéma américains que français ». Quant à la musique classique, son constat est sans appel : « les Français sont vraiment nullissimes » !
Une culture de plus en plus "ciblée"
D’ailleurs, ce dont Louis Bozon a « toujours rêvé », et il « espère que son successeur l’aura », c’est d’avoir à ses côtés « un ou une documentaliste, qui passe au crible les questions sélectionnées » afin d’éliminer, par exemple, celles qui peuvent avoir plusieurs réponses, et sont donc contestables. Avec actuellement 37 000 questions sur internet et des centaines par courrier postal, « c’est un travail énorme ».
Voyage en France
Voyage dans la culture mais aussi dans la France entière, avec 15 000 kilomètres parcourus par an et une centaine de villes et bourgades visités. « Le jeu des mille euros m’a permis de découvrir une France que je ne connaissais pas, une France multiple", déclare Louis Bozon. Une France et ses habitants que le jeu lui aura permis non seulement de « connaître mais d’aimer davantage ».
Voyage dans la France, hexagonale et outre-mer, en Guadeloupe, à la Martinique et à la Réunion, mais aussi chez les voisins immédiats belges, suisses ou allemands, ou plus lointains, par exemple, au Sénégal : le jeu des 1000 euros s’est beaucoup promené, sans oublier les enregistrements en mer, sur le porte-avion Clémenceau, ou le paquebot Massalia…
Mais « il faut savoir s’en aller » dit Louis Bozon qui cessera d’animer l’émission à la prochaine saison. « A regret », avoue-t-il, car il aime « cette maison » et le travail avec les techniciens, « les premiers auditeurs ». Mais pas d’inquiétude pour Le jeu des 1000 euros, « l’émission tient », comme il dit.
C’est Nicolas Stoufflet, qui anime les petits matins sur France Inter, qui reprendra le flambeau en septembre prochain.
(Photo : en partenariat avec l'Ina)
Ecouter une émission du Jeu des 100 euros
A écouter