par RFI, Marie Grézard
Article publié le 02/06/2008 Dernière mise à jour le 16/06/2008 à 09:07 TU
(Crédit : Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent)
(Crédit : Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent)
A la mort de Christian Dior, en octobre 1957, Yves Saint Laurent reprend les rênes de la création. Lourde charge pour un jeune homme de 21 ans. Mais l'angoisse qui l'étreindra toute sa vie est aussi un puissant stimulant. C'est elle, muse impitoyable, qui l'aiguillonne de sa pointe, quitte à lui égratigner l'âme de mauvaises blessures que tranquillisants et drogues apaisent fallacieusement . En janvier 1958, il dévoile sa ligne Trapèze, faisant mentir les oiseaux de mauvais augure : fluide et sans niaiserie froufrouteuse, elle résonne comme un triomphe et le Tout Paris ne bruisse plus désormais que des douces syllables de ce nom : Saint Laurent ! Année faste qui voit aussi sa rencontre avec Pierre Bergé, pygmalion d'une vie, tout juste séparé d'avec le peintre Bernard Buffet.
Naissance d'un style
(Crédit : Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent)
En 1961, la maison Saint Laurent est créée, et commence alors un long et fructueux partenariat entre les deux hommes : à l'un la création, à l'autre la gestion. La première collection en 1962 est un évènement. Le gotha et les professionnels de la mode découvrent avec une stupéfaction ravie un style sportswear, confortable mais structuré, une mode qui révèle surtout les signaux subliminaux de la société. Ancrée dans son temps, elle donne aux femmes une nouvelle liberté en inventant une couture adaptée à leur époque et puisée dans le vestiaire masculin. Blouson noir; caban, saharienne, tailleur-pantalon et bien sûr smoking, un fondamental des collections créé pour la première fois en 1966... à chaque saison, à chaque défilé, autant de coups portés, avec décontraction et suprême élégance à une mode finalement assez conformiste. En floutant les frontières entre masculin et féminin, Yves Saint Laurent a su nimber la femme d'une aura d'autorité et d'indépendance qui lui faisait jusque là défaut. Cette dernière en devient alors terriblement sensuelle et désirable.
S'il aime la rigueur et la simplicité forgeant par là un "chic" à la française, ce grand collectionneur d'art, amoureux fou de théâtre et d'opéra intègre aussi dans ses défilés de nombreuses références à des artistes comme Picasso, Braque, Mondrian, Poliakoff, Van Gogh sans oublier Matisse. Il s'abreuve aussi à la source d'autres cultures : un foisonnement qui s'inspire de l'Europe de l'Est avec ses blouses roumaines ou ses longs manteaux cosaques, du Japon, de la Chine et bien sûr d'un Orient chamarré, cher à son coeur.
Cofondateur de la griffe YSL
« C'était le plus grand créateur de mode de la deuxième partie du XXe siècle »
Faire descendre la mode des podiums
Si le couturier a créé l'évènement toute sa vie ou fait scandale -en posant nu, en 1971 à l'occasion du lancement de son parfum Pour homme ou en lançant Opium en 1977, ce qui lui vaudra une série de procès- il est aussi le premier à créer une collection de prêt-à-porter et à ouvrir une boutique en dehors des salons. Ce sera Rive Gauche, en 1966 au 21 de la rue de Tournon, dans le 7ème arrondissement de Paris. Une ancienne boulangerie transformée en boutique cosy dont la marraine, l'actrice Catherine Deneuve -qu'il habillera dans Belle de Jour, le film de Luis Bunuel- deviendra l'une de ses plus fidèle complice. « J'ai envie d'une boutique, chaleureuse, contemporaine, dans laquelle les gens ont envie de rentrer et de toucher » dira-t-il. Un succès suivi par une seconde boutique à New-York, puis à Londres, puis dans de nombreuses capitales du monde...
En 1985, au beau milieu de sa carrière, il reçoit à l'Opéra de Paris, l'oscar du plus grand couturier pour l'ensemble de son oeuvre. Une oeuvre dont il reste encore pourtant beaucoup de pages à tourner ! Satin cuir imprimé panthère, audacieuses robes smoking dos -nu, saharienne annoblies par la popeline de soie, capes brodées inspirées de la période cubistes, robes ornées de colombes -hommage direct à Matisse... cette fécondité artistique a pourtant un prix.
D'une anxiété et d'une timidité maladive, alternant périodes euphoriques et dépressions abyssales, Yves Saint Laurent avouait sans fard dans son bouleversant discours d'adieu à la mode, le 7 janvier 2002 les terribles lignes de failles qui l'avait traversé toute sa vie : « Je suis passé par bien des angoisses, bien des enfers. J'ai connu la peur et la solitude, ainsi que les faux amis que sont les tranquillisants et les stupéfiants. La prison de la dépression et celle des maisons de santé ».
Epuisé, malade, il décide de quitter la Haute-couture en 2002. La fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent devient la gardienne de son oeuvre. Dans des conditions optimales de conservation, elle réunit ses pièces les plus importantes, d'innombrables croquis et objets divers. Au service de l'art qu'il a tant aimé, elle accueille aussi toute l'année des expositions temporaires.
Yves Saint Laurent présentant une rétrospective de son oeuvre, le 22 janvier 2002, au Centre Georges Pompidou à Paris.
(Photo : AFP)
Cinéaste
«Ce qui me fascinait chez lui, c'est moins le créateur de mode que cette extrême sensibilité, ce désir fou de fabriquer du bonheur.»
« C'est aussi à ces fantômes d'esthétique que je dis adieu... J'ai conscience d'avoir fait avancer la mode de mon temps et d'avoir fait accéder les femmes à un univers jusque là interdit. »
Ancien mannequin, présidente de l’Association des Burundais en France
«En quelques mois d'intervalle, nous avons perdu Katoucha, qui était son égérie, et maintenant Yves Saint Laurent.»
Directrice du magazine Styléto et auteur d'une biographie d'Yves Saint Laurent aux éditions Grasset
«Il a offert aux femmes le vestiaire de leur indépendance.»
Ministre de la Culture
« Il était ce que l'on peut attendre de mieux de la France quand elle ouvre des voies »
A voir :
- Dossier vidéo hommage à Yves Saint Laurent sur le site de l'INA.
- Le site de la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent