par Caroline Lafargue
Article publié le 03/10/2008 Dernière mise à jour le 06/10/2008 à 10:38 TU
Ses 4 pylônes élancés, surmontés de papillons d’acier, font la fierté des Rouennais. A juste titre : inauguré le 30 septembre 2008, le nouveau pont Gustave Flaubert défie les lois de l’apesanteur pour s’élever à 55 mètres au-dessus de la Seine. Une prouesse technique qui lui vaut d’être considéré comme le pont mobile le plus grand d’Europe. Cet ouvrage d’art exceptionnel était aussi très attendu par les automobilistes, fatigués des interminables bouchons sur les cinq autres franchissements du fleuve.
Il a fait sensation cet été lors de l’Armada, le grand rassemblement de voiliers annuel à Rouen. Pour laisser le passage aux bateaux, le pont Gustave Flaubert est allé tutoyer les cieux à 55 mètres de haut. Doté de deux tabliers indépendants, il forme une arche monumentale qui marque la transition entre le port et le centre historique de la ville. Les paquebots de croisière, eux aussi, pourront remonter jusqu’à Rouen.
Prouesse technique…
C'est grâce à un savant jeu des forces et des contrepoids que ces deux tabliers de 120 mètres de long, 17 mètres de large, et 1250 tonnes chacun, peuvent s'élever aussi haut. Un mécanisme imaginé, entre autres, par Michel Virlogeux, ingénieur en chef des ponts et chaussées et concepteur du Viaduc de Millau et du Pont de Normandie, et qu’Aymeric Zublena, l’architecte du pont Gustave Flaubert, compare au principe de l’ascenseur : le pont étant supporté par 2 pylônes sur chaque rive, les ingénieurs ont imaginé de placer le contrepoids (950 tonnes) de « l’ascenseur A dans la cage de l’ascenseur B et réciproquement, ce qui permet de mieux répartir les efforts générés par la levée et d’alléger la charge ».
"Il n'y a pas de disposition équivalente dans d'autrres ponts..."
Ce dispositif de levage unique au monde a d’ailleurs été récompensé par deux prix internationaux: le Grand Prix National de l’Ingénierie 2006 et le Prix de la Construction Métallique 2007.
… et émotion esthétique
Au-delà de la prouesse technique, le pont Gustave Flaubert impressionne par son esthétique. Aymeric Zublena, qui en a dessiné la silhouette, a également signé les courbes du Stade de France. Grand Prix de Rome et Président de l’Académie d’Architecture, l’architecte conçoit son pont comme « un nouveau monument qui s’harmonise bien avec la flèche de la cathédrale de Rouen », distante de 1,5 km. Les papillons en acier qui couronnent les quatre pylônes « font référence aux grues que l’on trouve sur tous les ports ». Les matériaux utilisés pour la construction d’un pont se limitant au béton et à l’acier, Aymeric Zublena a néanmoins réussi à jouer sur les couleurs, en choisissant un béton gris très clair, quasiment blanc, « qui s’inscrit bien dans la tonalité générale du ciel de Rouen ». Tous ces détails font que « l’automobiliste aura une émotion esthétique en voyant ces 4 grandes verticales qui montent à 95 mètres de haut », conclut l’architecte.
"c'est un événement dans la silhouette de Rouen..."
Les lignes vertigineuses du pont Gustave Flaubert ont séduit les Rouennais, et tout particulièrement l’œil aiguisé de Thomas Boivin. Ce jeune photographe amateur, a suivi la construction et l’inauguration du pont, et mis en ligne ses reportages photo sur son blog.
"il donne une impression de finesse, alors que c'est un ouvrage très lourd..."
Un ouvrage utile… à compléter
Impressionnant sur le plan technique, époustouflant sur le plan esthétique, le pont Gustave Flaubert n’en reste pas moins… un pont, un ouvrage utile qui sert à relier deux rives. Et celui là, on l’attendait à Rouen depuis plus de trente ans. L’idée d’un sixième franchissement de la Seine avait en effet été lancée dès 1972 ! De quoi susciter l’impatience des Rouennais, fatigués d’endurer d’interminables bouchons sur les cinq ponts existants.
Le trafic du pont Gustave Flaubert sera naturellement interrompu à chaque levée durant une heure et demi, le temps de laisser passer les bateaux, mais l’opération ne devrait se répéter que 30 à 40 fois dans l’année. Le reste du temps, le pont a pour mission de capter 50 000 véhicules par jour pour alléger le trafic. Thomas Boivin, « espère que ça va déboucher le centre-ville et faciliter la vie à ceux qui relient la rive gauche à la rive droite sans vouloir passer particulièrement par Rouen ». Pourtant, les Rouennais, à l’instar de Thomas Boivin, ne sont pas complètement satisfaits : « Ils ont fait un pont qui a l’air très bien mais je pense que les accès qu’ils ont fait rive gauche et rive droite n’ont pas l’air suffisants. », remarque-t-il.
Sur la question du trafic
Effectivement, le pont est bien ancré sur ses 4 pylônes, mais il lui manque quelque chose pour atteindre la perfection : les travaux de raccordement aux grands axes, l’A13 vers Paris et l’A150 qui mène vers Rouen et Le Havre. Le calendrier de ces travaux essentiels n’est pas encore arrêté, non plus que son financement. L’Etat et les collectivités locales doivent encore trouver 510 millions d’euros pour les mener à bien, une addition qui dépasse largement le coût du pont en lui-même (155 millions d’euros).