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Esprit

La coupole de La Coupole

par Danielle Birck

Article publié le 20/10/2008 Dernière mise à jour le 06/01/2009 à 11:50 TU

Il y a La Coupole, la célèbre brasserie parisienne du quartier Montparnasse inaugurée en 1927 et qui fut pendant des décennies le rendez-vous des artistes et célébrités. Et il y a la coupole, au centre du plafond, qui depuis longtemps ne diffusait plus la lumière du jour et vient d’être peinte par quatre artistes internationaux ancrés à Paris. Une œuvre collective inaugurée lors des Journées du patrimoine 2008 et qui vient s’ajouter à celles qui décorent les 17 pilastres de l’immense salle de la brasserie, chef d’œuvre de l’Art déco.

(Photo : Jean Ber)

(Photo : Jean Ber)

Les temps ont bien changé depuis l’époque où la brasserie du boulevard du Montparnasse était assidûment fréquentée par les peintres ( Picasso, Braque, Léger, Dali, Giacometti, César…), les écrivains (Beckett, Sartre, Camus – qui viendra y fêter son Nobel de littérature en 1957, Miller, Cendrars, Sollers…), les stars (Ava Gardner, Rita Hayworth…), sans oublier les politiques (« les gouvernement se font chez Lipp et se défont à La Coupole », disait-on), les journalistes, les gens de la mode, etc. Si les temps ont bien changé, si les artistes en galère n’y ont plus d’ardoise et si la brasserie ne sert plus de poste restante, l’esprit Coupole, lui, est encore là… comme les peintures des pilastres ou l’incroyable mosaïque du sol, directement inspirée du cubisme avec, de-ci de-là, de petites touches égyptiennes ou précolombiennes.

L'esprit de La Coupole...

(Photo : Danielle Birck/ RFI)

(Photo : Danielle Birck/ RFI)

... c’est avant tout l’accueil. « On est tout de suite mis en relation avec le lieu et d’une certaine manière avec les autres. Et ça, c’est l’esprit brasserie », explique Gilles de Bure, qui parle en connaissance de cause puisqu’il est le co-auteur d’un ouvrage sur les brasseries[1] et qu’il a assuré la direction artistique de la toute nouvelle décoration de la coupole, inaugurée lors des Journées du patrimoine, en septembre dernier. 

Gilles de Bure

"L'esprit brasserie n'est pas mort"

20/10/2008 par Danielle Birck


Une expérience qui a permis à ce familier de la brasserie de mesurer, une fois de plus, cet esprit particulier de La Coupole et de son personnel, lequel, en dépit de la gêne occasionnée par la mise en place des peintures de la coupole – il avait fallu établir un périmètre de sécurité au cœur même de la salle, en son centre névralgique  –  a vécu cette gêne dans « la bonne humeur et la convivialité et, surtout, a manifesté attention et intérêt » pour la démarche artistique et sa réalisation. « La manière dont ils se sont tous investis dans cette aventure a été pour nous quelque chose de formidable », souligne Gilles de Bure.

Une aventure collective

Ricardo Mosner (g.) et Fouad Bellamine(Photos : Jean Ber)

Ricardo Mosner (g.) et Fouad Bellamine
(Photos : Jean Ber)

Pour décorer cette coupole,  il a été décidé de faire appel à quatre artistes d’horizons géographiques différents, métaphore des quatre points cardinaux, et de quatre continents. Pour le nord/l’Europe, c’est la Française Carole Benzakem qui a été choisie par le comité artistique ; pour le sud/ l’Afrique, le Marocain Fouad Bellamine ; pour l’est/l’Asie, le Chinois Xiao Fan, et pour l’ouest/les Amériques, l’Argentin Ricardo Mosner. Ce dernier étant en quelque sorte le trait d’union avec le patrimoine pictural de La Coupole, puisque c’est lui qui avait été sollicité pour peindre le dernier pilastre, le seul à ne pas avoir été recouvert d’une œuvre, depuis la création de la brasserie. C’était en 1987, lors de l’entrée de La Coupole dans le groupe Flo et de sa restauration.

Xiao Fan (g.) et Carole Benzaken(Photos : Jean Ber)

Xiao Fan (g.) et Carole Benzaken
(Photos : Jean Ber)

La Coupole qui allait renouer désormais avec sa tradition artistique en accueillant des expositions. La dernière étant celle qui, actuellement, présente les quatre artistes ayant réalisé « la coupole de La Coupole ». Portraits des artistes, biographies, œuvres, mais aussi des photos du making off de cette réalisation à huit mains, qui permettent de prendre conscience de son ampleur et donnent la véritable dimension de l’œuvre finale et de la coupole avec ses 8,5 mètres de diamètre. Et qui permet de comprendre la difficulté représentée par la mise en place finale des quatre toiles peintes par les artistes. « Quand les toiles ont été réalisées, explique Gilles de Bure,  une équipe de peintres de décors de théâtre a été mobilisée pour le marouflage sur cette surface courbe. Puis les artistes sont venus faire eux-mêmes les raccords entre les toiles ». Auparavant « chacun a eu la possibilité de savoir ce que les autres allaient faire, avec des contacts permanents entre les artistes ».

(Photo : Jean Ber)

(Photo : Jean Ber)


Le résultat, haut en couleurs, n’en est donc pas moins harmonieux, mêlant figuratif, abstrait et symbolique, comme la ville, la mer, le ciel ou le paysage onirique, pour célébrer la femme, la nature et la fête, en écho aux thèmes des piliers d’origine, qui ont fait la renommée de La Coupole.

                       La Coupole et sa coupole

« En 1926, nous aurions eu les pieds dans le charbon et les épaules coincées par le bois, puisque c’était un dépôt de bois et charbon ! Un an plus tard, c’est La Coupole, construite en dur, avec plein de piliers qui vont chercher la terre ferme très profond, car c’est un gruyère, nous sommes sur une carrière. A cette époque la coupole est sur trois niveaux : le sous-sol avec le fameux dancing , le rez-de-chaussée avec la brasserie et le premier étage, une sorte d’annexe de la brasserie où l’on jouait aux boules, organisait des bals, des banquets… Entre ce premier étage et la brasserie, il y avait un oculus, souvent fermé par une toile et au plafond du premier étage, une vraie coupole qui diffusait la lumière zénithale. Quand on a construit en 1987 un immeuble au dessus de La Coupole, le premier étage a disparu et cette coupole qui est au-dessus de nos têtes est juste un rappel, une évocation de la coupole d’origine ».                                                       

                                                          Gilles de Bure

(Photo : Danielle Birck/ RFI)

(Photo : Danielle Birck/ RFI)

[1] Quand les brasseries se racontent, par Eric Neuhoff et Gilles de Bure, éditions Albin Michel