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Nectar

Jura : L’or du vin jaune

par Marc Verney

Article publié le 26/01/2009 Dernière mise à jour le 06/02/2009 à 18:23 TU


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Les vignes du Jura s’étendent autour d’une soixantaine de villages, sur quelque 80 kilomètres, sur le flanc ouest du massif du  Revemont. Du nord au sud, de Champagne-sur-Loue, près de Salins-les-Bains, jusqu’à Saint-Amour, aux portes de la plaine bressane, on croise des bourgs et  cités qui ont nom Arbois, Pupillin, Château-Chalon, L’Etoile... Parmi ces vins, chantés par Rabelais et présents sur la table des rois de France dès le XIIIe siècle, un nectar intensément doré domine tous les autres: le vin jaune. Elaboré à partir du cépage savagnin, il doit être élevé au moins six ans et trois mois avant d’être dégusté. Ce vin unique a sa fête chaque année, à la fin janvier, avec la « Percée » du vin jaune. Cette année, ce sont les villages de Passenans et Frontenay qui accueillent l’événement, les 31 janvier et 1er février. Mmise en bouche, avec une balade sur la route des vins du Jura, entre paysages et saveurs.

A la frontière entre plaine et montagne, la route des vins du Jura serpente sur un Revermont qui hésite entre les champs de culture et les prés herbus d’altitude, constellés de robustes vaches montbéliardes. Les vignes poussent sur des coteaux orientés sud, sud-ouest dont l’altitude se situe entre 250 et 480 m. C’est là qu’affleurent les argiles et les marnes, bleues, rouges ou noires propices à la culture du vin. Peu de terroirs peuvent se prévaloir d’une telle variété de paysages.

L'automne est sans doute la plus belle saison pour arpenter la route des vins du Jura.
(Photo : Marc Verney/ RFI)

L'automne est sans doute la plus belle saison pour arpenter la route des vins du Jura.
(Photo : Marc Verney/ RFI)

Les premiers kilomètres se déroulent dans les environs de Champagne-sur-Loue. La Loue, affluent du Doubs, s’enroule autour des ceps, bien camouflés ici par les bois et les replis de terrain. La terre y donne majoritairement des vins blancs sous l’appellation Côtes-du-Jura. Deux familles s’y côtoient et s’y assemblent: les chardonnay, floraux et fruités, et les savagnin, intenses et racés.

Première appellation d'origine

Un saut sur la route nationale 83 et nous voici déjà dans le vif du sujet: Montigny-les-Arsures et Arbois, fiefs du cépage trousseau. Les treize communes de l’appellation Arbois, bâties autour de collines présentent des sols composés de marnes irisées très profondes. Le vin issu du trousseau, à la robe rubis et aux arômes de fruits rouges, offre ici des notes minérales bien perceptibles.

Fière d’avoir été la première Appellation d'Orgine contrôlée (AOC) en 1936 (le 15 mai), Arbois, «petite cité comtoise de caractère» n’a pourtant pas été épargnée : son vignoble, attaqué par l’impitoyable phylloxéra en 1885 est passé de plus de 800 ha à 400 ha en 1906 (700 ha en 2009). Dans la ville, traversée par la Cuisance, le majestueux clocher de pierre rousse de l’église Saint-Just domine maisons vigneronnes et fermes jurassiennes. Chaque année, au début du mois de septembre, la fête du Biou (du nom de la grappe géante offerte à Dieu en signe de reconnaissance) anime les rues de la cité.

Vue générale de la petite cité d'Arbois et de ses vignobles
(Photo : Marc Verney/ RFI)

Vue générale de la petite cité d'Arbois et de ses vignobles
(Photo : Marc Verney/ RFI)


On quitte Arbois par la route de Pupillin, haut lieu d’un autre cépage spécifique au Jura, le poulsard (ou ploussard). En quelques virages, la route domine Arbois. C’est là, sur la bordure ouest du massif du Revermont, que l’ensoleillement est le plus ardent... au grand bénéfice du vin de Pupillin, un rouge clairet et raffiné. Les habitants, d’ailleurs, le clament haut et fort: «A Arbois le nom, à Pupillin le bon»...

Etape suivante : Poligny, capitale du comté et autre richesse régionale. Par temps clair, le regard s’envole jusqu’à Dijon, vers «l’autre côte», celle des vins de Bourgogne, mince trait noir à l’horizon. De part et d’autre de la très fréquentée route Lyon-Strasbourg, se succèdent hameaux et villages vignerons juchés sur les collines boisées.

Le « roi » savagnin

On approche peu à peu du site de Château-Chalon et de son petit vignoble qui enrobe le rocher sur lequel sont perchées les maisons. Quatre-vingt-dix hectares seulement, pour produire, sous cette appellation Château-Chalon, le vin jaune le plus réputé, au vieillissement unique en son genre. Vin de caractère impressionnant, réalisé uniquement à base de savagnin, ses vendanges se déroulent à la mi-octobre lorsque le raisin a atteint sa plus grande maturité. Sa vinification est immuable: mise en fût de chêne, lente évaporation de la «part des anges» et formation d’un voile qui protège le liquide de l’air.

A gauche: vignoble près d'Arbois. A droite, le village de Château-Chalon, perché sur son rocher dominant la Seille.
(Photo : Marc Verney/ RFI)

A gauche: vignoble près d'Arbois. A droite, le village de Château-Chalon, perché sur son rocher dominant la Seille.
(Photo : Marc Verney/ RFI)


Après six ans et trois mois de patience, le vin à la robe couleur d’or est transféré dans un « clavelin » de 62 cl, seule bouteille autorisée depuis le XVIIIe siècle pour son conditionnement. Au palais, le Château-Chalon, vin de grande garde, développe une multitude d’arômes: noix, fruits secs ou à chair blanche, notes florales légères... L’appellation est sous le contrôle strict d’une commission d’évaluation mixte vignerons/pouvoirs publics et certaines années, estimées mauvaises, ne porteront jamais le nom Château-Chalon!

Il faut maintenant suivre la Seille en direction d’Arlay puis piquer à travers champs jusqu’à L’Etoile, petit bourg vigneron calé entre les collines, au nord de Lons-le-Saunier. Les blancs jurassiens issus du cépage chardonnay sont ici chez eux! Les vins de l’appellation Etoile, longs en bouche, minéraux et au goût prononcé de noisette seront chambrés avant toute dégustation.

La suite de la route des vins, entre Lons et Saint-Amour, aux portes de l’Ain, réserve encore de belles surprises. On y retrouve l’appellation générale Côtes-du-Jura, avec les villages vignerons du Revermont, et leurs bâtisses de pierres blondes, patinées par les siècles. Comme Montaigu, où vécut Rouget de Lisle, l’auteur de La Marseillaise et occasionnel vigneron… 80 kilomètres plus loin, voilà Saint-Amour, une des plus anciennes cités de Franche-Comté, fondée au VIe siècle.

Le vignoble du vin jaune entoure la petite cité de Château-Chalon.
(Photo : Marc Verney/ RFI)

Le vignoble du vin jaune entoure la petite cité de Château-Chalon.
(Photo : Marc Verney/ RFI)

Enfin, c’est à savoir : le pays a été un pionnier dans l’application des idées révolutionnaires sur la mise en commun des ressources. En 1906, était fondée la Coopérative fruitière vinicole d’Arbois. Bientôt suivie de celles de Voiteur, Poligny, le Vernois et Pupillin. Toutes existent encore au XXIe siècle et fournissent des bouteilles de qualité. A consommer, bien sûr, avec modération ....

              Cinq cépages pour quatre appellations

Avec une superficie de moins de 2000 ha, les 200 domaines jurassiens produisent en moyenne 90 000 hectolitres de vins rouge et blanc par an répartis en quatre appellations d’origine: Arbois, Château-Chalon, L’Etoile et Côtes du Jura.

Le trousseau: rouge rubis, il a des reflets qui évoquent la cerise. Au nez: fruits rouges et noirs, notes épicées, un tantinet poivrées.

Le poulsard (ploussard): rouge rosé aux tons coralliens; délicat et tendre au nez, complexité aromatique forte en bouche qui se densifie avec l’âge.

Le pinot noir: cépage royal de Bourgogne, il s’est également implanté dans le Jura. On lui préférera néanmoins les vins issus des trousseau et poulsard.

Le savagnin:  ce cépage, cousin des traminer d’Alsace pourrait provenir de Hongrie ou d’Autriche. Composant exclusif du vin jaune, le savagnin sert également à produire d’excellents Côtes du Jura blancs et se marie en assemblage avec le chardonnay en lui apportant sa fougue et son caractère inimitable. Robe dorée incroyable

Le chardonnay: cépage le plus répandu du vignoble jurassien (42% de la surface). Le chardonnay recèle arômes fleuris et tonalité printanière. Robe jaune claire, brillante et limpide.

Caveau à Passenans. C'est là (et dans la commune voisine de Frontenay) que se déroule la Percée du vin jaune 2009, les 31 janvier et 1er février.
(Photo : Marc Verney/ RFI)

Caveau à Passenans. C'est là (et dans la commune voisine de Frontenay) que se déroule la Percée du vin jaune 2009, les 31 janvier et 1er février.
(Photo : Marc Verney/ RFI)