par Danielle Birck
Article publié le 25/02/2009 Dernière mise à jour le 03/03/2009 à 17:10 TU
Cela a commencé par le vin - dont Lugdunum détient le monopole du commece - et l’huile. Le vin vient d’Italie, puis de Grèce, de Tunisie, et même du Proche-Orient. L’huile et la saumure d’Afrique et du sud de l’Espagne. La boisson accompagne la viande et l’art d’accommoder le cochon fera la réputation d’un certain Septimus, aubergiste de son état, déjà… Mais c’est à la Renaissance, au milieu du XVIe siècle, grâce à la reine Catherine de Médicis qui fait venir des cuisiniers florentins à sa cour, que les produits du terroir vont être mis en valeur et favoriser l’apparition d’une cuisine régionale tirant parti des ressources des régions alentour. Dans le même temps, la proximité de Lyon avec l’Italie en a fait un des centres européens du commerce des épices.
Les atouts des produits régionaux
Des ressources à la fois variées, couvrant quasiment tous les secteurs de l’alimentation, et de qualité. Là, il faut déplier une carte, comme le fait notre guide, Anne, pour mieux pointer du doigt le lien entre la richesse des régions et celle de la gastronomie lyonnaise.
« Au nord-est, dans le département de l’Ain, la Dombes et ses mille étangs artificiels ». Creusés par les moines au Moyen-âge, ils abritent notamment les brochets dont on fera les quenelles. « Toujours au Nord-est, la Bresse et ses volailles » dont l’appellation d’origine contrôlée (AOC) date de 1957, « le Bugey avec son vin mais aussi les écrevisses du lac de Nantua, à la base de la fameuse sauce du même nom qui accompagne les quenelles. Au nord, le Charolais et sa viande de bœuf, enfin, le Beaujolais et ses vignobles anciens ».
Au Sud, « la vallée du Rhône fournit fruits et légumes et ses vins ». On ajoutera l’Ardèche et ses marrons, la Provence et ses amandes et le Dauphiné, avec sa « cochonaille » et ses fromages comme le Saint-Marcellin ou le Saint-Félicien… Mais côté charcuterie et produits de la ferme, la palme revient aux monts du Lyonnais, à l’ouest. « Les fruits rouges également, sont une spécialité de cette région où ils ont leur fête annuelle, en septembre, à Thurins ». Cette commune de quelque 2400 habitants située à une vingtaine de kilomètres de Lyon revendique d’ailleurs le titre de « capitale de la framboise » …
Rabelais, les Mères et Bocuse
Rien d’étonnant donc à ce que la gastronomie lyonnaise soit reconnue et célébrée. Et notre guide de citer Rabelais, « qui a vécu trois ans à Lyon, alors qu’il était médecin à l’Hôtel Dieu, et fera référence à plusieurs reprises dans son œuvre à la cuisine lyonnaise ». Dans Pantagruel, notamment, publié en 1532, il aligne une énumération sans fin de produits et de plats typiquement lyonnais. Et puis, c’est à Lyon que sera célébré, en 1600, le mariage entre le roi Henri IV et l’italienne Marie de Médicis, laquelle apporte, entre autres, l’artichaut. Lequel sera marié un peu plus tard avec le foie gras : un incontournable toujours servi en entrée au menu de la Mère Brazier.
C’est le moment de parler des femmes, de ces « mères lyonnaise » (1) qui vont asseoir la notoriété de la gastronomie locale. « Au XIXe siècle, les ‘soyeux’, les fabricants et négociants de la soie, traitent leurs affaires à domicile autour d’une bonne table », explique notre guide. On comprend toute l’importance de la qualité des produits et de la saveur des mets servis. Aux fourneaux, les cuisinières acquièrent un savoir-faire qu’elles vont consigner et transmettre.
Puis le déclin de cette grande bourgeoisie des soyeux va entraîner « l’émancipation de ces femme qui vont s’établir à leur compte, ouvrir leurs propres restaurants ». Elles y proposent des plats familiaux, notamment pour les canuts, les ouvriers qui travaillent au tissage de la soie. Si le choix des plats est peu étendu, l’exécution est impeccable. D’où le caractère si particulier de la gastronomie lyonnaise, alliance entre la grande cuisine bourgeoise et la cuisine populaire des « bouchons lyonnais ».
les « Bouchons » |
Véritable institution lyonnaise, les fameux « bouchons », ces petits restaurants typiques où l’on sert sans façon une copieuse cuisine traditionnelle, nous renvoient effectivement au dur labeur des canuts que nous décrit notre guide : « c’est à 5 ou 6h du matin qu’il entament leur longue journée de travail (15 à 16 heures en été, 12 heures en hiver), l’estomac lesté seulement d’un café. Le petit-déjeuner, le « mâchon », ce sera à 9 heures, au « bouchon » avec au menu charcuterie, lentilles, pommes de terre, le tout arrosé de vin »…
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Une tradition que de nouvelles générations de chefs lyonnais contribuent à faire vivre, avec inventivité. Une association, les Toques Blanches, en regroupe une centaine, sur Lyon et la région Rhône-Alpes. Mais bien sûr, un nom continue de symboliser la gastronomie lyonnaise, celui de Paul Bocuse, leur « ancêtre » à tous, et toujours en activité, celui que Gault-Millau a élu « cuisinier du siècle » en 1989, et dont la notoriété n’a cessé de rejaillir sur la ville et de faire rayonner sa cuisine à l’international.
(1) sur les "Mères lyonnaises" on peut lire et écouter la chronique de Jean Vitaux sur le site de l'Académie française:
http://www.canalacademie.com/Les-meres-lyonnaises-un-modele-de.html