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« Les marins font la mode »…

par Danielle Birck

Article publié le 06/03/2009 Dernière mise à jour le 09/04/2009 à 16:40 TU

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Copiées, détournées, sublimées, les tenues officielles de la Marine sont passées, de 1840 à nos jours, du pont des navires aux podiums des défilés. Des costumes marins pour les enfants de la reine Victoria aux créations de Chanel, Yves Saint-Laurent ou Jean-Paul Gaultier, en passant par le tricot rayé ou le caban de tous les jours, ce sont plus de 150 ans de mode vestimentaire influencée par l’univers des marins que le musée national de la Marine met en scène dans cette exposition, Les Marins font la mode, présentée jusqu’au 26 juillet 2009.

 

Coco Chanel, 1917(Photo : Danielle Birck/ RFI)

Coco Chanel, 1917
(Photo : Danielle Birck/ RFI)

Le visiteur est frappé d’emblée par la quantité et la qualité des pièces rassemblées à l’occasion de cette exposition, fruit de « deux ans de travail et de recherches, d’enquête policière, précise Agnès Paris, une des commissaires. On a commencé par les revues de mode, du XIXe siècle à nos jours, pour essayer d’identifier les vêtements qu’on aimerait présenter au public en fonction de notre discours qui était d’évoquer les glissements de l’uniforme de la marine, à travers notamment les tenues d’enfant au XIXe siècle et la haute couture aujourd’hui, en commençant par Chanel ». 

C’est en effet Coco Chanel qui va lancer le style marin, lorsqu’elle ouvre sa boutique à Deauville, la station chic de la côte normande, et crée des tenues fluides en jersey « inspirées des cols marins et des marinières », comme le modèle de cette époque qu’on peut voir au début de l’exposition.

Le trio de tête

Dès lors, les grands couturiers ne vont pas cesser de revisiter le style marin, certains de manière assez constante. Comme bien sûr, Jean-Paul Gaultier, qui s’est affiché d’emblée sous le signe du marin avec le tricot rayé,  pour des tenues féminines ou masculines.Yves Saint-Laurent également, « car c’est lui qui le premier a eu l’idée, notamment, d’appliquer le caban aux femmes et a créé des tenues extrêmement élégantes inspirées du style marin ».

Yves Saint Laurent(Photo : Danielle Birck/ RFI)

Yves Saint Laurent
(Photo : Danielle Birck/ RFI)


Karl Lagerfeld, pour Chanel, a lui aussi créé des modèles « très simples et élégants » inspirés par le style marin, dans la ligne de la fondatrice de la maison de couture.  Chaque créateur  de ce « trio de tête » est à l’honneur, avec plusieurs modèles sur le podium d’un défilé reconstitué au centre de l’exposition.

John Galliano/Dior(Photo : Danielle Birck/ RFI)

John Galliano/Dior
(Photo : Danielle Birck/ RFI)

Sont  également présents d’autres grands couturiers qui ont fait référence au style marin de manière plus ponctuelle, avec des modèles parfois étonnants, comme John Galliano, pour Dior, dont on peut voir une robe qui « tient à la fois du voilier et de l’uniforme de marin. Quelque chose d’unique et d’un peu fou, qui dépayse », commente Agnès Paris, ajoutant : « c’est d’ailleurs quelque chose qui ressort souvent : le dépaysement, partir, le bleu de la mer et du ciel, le voyage »… Autre pièce étonnante, le bonnet de marin décliné en capeline géante par Givenchy.

(Photo : Danielle Birck/ RFI)

(Photo : Danielle Birck/ RFI)

Des plus sages aux plus fous

Tout cela a pourtant commencé de manière assez sage, très exactement « en 1846 avec la reine Victoria d’Angleterre qui, pour les vacances à bord du yacht de la famille royale, a l’idée d’habiller ses enfants avec des répliques de tenues de matelot de l’époque : le col marin bleu, la vareuse bleue, le chapeau de paille à ruban flottant », explique Agnès Paris. Cette mode va gagner à la fin du XIXe siècle toutes les couches de la société, de l’aristocratie jusqu’aux familles ouvrières « aisées », pour devenir « la tenue du dimanche des enfants et celle des premiers communiants dans les années 1930En fait, cette tenue marine devient un uniforme d’enfant »,  résume Agnès Paris.

Autre « uniforme », celui des « canotiers parisiens qui, à partir des années 1830/1840,  détournent et adoptent certaines pièces de l’uniforme marin  pour canoter le dimanche sur la Seine ou la Marne ».

(Photo : Danielle Birck/ RFI)

(Photo : Danielle Birck/ RFI)

Progressivement, les principales pièces du vestiaire réglementaire de la marine – maillot rayé, caban, pantalon à pont, bonnet – vont passer dans l’habillement civil quotidien. Elles vont devenir aussi prétexte à  « exercices de style » pour les créateurs dont l’exposition offre plusieurs exemples, des années 1960 à aujourd’hui, « des plus sages aux plus fous ». Avec aussi « des clins d’œil à l’univers de la parfumerie » : emballages de parfums ou de savons en forme de bonnet de mari. Quant à l’ancre de marine « présente initialement de manière discrète sur les boutons ou les poignés des uniformes, elle va être déclinée sous forme de bijou,  ceinture, chaussure, carré Hermès … toutes formes d’accessoires pour les femmes, tout au long du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui ».  

Bref, d’une manière ou d’une autre,  les grands couturiers et la mode n’arrêtent pas de revisiter le style marin qui « reste tapi dans l’ombre, prêt à repartir à l’assaut des collections. Cette année, on le voit bien dans le prêt-à-porter : les marinières et  les pantalons à pont sont partout, y compris dans les chaînes de grande distribution », constate la commissaire.

(Photo : Danielle Birck/ RFI)

(Photo : Danielle Birck/ RFI)

Détour par l’imaginaire

On peut se demander la raison d’une telle perméabilité entre les deux univers… Un petit détour par l’imaginaire s’impose. « Oui, parce que les couturiers n’ont pas été influencés seulement par les pièces textiles, mais aussi par le cinéma, les livres ou des BD comme Corto Maltese », explique la commissaire. Et de citer Balmain qui s’est explicitement inspiré du personnage créé par Hugo Pratt.

Marin tatoué d'un tricot rayé (Photographie de la collection Jérôme Pierrat).© MNM/ Sébastien Dondain

Marin tatoué d'un tricot rayé (Photographie de la collection Jérôme Pierrat).
© MNM/ Sébastien Dondain

C’est pourquoi l’exposition fait une place à ces images mythiques du marin passées dans la culture populaire et de là dans l’imaginaire des couturiers. Au travers d’affiches, de photos, d’extraits de films c’est un marin tour à tour héros, aventurier, bon ou mauvais garçon, viril ou androgyne, tatoué, etc.,  qu’on découvre.  Bref, « le marin, c’est peut-être aussi l’auberge espagnole : on y trouve ce qu’on y amène », conclut Agnès Paris qui suggère une autre exposition consacrée entièrement à cet imaginaire du marin…

Pourquoi pas ? Un vent nouveau souffle sur le musée de la Marine, perché sur la colline de Chaillot, dans l’imposant et sévère édifice qui abrite également le musée de l’Homme en pleine rénovation. Pour preuve, cette exposition Les Marins font  la mode, qui, pour l’amiral Jean-Noël Gard, directeur du musée de la marine, est « presque un cas d’école, où l’on retrace 150 ans d’histoire, en racontant comment s’est créé l’uniforme au milieu du XIXe siècle jusqu’aux dernières créations de la mode ». Car, pour lui, « un musée est un lieu où l’on doit faire le lien entre le passé et le présent. En particulier, c’est en montrant que le monde maritime est dans le présent, qu’on arrivera à intéresser des jeunes qui ne pensent pas aux musées ». D’où aussi Les multiples activités pédagogiques et culturelles organisées autour de l’exposition en direction d’un public scolaire et de jeunes.

(Photo : Danielle Birck/ RFI)

(Photo : Danielle Birck/ RFI)

            Le ministère de la Défense et ses musées

L’inauguration de l’exposition Les Marins font la mode, le 24 février dernier, a coïncidé avec la signature officielle des contrats d’objectifs et de moyens (COM) entre le ministère de la Défense et les trois musées sous sa tutelle : les musées de la Marine, de l’Armée , de l’Air et de l’Espace. Trois établissements publics, qui en 2008 ont reçu 2 millions de visiteurs et qui sont engagés dans un processus de modernisation et de réorganisation visant à mieux faire connaître au grand public leurs collections, notamment par une offre culturelle variée et un meilleur accueil des visiteurs.

 

Chaque établissement a donc défini un certain nombre d’objectifs à atteindre pour lesquels le ministère de son côté s’engage à fournir des moyens financiers et des subventions. Lesquels ne couvrent pas à 100% les besoins des musées, qui s’engagent par ailleurs à rechercher des ressources propres, notamment via le mécénat.

Jean-Paul Gaultier (Photo : Danielle Birck/ RFI)

Jean-Paul Gaultier
(Photo : Danielle Birck/ RFI)