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Patrimoine

La nature exubérante du Brésil vue par les Gobelins

par Annie Gasnier

Article publié le 25/09/2009 Dernière mise à jour le 30/10/2009 à 09:53 TU

Détail du "Combat des animaux".(Photo : Annie Gasnier/ RFI)

Détail du "Combat des animaux".
(Photo : Annie Gasnier/ RFI)

La tradition de la tapisserie française s´offre aux visiteurs du Musée historique national de Rio de Janeiro, jusqu´au 15 novembre prochain, date où se refermera l´Année de la France au Brésil. Vingt oeuvres produites à la Manufacture royale des Gobelins, appartenant à la prestigieuse Tenture des Indes, anciennes et nouvelles, tissées sur ordre de Louis XIV.

Accrochées aux hauts murs du Musée de Rio, dans une lumière mordorée rappelant des chandelles, les tapisseries des Anciennes et des Nouvelles Indes ont retrouvé leur majesté. Réunies pour la première fois loin du Garde meuble national, ces oeuvres datant des XVIIe et XVIIIe siècles peuvent être admirées dans leur ensemble. Incomplet cependant puisque des huit tapisseries formant la collection, une manque à l´appel, perdue de vue à Versailles durant la Révolution française.

Cette série de tapisseries évoque la nature du Brésil et d´Amérique du sud, les « Indes » de l´époque. Elles ont pour origine des peintures signées Albert Eckhout. L´artiste hollandais peignit, en grandeur nature, son enchantement pour la nature luxuriante et encore vierge du nord-est brésilien, lorsque la Hollande occupait la région (1636-1644). Offertes au roi Louis XVI en 1679 par l´ancien gouverneur hollandais du Pernambouc, le Prince Jean-Maurice de Nassau-Siegen, elles servirent de modèles aux artisans de la Manufacture des Gobelins.

Pour les reproduire avec fidélité, les peintures d´Eckhout devinrent des « cartons », ces modèles à grandeur d´exécution, destinés à être fixés sur le métier à tisser. Ils étaient détruits au fur et à mesure que la tapisserie avançait. Mais il en reste, miraculeusement épargnés, et exposés dans la même galerie. Ils témoignent de la liberté prise par les artisans successifs de ce fabuleux travail.

« Chaque reproduction apportait un nouveau filtre à la vision première, et nous admirons ici un Brésil revisité, redessiné, qui correspondait à l´idée qu´on se faisait à l´époque du Nouveau Monde », explique Marie-Hélène Massé-Bersani. La directrice de la production aux Gobelins est venue à Rio, superviser l´installation de l´exposition.

Galerie du Musée historique national de Rio où se tient l'exposition "Tapisseries françaises" consacrée aux oeuvres des Gobelins.(Photo : Annie Gasnier/ RFI)

Galerie du Musée historique national de Rio où se tient l'exposition "Tapisseries françaises" consacrée aux oeuvres des Gobelins.
(Photo : Annie Gasnier/ RFI)

Avec ce Nouveau monde, où se mélangent Amériques et Afrique, leurs mystères et leurs rêves, apparaît alors le terme « exotisme ». La faune et la flore sud-américaines surprennent donc. Par exemple, dans la tapisserie L´éléphant ou le cheval Isabelle : sous des fruits du cajou, un toucan, un fourmilier, un tapir, et puis cet éléphant à la trompe levée, africain car l´imposant animal n´a jamais été vu au Brésil. Autres exemples, ce lama blanc immaculé au bord d´une rivière emplie de poissons, loin des sommets des Andes, un chameau, un lion, un rhinocéros... Des êtres humains sont là, des noirs asservis, et des indiens ressemblant au Bon sauvage des essais de Montaigne.

La Tenture des Nouvelles Indes prit plus de libertés avec les oeuvres d´Eckhout, réalisée cinquante ans après la première série. La Manufacture demanda à un artiste, célèbre pour ses tableaux de chasse, de réaliser de nouveaux cartons. Alexandre-François Desportes ne voulait pas se contenter de réaliser des copies, et il mêla la faune des Amériques, d´Afrique et d´Europe. Dans Le Combat des animaux, le tapir attaqué par un félin noir, comme en témoigne un carton de l´exposition, est, par magie, attaqué par un lion. Le fameux Roi portés par deux maures devient La Négresse portée dans un hamac. Des paons et des chouettes cotoient des perroquets.

En dépit de ces charmants anachronismes, la Tenture des Nouvelles Indes connût un immense succès, et fût tissée douze fois entre 1740 et 1789. Les rois les utilisaient pour des cadeaux diplomatiques, et pour diffuser l´art et le savoir faire français. Séparemment, des tapisseries peuvent être admirées dans divers musées d´Europe, ou chez des particuliers.

Aux temps des rois, les ouvriers des Gobelins mettaient deux à quatre ans pour tisser une tapisserie de 20 m2, en laine et soie. Aujourd´hui, un dessin aussi fin et compliqué demanderait huit à dix ans. Mais ce patrimoine est préservé, et l´exposition Patrimoine et création présente aussi des oeuvres contemporaines. Celle de Carole Benzaken est un clin d´oeil aux brésiliens, car elle présente Les acteurs et spectateurs d´un match de football.