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Santé

Interdiction du tabac, la France à la traîne

par Dominique Raizon

Article publié le 03/10/2006 Dernière mise à jour le 03/10/2006 à 17:30 TU

En France, l'interdiction de fumer dans les lieux publics, sans exception pour les cafés, hôtels, restaurants et bureaux de tabac, sera effective au plus tard le 1er septembre 2007.(Photo: RFI)

En France, l'interdiction de fumer dans les lieux publics, sans exception pour les cafés, hôtels, restaurants et bureaux de tabac, sera effective au plus tard le 1er septembre 2007.
(Photo: RFI)

Un rapport de l’organisation mondiale de la santé (OMS) publié en mars dernier établit qu’il serait responsable de quelque 79 000 décès par an dans l’Union européenne -dont 72 000 dus au tabagisme passif à domicile et plus de 325 à celui subi au travail. Selon ce même rapport, en France, près de 5 900 décès dus au tabagisme passif seraient à déplorer. Le gouvernement, à l’instar des autres pays européens, envisage de durcir la loi, non sans provoquer une levée de boucliers chez les restaurateurs et les buralistes qui craignent que cela ait un impact sur leur activité.

La chanson a beau dire que «Dieu est un fumeur de havane», le tabac n’engendre pas que du plaisir ou, du moins, ce plaisir serait-il mal partagé. Un rapport réalisé sous la responsabilité de la Société européenne de pneumologie, de l’Institut national du cancer et d’autres organismes établit que, chaque année, l’infarctus du myocarde et les attaques cérébrales sont les premières causes de mortalité dues au tabagisme passif, suivies par les cancers du poumon et les maladies respiratoires chroniques.

«Le statu quo n’est plus possible», a déclaré le ministre de la Santé Xavier Bertrand. Ce dernier espère qu’en interdisant de fumer dans les lieux publics cela suscitera «un déclic sur les comportements et notamment sur l’attitude des parents dans le salon familial», comme il l’a expliqué devant la commission parlementaire. La mission «tabac» a adopté mardi son rapport préconisant une interdiction de fumer dans les lieux publics, sans exception pour les cafés, hôtels, restaurants et bureaux de tabac. Cette interdiction sera effective au plus tard le 1er septembre 2007, autrement dit après la présidentielle. Déjà en vigueur dans les autres pays européens, ces mesures coercitives à l’égard des fumeurs tardent à se mettre en place en France.

Le fumeur n’engage pas que sa propre santé : «la fumée d’une cigarette se consumant lentement dans un cendrier, inhalée par l’entourage du fumeur, est plus riche en monoxyde de carbone et certains autres composés que celle absorbée par le fumeur tirant sur sa cigarette», selon le Pr Bertrand Dautzenberg, vice-président de l’Alliance contre le tabac. En France, sur les quelque 5 900 décès dus au tabagisme passif (5 000, selon le ministère), le rapport précise  que 5 574 victimes l’auraient subi à domicile, et 289 au travail dont 25 dans les bars ou autres lieux dits de «convivialité». Dès le début des années 1990, l’OMS avait lancé des mises en garde en s’appuyant sur une augmentation de 34% des cancers du poumon chez les non-fumeurs, mais le tabagisme passif n’a été officiellement classé «cancérogène» qu’en 2002 par le centre international de recherche sur le cancer (Circ) de l’OMS.

Interdiction sans exception

Au motif qu’il s’agit non plus d’«éviter de gêner» les non fumeurs -comme le stipulait la loi Evin 1991- mais, désormais, de les «protéger», la majorité des membres de la mission parlementaire a décidé de donner un tour de vis. «La situation ne peut plus durer», a déclaré le rapporteur de la mission Pierre Morange (UMP, droite). Cependant, l’application de la nouvelle loi ou du prochain décret (le gouvernement n’a pas encore choisi) qui fâche avant l’heure à la fois les usagers, les restaurateurs et les buralistes est reportée non pas aux calendes grecques mais «avant septembre 2007», c’est-à-dire après la présidentielle.

La législation actuelle -relativement bien respectée dans les bureaux, les gares, les stations de métro et les écoles- est peu suivie dans les bars-tabacs et les restaurants où des zones de non-fumeurs doivent en principe être installées. Les syndicats prônent aujourd’hui une interdiction totale de fumer dans ces lieux ainsi que dans les discothèques et les casinos dont les 800 000 salariés sont les plus exposés au tabagisme passif. Le dirigeant du syndicat CGT Bernard Thibault, lui-même un gros fumeur, a reconnu que la question était «incontestablement d’actualité».

Une campagne de sensibilisation plus efficace

Les restaurateurs redoutent l’impact sur leur activité, soulignant que l’acte de fumer participe de la détente, du plaisir et de la convivialité. L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) a réaffirmé sa totale opposition à une telle mesure, prônant une campagne de sensibilisation et d’éducation «plus efficace». La Confédération des débitants de tabac, pour sa part, souligne que les buralistes ont déjà été ébranlés par l’augmentation de 45% du prix des cigarettes depuis 2003 ; elle déplore également que l’Etat, qui avait promis dans le cadre d’un plan d’aide signé en 2003 de confier aux débitants des missions de service public (vente de billets de train, de spectacles, de papiers administratifs), n’ait pas honoré ses promesses ; elle demande qu’«un délai de cinq ans [leur soit accordé] pour pouvoir s’adapter».

Avec ces nouvelles mesures, la France ne fera que suivre un mouvement général en Europe. En 2004, l’Irlande fut la première à imposer une interdiction totale de fumer dans les lieux publics. Depuis, l’Italie, la Suède, la Grande-Bretagne et l’Espagne ont à leur tour adopté des lois très draconiennes.