par Marion Urban
Article publié le 04/07/2007 Dernière mise à jour le 04/07/2007 à 13:40 TU
Les micro-organismes des espaces naturels protégés peuvent devenir une manne financière.
(Photo : AFP)
Le Kenya Wildlife Service (KWS), l’agence kenyane de protection de la faune et de la flore, a accordé le droit à la société danoise Novozymes, de faire un usage commercial de la diversité microbienne des parcs et réserves naturelles dont elle a la gestion.
Le contrat prévoit que si Novozymes commercialise des produits développés sur la base de microbes kenyans, le KWS percevra une commission et des royalties sur les ventes desdits produits.
Le partenariat, qui a un effet rétroactif à partir de mai 2007, inclut un transfert de technologie en matière de taxinomie, d’isolation et d’identification des micro-organismes ainsi que des programmes de formation d’étudiants kenyans.
L’accord KWS-Novozymes se conforme aux articles de la Convention internationale sur la diversité biologique (Rio de Janeiro, 1992).
Les lacs de soude du Kenya, repérables par les colonies de flamants roses qu’ils attirent, génèrent une foule de bactéries que les scientifiques n’ont pas fini de développer.
Novozymes, la société partenaire du KWS, a déjà déposé une « marque » d’hémicellulase*, le Pulpzyme, développé à partir d’un microbe de l’un des lacs kenyans.
Le Pulpzyme a une fonction très particulière. Il intervient dans le processus de transformation de la pulpe de bois en papier. Il permet de réduire de 20 à 40% l’emploi du chlore, un produit hautement polluant.
L’utilisation des bactéries dans la fabrication, la transformation ou la dégradation de matières premières est une alternative aux procédés chimiques classiques. On désigne communément le processus sous le nom de « biotechnologie blanche ».
La biotechnologie blanche est à la fois écologique et économique. Non seulement, les bactéries ne sont pas chères à la vente, mais elles réduisent à une seule étape un procédé qui souvent en compte plusieurs. D’où l’intérêt des industriels.
Novozymes est l’une des 150 sociétés de biotechnologie de la Medicon Valley, une région transfrontalière constituée du grand Copenhague (Danemark) et d’une partie de la Scanie (sud-ouest de la Suède).
Eléphants et microbes, même combat !
En août 2004, le KWS avait accusé de piratage biologique, la société de biotechnologie Genencor International. Une société, basée en Californie (États-Unis) dont on trouve des bureaux à New York et aux Pays-Bas.
Genencor International avait exploité des « extrêmophiles » (micro-organismes qui se développent dans des environnements extrêmes), prélevés dans les années 90 par des équipes de bioprospecteurs, dans les lacs salins de Nakuru et de Bogoria de la vallée du Rift.
Les chercheurs de Genencor avaient ensuite mis au point des enzymes, revendues au géant américain de produits de consommation, Procter & Gamble et à d'autres compagnies.
La découverte des nouveaux enzymes avaient été présentées comme une petite révolution pour les consommateurs soucieux de la mode et de l’environnement. En effet, elles ravivent les couleurs des textiles. Elles assouplissent et délavent les « blue » jeans, sans avoir recours à un décolorant.
Jack Huttner, l’un des dirigeants de Genencor, avait reconnu que l’un de ses employés avait fait partie de l’équipe de bioprospection, arguant que « l’expédition était purement académique. L'Université de Leicester (Royaume-Uni) était le prospecteur officiel. Tout ce que nous avons emporté est un tube d'échantillons d'ADN de l’environnement des lacs ». Genencor, qui dit « ne plus savoir exactement quand a eu lieu l’expédition », avait précisé « à l’époque, aucun texte ne stipulait que l’on partage les bénéfices des développements commerciaux avec les autorités kenyanes ».
Selon Genencor, les retombées financières de son « invention » ne se comptent qu'en « une somme à un chiffre de millions de dollars ».
Le KWS, dont la tâche habituelle est de protéger les macro-organismes comme les éléphants et les lions, a décidé de poursuivre en justice la société américaine pour le vol des microbes kenyans.
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* l'hémicellulase est un mélange d'enzymes capable d'hydrolyser les composants indigestes des fibres naturelles.
Pour en savoir plus:
http://www.ifremer.fr/envlit/pedagogie/microbescoquillages/microbes_11mxalm.html