par Marion Urban
Article publié le 17/07/2007 Dernière mise à jour le 17/07/2007 à 18:05 TU
L'Union européenne reste très divisée sur l'autorisation de culture d'une pomme de terre transgénique, mise au point par BASF, le géant allemand de la chimie. Utilisée à des fins industrielles et dans l'alimentation des animaux, cette variété de pomme de terre contient des gènes marqueurs de résistance aux antibiotiques.
Toutes les récoltes d'organismes génétiquement modifiés ont été suspendues depuis 1998 en Europe.
Réunis à Bruxelles le 16 juillet dernier, les 27 ministres européens de l’agriculture n’ont pu se mettre d’accord sur l’autorisation de culture de la pomme de terre transgénique, Amflora, mise au point par la société allemande BASF.
Onze pays ont voté contre la demande du géant chimique allemand : Irlande, Autriche, Malte, Luxembourg, Lettonie, Italie, Grèce, Chypre, Pologne, Hongrie et Danemark.
Six se sont abstenus : France, Roumanie, Espagne, Portugal, Bulgarie et Slovénie.
Dix ont approuvé la mise en culture d’Amflora : Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Finlande, Estonie, Lituanie, Slovaquie et République tchèque.
La Commission européenne devra, faute de votes majoritaires, rendre une décision finale dans les semaines à venir.
Magazine amidonné
L’Amflora est une variété de pomme de terre « toute en amidon », autrement dit, composée à 98% d’amylopectine.
Pour obtenir ce résultat, les chercheurs de BASF ont bloqué le développement de l'amylose, l'autre substance contenue dans la pomme de terre et qui possède ses qualités propres.
Une pomme de terre, c'est 75% d'eau, 5% de cellules et 20% d'amylopectine et d'amylose. Le rapport entre les deux composantes est en général de 75-25.
L’extraction de l'amylose indésirable dans la chaîne de production de l’amidon, coûte cher aux industriels. Dans l’Amflora, elle ne se retrouve plus que dans la peau.
L'amylopectine possède la faculté de retenir l'eau. Elle est antigluante et anticollante, ce qui lui confère des propriétés technologiques industrielles très intéressantes, notamment pour l'industrie du papier. Les couvertures de magazine sont plus brillantes grâce à elle.
L’amidon transformé a de multiples sous-produits que l’on retrouve dans la chimie fine, la cosmétologie, l’alimentation, les confiseries, les médicaments, les adhésifs, les traitements de surface et les matières plastiques biodégradables.
La pulpe sèche restante après la production de l’amidon et la peau des pommes de terre sont des produits d’alimentation pour les animaux ruminants. L’Amflora serait également destinée à cette industrie.
La pomme de terre EH92-5271
Les premiers essais de la variété de pomme de terre, Amflora, mise au point par BASF, ont débuté dans les années 1990 en Suède, jusqu’en 2001.
C’est en mars 2005 que la société allemande a soumis sa pomme de terre, répertoriée sous le code « EH92-5271 », à l’approbation de la très controversée Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA). L’AESA a la réputation de répondre systématiquement par l’affirmative à toutes les requêtes qui lui sont faites.
Une première évaluation du dossier EH92-5271 par l’AESA a été publiée en février 2006 : la pomme de terre transgénique a été déclarée exempte de « risques sanitaires pour l’homme et l’animal ». Un avis partagé par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
En décembre 2006 , la Commission européenne rendait une décision favorable, à la suite de l’évaluation scientifique de l’AESA.
Biotechnologie et OGM
Plusieurs déclarations au sein de la Commission européenne ont jusque là laissé entendre que l’Amflora, alias « EH92-527 », pourrait être cultivée, en dépit du moratoire existant sur les récoltes transgéniques en Europe.
Le 16 juillet 2007, avant la réunion de Bruxelles, une porte-parole de la Commission, Barbara Helferich, assurait aux journalistes que la Commission était « à 120% sûre que ce produit était absolument fiable (…) Nous autoriserons la production de cette pomme de terre ».
Le commissaire au commerce, Peter Mandelson, déclarait : « il y a un risque économique si l’Europe ne modifie pas son système d’autorisation des biotechnologies ». Arguant des projections démographiques qui portent à 9 milliards la population de la planète pour 2050, il ajoutait : « il est simplement irresponsable et indéfendable de récuser le rôle que les aliments transgéniques peuvent jouer pour combler les besoins alimentaires de la population ».
Les associations de défense de l'environnement et les organismes spécialisés dans la santé publique s'inquiètent de la présence de gènes marqueurs de résistance aux antibiotiques (ARGM) dans l'Amflora.
Les ARGM suivront-ils la transformation chimique jusqu'au produit destiné aux consommateurs ? Absorbés par les animaux, ne contamineront-ils pas toute la chaîne alimentaire ?
BASF voudrait débuter la culture commerciale de l'Amflora en 2008. Selon elle, le produit ne présente aucun risque pour la santé. Une autre variété de pomme de terre, résistante au mildiou, fait l'objet de cultures d'essai par BASF en Europe
BASF - Plant Science holding |
. BASF est une société allemande, filiale de l'ancien consortium IG Farben, tout comme Agfa, Bayer et Hoechst. |