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Planète

La bataille pour l'océan Arctique a commencé

par Marion Urban

Article publié le 02/08/2007 Dernière mise à jour le 02/08/2007 à 09:25 TU

Le navire de recherche scientifique Akademik Fyodorov a envoyé ce 2 août des mini sous-marins sous le pôle Nord pour revendiquer le territoire au nom du Kremlin. La fonte de la banquise qui libère progressivement le passage du nord-ouest et du nord-est entre l'Eurasie et l'Amérique, relance les convoitises des pays du cercle polaire et l'intérêt de tous les autres.

D'ici 25 ans, les passages des navires internationaux seront possibles pendant les mois d'été...(Photo : Yves Gladu)

D'ici 25 ans, les passages des navires internationaux seront possibles pendant les mois d'été...
(Photo : Yves Gladu)

 

« L’Arctique est russe », proclamait le 24 juillet, un jour avant son départ de Mourmansk (Russie), le chef de l’expédition scientifique polaire russe, Atour Tchilingarov.

Le navire de recherche scientifique Akademik Fyodorov, précédé par un brise-glace à propulsion nucléaire, devait envoyer des mini sous-marins sous la banquise afin de procéder à des prélèvements et planter un drapeau russe en titane sur les fonds marins du pôle Nord. Moscou revendique ces fonds comme « un prolongement naturel de la faille de Lomonosov », et donc de son territoire.

Pétrole, minerais et crabes

La fonte des glaces arctiques, due au réchauffement climatique, laisse entrevoir de fabuleux profits pour les cinq pays du cercle Arctique (Russie, États-Unis, Canada, Danemark, Norvège).

Au rythme actuel de la fonte, d’ici 25 ans, les passages des navires internationaux seront possibles pendant les mois d’été, et dans 50 ans, les routes maritimes de l’océan Arctique, très peu empruntées à ce jour, seraient dégagées huit mois par an.

La disparition de la banquise permettrait l’exploitation de gisements de pétrole et de minerais (diamant, or, argent, plomb, cuivre, zinc) jusque là protégés par la rudesse du climat et l’éloignement.

Oléoduc en Alaska (États-Unis).(Photo : Alaska National Wildlife Refuge)

Oléoduc en Alaska (États-Unis).
(Photo : Alaska National Wildlife Refuge)

Le Canada et la Russie ont obtenu une souveraineté de fait sur la glace arctique.

Les Canadiens invoquent les territoires historiques de pêche et de chasse de la population inuit, et les Russes celles des pêches traditionnels du crabe et du saumon.

Selon les deux États, l’Arctique glacé ou déglacé fait partie de leurs eaux intérieures.

La Convention sur le droit de la mer (1982) précise que les pays côtiers peuvent exercer leurs droits d’accès sur une zone de 12 milles marins (22,2km) mais cette limite peut être largement étendue. L’écart entre les îles canadiennes du nord peut atteindre 100km.

Des souverainetés contestées

Jusqu’il y a quelques années, le Canada avait montré peu d’intérêt pour ses territoires du nord et le Nunavut. Mais, la disparition de la banquise et ses conséquences économiques ont réveillé l’ardeur de ses dirigeants.

Au début du mois de juillet 2007, le gouvernement fédéral a décidé de financer la construction de 6 à 8 bateaux de patrouille de l’Arctique, une promesse électorale du Premier ministre Stephen Harper. A défaut de pouvoir contrôler toute la longueur de ses côtes, il s’agit pour Ottawa de faire acte de présence dans l’espace de ce qui risque de devenir une voie maritime internationale.

L’Union européenne, mais surtout les États-Unis contestent la souveraineté du Canada sur le passage du Nord-ouest qui relierait l’Atlantique au Pacifique.

Un voisin empressé

En 1969, les États-Unis font passer le supertanker Manhattan dans le passage du nord-ouest, ce qui provoque un tollé chez les écologistes. Ils feront établir par le Canada un traité de prévention de la pollution des eaux de l’Arctique, repoussant la circulation des navires, à 160km des côtes canadiennes.

La faune et la flore des régions nordiques sont extrêmement sensibles, et les accidents des rares bâtiments qui se sont présentés dans l’Arctique sont nombreux en raison de la glace et de la fragilité des coques des navires.

En 1985, les États-Unis envoient le brise glace Polar Sea dans les eaux de l’Arctique sans demander l’autorisation au Canada. L’incident diplomatique s’achève sur le constat que les deux pays sont en désaccord sur la gestion des eaux de l’Arctique.

Un autre incident viendra inquiéter le Canada, en 1999. Un navire océanographique chinois débarque à Tuktoyaktuk, une petite ville des Territoires du Nord-Ouest. L’ambassade du Canada à Pékin avait été informée du projet mais les autorités locales n’avaient pas été averties.

Une réorganisation des routes maritimes

L’Alaska, état américain du cercle Arctique, riche de son pétrole et d’une multitude de minerais, verrait son activité industrielle décupler avec la fonte de la banquise et l’ouverture d’une voie internationale. La perspective d’exploitation de nouveaux gisements ne laisserait pas insensible Washington.

Les populations autochtones qui peuplent majoritairement les côtes de l’Arctique subiraient de plein fouet les changements économiques.

Le canal de Suez et le canal de Panama verraient décroitre sensiblement leur trafic maritime.

(Photo : DR)

(Photo : DR)