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Pôle Nord

La Russie plante son drapeau au fond de l’océan Arctique

par Virginie Pironon

Article publié le 02/08/2007 Dernière mise à jour le 02/08/2007 à 18:07 TU

Ce jeudi matin, un bathyscaphe russe a planté un drapeau en titane inoxydable à la verticale du pôle Nord... à 4 261 mètres de profondeur ! L’expédition « Arctique 2007 », qui mobilise, à bord du vaisseau Akademik Fedorov, une centaine de scientifiques russes, est une formidable aventure scientifique. Mais les enjeux géopolitiques et économiques sont plus importants encore.

De notre correspondante en Russie, Virginie Pironon

Les deux sous-marins de poche russes Mir-1 et Mir-2 ont plongé au fond de l'océan Arctique à plus de 4 000 mètres sous le pôle Nord. 

		(Photo : AFP)
Les deux sous-marins de poche russes Mir-1 et Mir-2 ont plongé au fond de l'océan Arctique à plus de 4 000 mètres sous le pôle Nord.
(Photo : AFP)

Opération réussie pour le député russe Atour Tchilingarov. Accompagné du brise-glace nucléaire Artica et du vaisseau Akademic Fedorov, le célèbre explorateur, considéré comme un héros en Russie, a réussi un exploit qui aurait certainement fait pâlir d’envie les héros de Jules Vernes.

A bord d’un mini sous-marin, l’aventurier, accompagné de scientifiques russes, a dressé, dans les profondeurs de l’océan Arctique, un drapeau en titane d’un mètre de hauteur, aux couleurs de la Russie. Il a également laissé une capsule contenant un message pour les futures générations. « C’est une opération extrêmement sérieuse du point de vue scientifique, explique Sergueï Prianikov, de l’Institut de la recherche sur l’Arctique et l’Antarctique de Saint-Pétersbourg. Pour l’instant, personne au monde n’en a conduit de cette sorte. Les scientifiques ont pour objectif d’observer les changements de plusieurs paramètres de l’océan Arctique, comme sa température, sa salinité, la vitesse des courants. »

Des réserves d’hydrocarbure inespérées

Mais derrière l’aspect scientifique se cachent d’autres intentions. L’objectif des scientifiques embarqués à bord de l’Akademik Fedorov est de démontrer que la dorsale de Lomonossov, une ride montagneuse qui relie la Russie au Groenland, est le prolongement du plateau continental russe. Moscou affirme que 1,2 millions de km² de l’océan Arctique lui appartiennent. Avec le réchauffement climatique, une grande partie des glaces de la région est en train de fondre. Ce qui faciliterait l’accès vers d’importantes réserves d’hydrocarbures.

« D’après les géologues, affirme le quotidien économique Vedomostiles réserves de pétrole et de gaz dans la zone arctique pourraient dépasser les gisements d’hydrocarbures du golfe Persique. » D’où la « course » qui se joue entre les Etats-Unis, le Canada, la Russie, la Norvège, le Danemark et la Finlande.

Un rôle géopolitique considérable

« Ce sont des régions très riches, confirme Jean Malaury, directeur des études arctiques à l’EHESS et au CNRS, président d’honneur de l’Académie polaire d’Etat de Saint-Pétersbourg. Certains scientifiques affirment que 20 % des richesses pétrolières mondiales pourraient se trouver dans l’Océan glacial. De mon côté, je ne me hasarderais pas à faire de tels pronostics. Mais il est certain que l’Arctique est appelé à jouer un role géopolitique considérable pour notre génération et les générations à venir. »

Le célèbre explorateur poursuit : « Nous entrons dans une nouvelle ère, dans celle que j’appellerais post-glaciaire. Du point de vue des transports, déjà, on peut pronostiquer un renversement des voies du shipping. Certains passages qui ont hanté les explorateurs, comme le détroit de Lancaster, passage du nord-ouest canadien, pourront être fréquentés par des navires, d’ici 20 ou 30 ans, avec une fréquence qui sera peut-être celle du canal de Suez ! »