par Marion Urban
Article publié le 05/08/2007 Dernière mise à jour le 05/08/2007 à 09:13 TU
L’influence du monde réel sur l’inconscient est une évidence pour tous ceux qui sont partis acheter du pain et qui sont revenus avec des cigarettes. Mais la question qui se pose aux spécialistes des comportements humains est : où se trouve le point de jonction dans le cerveau quand on passe d’un univers à l’autre ?
« Vous pouvez tenir ma tasse ? »
Un étudiant, les bras encombrés, a du mal à tenir sa tasse de café. Il demande à celui ou à celle qui passe de la lui tenir, le temps de remettre ses affaires en ordre. Le café dans la tasse est une fois froid, une fois chaud.
L’enquête auprès des passants, car il s’agissait d’une expérience d’un laboratoire de psychologie, révèlera que ceux qui ont tenu la tasse de café froid, ont estimé que « l’étudiant » empêtré était froid, égoïste et peu sociable contrairement à ceux qui ont tenu le café chaud.
Une autre expérience, menée par des psychologues néerlandais, offre à un groupe de personnes de remplir un questionnaire. Dans une salle, ils ont placé un seau d’eau citronnée. Dans l’autre, il n’y a rien. Arrive le moment de la pause, au cours de laquelle on distribue des barres de biscuits. Les enquêteurs filment la scène de la pause. Ceux qui étaient dans la pièce à l’odeur de citron ont nettoyé trois fois plus les miettes que les autres.
À l’Université de Standford (Etats-Unis), les chercheurs ont déposé un attaché-case au bout d’une table, autour de laquelle des « cobayes » ont été invités à jouer avec un logiciel de jeu d’argent. Ils ont renouvelé l’expérience en plaçant un sac à dos.
Les personnes de la version « attaché-case » ont joué avec plus de vivacité que les autres.
Le bon programme
Pour les spécialistes, il ne s’agit pas d’un simple prolongement de sensation ou d'impression, mais d'un fonctionnement indépendant de l'inconscient.
Manger, faire l’amour, ou boire un café glacé fonctionne comme un programme informatique, que l’on ouvre dans le cerveau. L’inconscient choisit seul celui qu’il veut, sans faire appel au conscient.
« Quelquefois les objectifs de notre inconscient sont en accord avec nos intentions conscientes, quelquefois, non », explique John Bargh, professeur de psychologie à l’Université de Yale (États-Unis), co-auteur de l’expérience du café. « Nous avons découvert que les systèmes inconscients fournissent en permanence des suggestions pour décider de ce que l’on va faire ensuite. Le cerveau peut décider d’agir en fonction de la suggestion avant que notre conscience choisisse ».
Mais quand le conscient se met-il en route ?
Éveiller le conscient
Le cerveau utilise apparemment les mêmes circuits nerveux pour exécuter une action inconsciente et consciente. C’est ce qu’a mis en exergue une expérience de neuroscientifiques anglo-français, rapportée dans la revue Science (mai 2007).
On dit à des joueurs assis devant un écran d’ordinateur que plus fort ils serreraient la poignée quand défileront des images montrant de l’argent, plus ils augmenteraient leur gain. Lorsqu’un billet se présentait, les joueurs serraient plus fort la poignée que pour une pièce de monnaie.
Les circuits nerveux activés dans leurs cerveaux étaient cependant les mêmes pour le billet que la pièce de monnaie.
Le pallidum ventral, situé dans la partie inférieure du cerveau, s’est révélé particulièrement actif dans cet exercice, suggérant que la procédure de prise de décision se faisait du « bas vers le haut ».
Le pallidum ventral est le lieu où l’on « soupèse » les enjeux et décide. Les signaux sont ensuite transmis dans les régions conscientes de la partie supérieure du cerveau.
Les scientifiques n’ont toujours pas trouvé le lieu exact où le conscient s’éveille à l’inconscient. Mais, l’un de ces points de jonction pourrait être dans la région du cortex préfrontal, dans une fine couche supérieure du tissu cervical, derrière le front.
La thèse de la circulation inconscient-conscient du bas vers le haut serait logique du point de vue de l’évolution de l’homme. Le cerveau émotionnel, situé dans les zones subcorticales et localisé dans l’amygdale et ses circuits associés, a été le premier à se développer. C’est lui qui a aidé nos ancêtres à combattre ou à fuir, avant de développer la conscience des événements. La partie supérieure du cerveau n’est venue qu’après.
La trace de l’inconscient
Les études ont montré que l’inconscient n’était pas un phénomène éphémère, mais qu’il pouvait se fixer avec la même détermination que le conscient.
Des participants qui se sont montrés coopératifs et prêts à aider les autres au cours des expériences, ont continué à l’être 20 minutes après et même plus longtemps. Même chose pour les « agressifs ».
Les buts de l’inconscient peuvent donc être actifs sans que l’on en ait pris conscience.
Au cours d’une étude, les chercheurs ont demandé aux participants de se souvenir d’une bonne ou d’une mauvaise action. Après cela, on leur offre le choix de deux objets : une lingette antiseptique ou un crayon. Ceux qui se sont souvenus de la mauvaise action ont été deux fois plus nombreux à choisir la lingette.