par Sébastien Farcis
Article publié le 17/08/2007 Dernière mise à jour le 17/08/2007 à 17:07 TU
Le projet semblait fou : en 1977, l’ex-président Marcos a fait venir 8 espèces d’animaux africains sur une île des Philippines, à l’ouest du pays, dans l’archipel de Palawan.Trente ans après, les animaux ont pu se développer, mais les habitants originaires de l’île, déplacés pour accueillir la réserve, sont revenus. Ils demandent qu’on leur rende leurs propriétés.
« Nous avons maintenant 24 girafes sur l’île. À l’origine, nous avons importé 15 : 10 femelles et 5 mâles. » Bening, le guide du parc, en est encore émerveillé. Et fier. « C’est une chance qu’elles aient pu s’adapter sur l’île ». Trente ans après leur migration à travers les océans, la nouvelle génération a pris place : il n’y a plus que des girafes nées sur le sol philippin.
Un coin d’Afrique dans l’ouest des Philippines. Cette apparente incohérence naturelle est née d’un projet de Ferdinand Marcos, l’ancien président.
En 1977, il a fait monter une expédition digne de l’Arche de Noë, et fait venir 8 espèces d’animaux du Kenya, cadeau du président de l'époque : des girafes, des zèbres, des impalas, des élans, des gazelles, des topis, des cobes et des guibs - deux sortes d’antilopes -108 animaux en tout, pour créer le Sanctuaire sauvage de Calauit.
Un projet colossal, et inédit, car, en dehors des gazelles et des topis qui n'ont pas survècu, le Sanctuaire fut la première réussite d’implantation d’animaux sauvages en Asie.
Sauf que cette presqu’île du nord de l’archipel de Palawan n’était pas vierge quand les animaux sont arrivés. 200 familles y habitaient, et ont été déplacées sur l’île voisine de Busuanga, dans des conditions qui ne sont toujours pas claires. ^
En 1986, quand le Président Marcos a été renversé, ces familles ont commencé à revenir.
À présent, elles demandent à ce qu’on leur rende leurs titres de propriété.
«Quand nous avons été expulsés de cette île, nous avons seulement pu louer d’autres terres au gouvernement, raconte Fidel Mondragon, qui habite maintenant l’île de Calauit, et préside l’organisation Revenir à Calauit mais on ne nous a jamais rien donné pour compenser la perte de nos propriétés d’ici, à Calauit, jamais. En plus, les terres où nous avons été transférés n’étaient pas productives. » Une nouvelle communauté d’environ 1 000 familles s’est donc créée, principalement sur le sud-est de cette réserve de 3 400 hectares, et, plus ou moins tolérés par les autorités du parc, ils cohabitent avec les animaux.
Les habitants de Calauit (Philippines) reviennent sur leur presqu'île, transformée il y a 30 ans, en réserve naturelle africaine.
(Photo : Sébastien Farcis/ RFI)
« Tout ce que nous voulons, c’est que le gouvernement reconnaisse nos droits de peuples indigènes », explique Fidel Mondragon. Cette notion de « peuple indigène » a une valeur légale importante aux Philippines, depuis la loi spécifique de 1997, qui leur donne le droit à retrouver leurs terres d’origine.
Mais pour le gérant du parc, Freilan Sariego, beaucoup de ces habitants actuels ne sont pas originaires de Calauit, et leurs revendications sont plus opportunistes. « L’île a été protégée pendant de nombreuses années, donc elle a un très grand potentiel pour eux. De plus, l’endroit est de plus en plus touristique, donc ils espèrent aussi que, dans l’avenir, ils pourraient l’exploiter et en tirer des bénéfices. »
Il n'y a plus de girafes kenyanes à Calauit. La nouvelle génération philippine se porte bien.
(Photo : Sébastien Farcis/ RFI)
Selon une décision de la cour de justice, il n’y aurait que 13 familles qui pourraient revendiquer le droit de retour réservé aux peuples indigènes.
Un différent que cherche à expliquer Fidel Mondragon : « Les mariages ont croisé les familles, donc 20% des habitants sont des migrants. Les 80% restants appartiennent donc aux peuples indigènes. Les 13 familles dont parle la Cour sont les familles fondatrices de l’île, comme la mienne, les Mondragon. Cependant, nous considérons que nous sommes tous issus des peuples indigènes de l’île. »
Le gouvernement ne se semble pas vouloir chasser les habitants, et les autorités du parc pensent maintenant aménager une partie de l’île, séparée des animaux.
Même si cette cohabitation entre les zèbres et les Philippins n’étaient pas dans les plans initiaux de Marcos.